10 janvier 2009

Jeux Olympitres divers

Et une baudruche de moins, une…

Genève a donc renoncé à se porter candidate pour l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de 2018. En fait, ce projet stupide n'avait jamais été porté que par quelques allumés jobinesques (plus Mark Muller, probablement soucieux de faire oublier le piètre bilan de sa politique du logement), mais il avait été annoncé à grande coups de trompettes médiatiques par le quotidien local d'Edipresse (qui s'était déjà illustré dans son rôle de partenaire de l'Eurofoot, et précédemment de thuriféraire du Stade de la Praille). Mais voilà : faute de soutien populaire, de soutien politique (MediaMark mis à part) et même du soutien de Swiss Olympic, le soufflé retombe et la baudruche se dégonfle. Pas de JO d'hiver 2018 à Genève, donc. Mais peut-être à Annecy. Il est vrai que la République a pris l'habitude d'exporter ses nuisances en France voisine... On construit la région comme on peut.

Ouf…
Deux visionnaires, le directeur de l'Hôtel de Rhône, Marco Torriani, et le président de Genève Tourisme, Jean-Pierre Jobin, avaient eu une idée de génie, reprise (c'est dire si c'est une idée de génie) par Mark Muller et la " Tribune de Genève " : faire organiser les Jeux Olympiques d'hiver 2018 à Genève. C'est vrai que ça manquait à notre station de sports d'hiver. Torriani et Jobin ont donc monté un comité exploratoire, pompé 200'000 balles au Sport Toto, et sont allés quémander des soutiens moraux divers et variés. Ils n'en ont guère obtenu, sinon celui de Mark Muller, toujours partant pour soutenir ce genre de foutaises (invariablement présentées comme autant de projets ambitieux et enthousiasmant). Dans la Tribune du 27 juin, le rédac'chef nous avait carrément éjaculé un édito orgasmique : Non seulement " l'Euro2008 est un succès total que même le fiasco du Bout-du-Monde ne peut entamer " (faudra qu'on nous explique comment un succès contenant un fiasco peut être total...), et l'image de la baudruche à Jobin sur le jet d'eau fut " parfaite ", mais " dans la griserie de l'instant " (raaaah lovely) " un seul projet semble désormais capable de satisfaire l'appétit des nouveaux rois de l'événement " et de leurs porte-plumes : les JO 2018, qui auraient ramené " l'Euro aux dimensions d'une belle fête foraine " (c'était donc autre chose ?), et auraient permis en prime aux fétichistes de la bagnole et aux drogués du béton de nous coller une traversée routière de la rade, une troisième voie autoroutière et un nouvel aéroport. Et pourquoi pas une " fan zone " de curling au Bout-du-Monde ? Bref, on l'a échappé belle. Et on s'est économisé un référendum.

