26 mai 2012

Brèves


Une centaine de supporters genevois ont causé dimanche des heurts à Lausanne en marge du match opposant Lausanne-Sport au FC Servette. La police a dû faire usage d’un camion-pompe et de  balles en caoutchouc. A l’entrée du stade, peu avant les fouilles, des fans du FC Servette ont provoqué une bousculade afin de pénétrer de force dans l’enceinte. Auparavant, certains d’entre eux avaient lancé des engins pyrotechniques dans les broussailles, provoquant un début d’incendie dans un talus. Et au terme du match, perdu 3 à 1 par Servette, une centaine de supporters genevois ont cherché la confrontation avec le service de sécurité du stade, s'en sont pris à du matériel, à des barrières et ont lancé des bouteilles. Comme disait en substance une résolution du Conseil Municipal de Genève, le soutien au foot professionnel, ça socialise les jeunes, ça leur donne un modèle. La preuve : lors du match entre Servette et Lausanne Sports, l'attaquant lausannois Mat Moussilou, congolais, a été l'objet d'insultes racistes de la part de supporters genevois. Des supporters de foot racistes ? Non, c'est pas possible...

Certains membres du « club des 100 »  (une réunion de mécènes du FC Servette), regroupés danms l'« association SFC » ont entendu dire que « la recherche de soutiens financiers » au club qui vient juste d'échapper à la faillite était « plus compliquée que prévu », et proposent donc d'entrer dans le capital de la Société anonyme du club, mais le « club des 100 » ne veut pas de cette solution et assure qu'il n'y a aucun problème dans la récolte des fonds, et que celle-ci se monte, après trois semaines, à environ un million et demi de francs. Et on est prié de le croire sur parole. D'ailleurs, personne ne ment dans le milieu du foot-pognon. Personne, jamais. Sinon, ça se saurait, non ?

La catastrophe économique, sociale et politique grecque peut-elle avoir du bon ? ou en tout cas, des effets collatéraux sur lesquels on ne versera pas une larme ? celui-ci, par exemple: la suspension de toutes les compétitions nationale d'athlétisme pour protester contre les coupes budgétaires opérées, au nom de l'austérité (et du remboursement de la dette de 350 milliards d'euros) par le ministère de la culture et des sports, qui a ratiboisé l'année dernière le tiers des subventions qu'il accordait au sport, et devrait récidiver cette année. Si on en faisait autant à Piogre, est-ce que le FC Servette, le HC Servette, leurs supporters, leur porte-voix politiques et le Stade de Genève nous lâcheraient la grappe ? 

Lundi dernier, lors d'un match à la Praille entre Servette (qui a perdu) et Thoune, des supporters servettiens de la «Section Grenat»  (en avant, marche !) s'en sont pris à d'autres supporters servettiens, d'origine brésilienne, qui occupaient avec drapeau et tambours les gradins habituels de ladite « Section Grenat », pour qui « les mecs avec leurs tam-tams n'ont rien à faire là ». Surtout s'ils sont basanés. Zont qu'à retourner dans leur jungle, les métèques, non mais. « Noms d'oiseaux et bras d'honneur ont fusé », témoigne un spectateur. Quant au porte-parole du Servette, il se contente de déclarer que « le stade est grand, chacun devrait y trouver sa place dans la respect des autres ». C'est vrai que le stade est grand. Très grand. Beaucoup trop grand. Et aux trois quarts vide. Comme le cerveau des supporters ? On l'a pas dit. Mais on l'a pensé très fort.

