08 juillet 2008

Fête de la musique et Eurofoot : Fête ce qu'il vous plaît

5000 personnes jouant, gratuitement ou presque, la musique qu'ils aiment pour 200'000 personnes passant d'une musique à une autre sans être fouillées à l'entrée d'un corral sponsorisé, sans être obligées de boire la bière d'un sponsor et pas une autre, de bouffer le hamburger du sponsor et pas un autre. Des gens qui font ce qu'ils aiment parce qu'ils aiment le faire, et pas pour être vainqueurs d'une compétition. Des gens qui font la fête sans drapeaux, sans chauvinisme, sans beuglements tribaux et sans cortèges klaxonnants. Une dépense sans attente de rentabilité ni calcul marchand. La Fête de la musique, c'est le contraire de l'Eurofoot. Parce que la fête, c'est le contraire du marché.

Après la fête, le désert ?
La fête de la musique investit une ville qu'une politique d'épuration désertifie culturellement : Artamis sera évacué en septembre; sur ses 15'000 m2 de friche industrielle travaillent et créent plus de 200 personnes -de quoi donner des boutons à tous ceux qui rêvent d'une Genève purifiée de ses squats et de ses lieux culturels alternatifs. Alternative ou non, la création a besoin d'espace. Et l'espace d'Artamis va se fermer, comme d'autres avant et après lui. La Ville cherche des lieux de substitution, mais ils sont rares, plus excentrés, plus petits, sont plus des lieux de travail que des lieux de représentation devant le public, et sont dispersés, alors que le rassemblement des membres du collectif Artamis créait une dynamique créatrice dont la perte serait, pour tout le " paysage culturel " genevois, une amputation. Quant au canton, nul ne s'étonnera qu'il ne bouge pas le petit doigt : on ne peut pas mobiliser toute la République pour l'Eurofoot et se préoccuper des pouilleux d'Artamis, ou de Mottattom, dont les artistes risquent de se retrouver eux aussi à la fin de l'année sans espace, leur halle devant être détruite pour laisser place à un immeuble de six étages. Une pétition revêtue de près de 19'000 signatures a été déposée auprès du Conseil d'Etat par l'Union des espaces culturels autogérés (UECA), qui demande que soit assurée " à long terme la diversité de l'offre socioculturelle ". Avec l'évacuation d'Artamis, à l'automne, celle de Mottatom, à l'hiver, l'évacuation l'année dernière de la Cave 12, les menaces planant sur l'Usine, l'offre culturelle alternative genevoise, qui était l'une des plus larges d'Europe il y a une dizaine d'années, s'est déjà considérablement raréfiée. Un week-end par année, la Fête de la Musique -de toutes les musiques- investit la ville. Le reste de l'année, place doit-elle être laissée à la fête de la spéculation immobilière et de l'épuration sociale, culturelle et politique ?