04 janvier 2009

HOHL DE GARE

A Genève, l'un des heureux bénéficiaires des millions pompés dans les caisses publiques pour financer les à- côtés de l'Eurofoot est un député radical, Frédéric Hohl, mandaté (apparemment sans réel appel d'offre) et financé (apparemment sans publication d'une adjudication) à hauteur de 800'000 francs par le canton (plus 400'000 de la Loterie romande et du Sport Toto et 470'000 francs de l'UEFA), sans compter la prise en charge par l'Etat et la Ville de la sécurité, des transports, de la voirie, de l'espace (la Plaine de Plainpalais) et de l'accueil. Frédéric Hohl est député (radical) au Grand Conseil. Le député Frédéric Hohl est mandataire du canton pour l'organisation des à-côtés de l'Eurofoot, en plus d'être producteur de la Revue genevoise, ancien président des Fêtes de Genève, ancien directeur d'exploitation d'Expo02. Le député Frédéric Hohl est patron de la société NEPSA, qui a conclu avec le canton, dont le député Frédéric Hohl est législateur, un contrat assurant à la société de Frédéric Hohl, la moitié des bénéfices éventuels tirés de la "Fan Zone" de Plainpalais et de ses troquets (avec le Coca officiel du sponsor et la bière officielle du sponsor, et pas d'autre coca et pas d'autre bière, et pas le droit de venir avec sa boisson et son casse-croûte), que la Ville a "louée" presque gratuitement au canton (500'000 francs, soit le 30 % du tarif normal pour trois semaines de squat légal), canton qui l'a refourguée à Hohl). La location de la Plaine de Plainpalais, du Bout-du-Monde et des Vernets représente, au tarif préférentiel accordé par la Ville, une facture de 700'000 francs (en gros) que le canton n'avait pas budgetée, puisqu'il comptait carrément sur la mise à disposition gratuite de l'espace public, et que Hohl n'a jamais eu l'intention de payer, puisqu'il est toujours parti du principe qu'une collectivité publique (la Ville ou le canton, il s'en fout, il est pas sectaire, Hohl) allait le faire pour lui... Mais Frédéric Hohl a sous-traité une partie de son mandat à d'autres mandataires, des sociétés privées logées à la même adresse que la sienne, et appartenant à des amis ou des collaborateurs :
- la société Skynight de Christian Kupferschmid s'occupait de la technique, de la sono et des lumières
- la société DPO (de Christian Kupferschmid aussi,) de la sécurité
- la société APSA de Patrick Abegg (co-administrateur avec Hohl et Kupferschmid de CPF Genève Organisation, qui détient la moitié de DPO) de la programmation musicale
- GL Events, du montage des tentes et pavillons de la Fan Zone...
"Ce n'est pas parce que ces sociétés ont la même adresse qu'elles ont un lien entre elles", déclare le porte-parole de Mark Muller, Laurent Forestier. Ben voyons, c'est un pur hasard si toutes les sociétés mandatées et sous-mandatées pour l'organisation des à-côtés de l'Euromachin sont logées à la même adresse. Y'avait pas d'autre adresse de libre dans toute le canton, c'est la crise, on doit tous loger dans le même immeuble.
Le petit montage de Hohl lui permettait, selon ses détracteurs (lui le nie), de court-circuiter l'accord passé avec le canton : par la facturation (gonflée ou non) de prestations fournies par ses sociétés proches de sa propre société, il réduirait comptablement ses bénéfices, et donc la part qu'il doit en reverser à l'Etat, tout en encaissant les subventions de l'Etat (votées par le Grand Conseil dont il est membre), de la Loterie romande, du Sport-Toto et de l'UEFA, et en bénéficiant de la quasi gratuité de services cantonaux et municipaux, et de services privés, alors que les 40 emplacements loués à des restaurateurs et petites entreprises diverses l'ont été par Hohl, et à son profit, à raison d'au moins 35'000 francs l'emplacement. La société APSA aura eu l'exclusivité de la vente des bières (5 francs la petite cannette), dont les bénéfices ne reviendront à l'Etat qu'à raison de 25 %, au lieu de 50 % que Hohl aurait du reverser si sa société n'avait pas sous-.traité le marché à APSA (qui rétrocécera la moitié de ses bénefs à NEPSA). Frédéric Hohl se défend : les accusations portées contre lui sont mensongères et relèvent de la "cabale politique". Même si tel était le cas, à qui la faute ? Quand on accumule les casquettes, faut pas s'étonner d'avoir la migraine. Pour se laver de tout soupçon, le député Hohl a demandé à l'Etat de faire toute la lumière sur l'application du contrat passé avec l'entrepreneur Hohl (qui affirmait, une semaine après le début de la fête à beaufs, avoir déjà perdu 400'000 balles). Il n'y a effectivement peut-être rien, également, à lui reprocher (mais on n'en pas sûrs) -sauf qu'en tant que député, Hohl aurait du avoir l'élégance de ne même pas prendre part au concours lancé par le canton pour l'organisation des "animations extra-sportives" de l'Eurofoot. Il est vrai que parler d'élégance à propos de l'Eurofoot est à peu près aussi pertinent qu'évoquer les droits humains à propos des JO de Pekin. Et que le député Hohl vivant, comme il le reconnaît lui-même, des marchés publics, s'il s'abstenait d'y revendiquer sa place parce qu'il est député, l'entrepreneur Hohl, pourrait fermer boutique.

Hohl n'est d'ailleurs pas content que les media aient, quoique prudemment, évoqué les quelques questions embarrassantes que pose le montage financier de l'Eurofoot. Et comme il n'est pas content, Hohl, il se venge en faisant circuler des rumeurs, voire de fausses informations, sur le compte de l'un des journalistes, Didier Tischler, à l'origine de la mise en éviedence du montage financier. Hohl a donc sorti un document présenté comme un document de police portant sur un hypothétique passé judiciaire de Tischler. Or le journaliste a un casier judiciaire vierge, et il semble bien qu'aucune trace de délit n'apparaisse dans son dossier de police (lequel ne serait d'ailleurs accessible qu'à un policier tenu au secret de fonction). Il semble donc bien que Hohl ait montré à des journalistes et à des collaborateurs de l'organisation de l'Eurofoot un document bidon. Et tout ça pourrait finir au tribunal.

L'Eurofoot terminé, Hohl la joue profil bas : "Nous avons réalisé un bénéfice en termes d'image" (ça doit être l'effet baudruche...), mais pas en termes de pognon : "Nous allons équilibrer notre budget", ajoutait Hohl deux jours après la fin des festivités, on a jamais vu des comptes bouclés aussi vite -ou alors, ils étaient bouclés avant que la fête ne commence ?. Hohl précisait (juste avant de partir en vacvances) que si lui "équilibrera" son budget, ça ne sera pas le cas des collectivités publiques : le canton, qui aurait eu droit à une partie des excédents s'il y avait eu des excédents, ne touchera rien du tout : "Nous n'avons pas réalisé de bénéfices, donc il n'y aura pas de bénéfices pour l'Etat non plus". La société de Hohl, NEPSA, avait pour l'ensemble des festivités, un budget de 4 millions et demi (pour la Fan Zone, le Fan Village, le Fan Club). Les huits bars gérés par la société du copain de Hohl, mandaté par Hohl, auraient rapporté 1,2 million (ça paraît léger, vu une fréquentation de près de 700'000 personnes sur les trois sites à bibine), dont la moitié couvrira les frais. Hohl a encore encaissé le prix de la location des stands d'artisanat (une vingtaine, à 4000 balles pièce), une commission sur la vente des boissons par APSA aux tenanciers des stands, et 5000 nuitées du camping. Et l'Etat devra même payer à la place de NEPSA la location de l'espace public de la Ville, facturé 700'000 francs, alors que cet espace a été quasiment intégralement utilisé par NEPSA et ses sous-traitants.
Du coup, toute une série de politiciens qui roupillaient profondément quand il aurait fallu s'inquiéter du racket et des prébendes en train de se répartir, se sont réveillés fin juillet pour crier au scandale (il est vrai qu'il y a des élections en automne) : le MCG Cerutti, candidat à l'exécutif de Vernier, trouve subitement "indécent que les pouvoirs publics paient la facture d'une fête organisée par un privé" , le libéral Ivan Slatkine trouverait "un peu fort que les Genevois paient une facture due à un oubli au niveau du business plan" et not'bon Maire, Manu, estime qu'il n'y a "aucune raison que l'on fasse des cadeaux à une société privée qui a fait des bénéfices" (ou alors, qu'elle prouve le contraire).
Hohl a tout de même commencé à faire ses comptes : les sponsors ont rapporté 50'000 francs, la pub sur les écrans géants 100'000 francs. La "Fan Zone" a été visitée par 626'000 personnes en 25 jours (soit en gros 25'000 par jour, alors qu'elle pouvait en contenir plus de 60'000), la discothèque des Vernets par 38'000 personnes et le "Fan Village"... par 24'000 personnes (alors qu'on en attendait vingt fois plus). Les victimes du racket (les tenanciers des stands loués à prix d'or -36'000 francs pour trois semaines- au Bout du Monde, que les loueurs faisaient passer pour une "Fan Zone" officielle de l'UEFA, ce qu'elle n'était pas) demandent le remboursement de cette location. Mais si le Fan Village a été déserté, c'est la faute au mauvais temps, explique Hohl. La météo était différente à Plainpalais et au Bout-du-Monde ? L'avocat des commerçants rackettés du Bout du Monde, Christian Grobet, a saisi le Tribunal administratif et la Cour des Comptes, et a demandé au Conseil d'Etat (qu'il a prévenu qu'il pourrait être tenu pour responsable de la situation des commerçants) copie des contrats de concession entre NEPSA (la société du copain de Hohl mandaté par Hohl pour "gérer" les parcs à bestiaux, alors que le bénéficiaire d'une concession de l'Etat ne peut en principe pas conclure une "sous-concession", même au profit de copains). Le porte-parole du Conseiller d'Etat Mark Muller, responsable du dossier (mais payé par l'Etat), mais en vacance, a renvoyé la décision à fin juillet. Mi-août, on attend toujours. Bonnes vacances, les rackettés...

La Cour des Comptes a donc été saisie par les victimes du Bout-du-Monde, qui lui demandent de lancer un audit sur les relations entre l'Etat, la société Nepsa de Hohl et ses sous-traitants, comme Apsa. Le dossier adressé à la Cour (qui à la mi-août n'avait toujours pas décidé de s'en saisir ou non, vu qu'elle est en principe vouée à contrôler le fonctionnement de l'Etat et des organismes publics, et que le conflit dont elle est saisie à propos de l'Eurofoot oppose des privés -mais l'une des sociétés mises en cause, NEPSA, était mandataire de l'Etat, et l'autre mandataire de ce mandataire) accuse les organisateurs du "Fan Village" d'avoir donné de fausses garanties, octroyé des concessions non conformes aux dispositions de la loi sur le domaine public, d'avoir reçu des dessous de table, de tenir des comptes non transparents... Les commerçants demandent le remboursement intégral du coût de location (généralement 36'000 francs) et une indemnisation pour le manque à gagner. Ils demandent aussi que le contrat d'organisation de manifestation signé entre le Conseil d'Etat et Hohl soit rendu public. Ils estiment que le fait que les subventions versées à Hohl, n'aient pas été soumises au Grand Conseil constitue une violation de la loi (une de plus dans le feuilleton du stade et de l'Eurofoot...)
L'Etat fera réaliser un audit au bouclement des comptes de Nepsa, en principe cet automne, mais les sous.traitants ne seront pas audités, à moins que la Cour des comptes décide de les auditer eux aussi. On n'a peut être pas fini de rigoler.