Dans une centaine de jours, les Jeux Olympiques d'été s'ouvriront à Londres. Et les Londoniens trinquent. Depuis longtemps, mais ça s'accélère et s'alourdit encore au rythme des derniers chantiers: réfection des chaussées et trottoirs, échanfaudages sur les façades des principaux édifices, paralysie des lignes de metro... dans les quartiers populaires (pour ne pas dire pauvres) proches du « parc olympique » , protégé de la racaille locale par des palissades de trois mètres de haut, les habitants attendent encore que se réalisent les promesses d'emplois pour les chômeurs du coin et d'aménagements de leurs quartiers. La Mairie de Hackney où un centre aquatique destiné aux JO a été implanté (pour 370 millions de francs) râle : ce centre est inutilisable pour un usage populaire, et il faudra en construire un à côté, pour la population de la commune. Le Comité londonien avait estimé le coût de l'organisation des JO pour les collectivités publiques à 2,25 milliards de livres. On en est presque à quatre fois plus (9,3 milliards, soit 13,5 milliards de francs). C'est un dixième des coupes imposées par le gouvernement dans les budgets sociaux, éducatifs et sanitaires, et dont la population la plus pauvre souffre le plus directement. Ces milliards manquent cruellement, et les prestations qu'ils finançaient manquent encore plus cruellement -mais quoi, le principe, c'est bien toujours « du pain et des jeux», non ? Même si le pain est sec et les jeux pourris...
Dimanche s'est couru à Bahrein un grand prix de formule 1. Qui a gagné ? On s'en fout. On sait en revanche qui a perdu : d'abord, tué par la police, un opposant au régime du roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa. Ensuite, le mouvement des Jeunes du 14 mai, qui réclame, l'impudent, une monarchie constitutionnelle (même pas une république) et le respect des choix démocratiques. Il y a un an déjà, la répression du mouvement d'opposition avait fait 35 morts, en février et mars, et plus de 60 personnes ont été tuées depuis le début du mouvement. C'est quand même pas quelques dizaines de morts d'arabes, chiites en plus, tués par la police ou l'armée, qui vont arrêter un grand prix de Formule 1, non ? Les bagnoles de course passent, la démocratie trépasse et alors ? Y'a quand même encore des coins comme Bahrein où on respecte les vraies valeurs, celles qui font vroum vroum... 
Le 1er avril dernier, autour du match de foot Lausanne-Servette, à Lausanne, de graves débordements de supporters (et de bière) avaient contraint la police lausannoise à intervenir, avec tirs de balles en caoutchouc, suivie des pompiers et de la voirie. Six semaines après les faits, la police, les pompiers et la voirie ont envoyé la facture (80'000 balles, voirie non comprise) à la Ville. Qui avait assuré que ce serait aux clubs de payer. Et qui aujourd'hui admet que « le système de responsabilité financière des clubs (n'étant pas en place », c'est la Ville elle-même qui paiera. Et pourquoi pas les supporters ? Ben... parce que ce sont de bon gars, finalement. Forcément, des fans de foot, ça peut être quoi d'autre ? C'est quand même pas le black block. Juste le naze bock...


18 mai 2012

Mondial 2014 de foot : Main basse sur le Brésil


Comme nul n'est censé l'ignorer, la prochaine coupe mondiale de foot, le « Mondial » (comme s'il était évident que ce machin résumait la planète) se déroulera et déroulera ses fastes, son fric et sa dope, au Brésil. Et le Brésil s'y prépare, sous la houlette tout sauf désintéressée de la coupole du foot professionnel international, la Fédération internationale de football (FIFA) et de son parrain haut-valaisan, Sepp Blatter. « Le Brésil s'y prépare », cela signifie : évacuation des habitants de quartiers entiers, violation des droits humains et des droits syndicaux, surexploitation des travailleurs, coupes dans les budgets sociaux pour financer les infrastructures sportives et touristiques... Il paraît que le Brésil a un gouvernement (et une présidente) de gauche. Face au foot-pognon mondialisé, il apparaît surtout que la gauche est aussi veule que la droite. 

Des chômeurs regarderont à la télé des millionnaires courant après un ballon

Souvenez-vous du Mondial 2010, en Afrique du Sud : ce fut une véritable opération de pillage des caisses publiques du pays par les organisateurs des joutes, leurs sponsors et les media. L'Afrique du Sud y avait perdu près de trois milliards de francs, la Coupole du foot (la FIFA, donc) y avait gagné plus de trois milliards de francs. Un transfert modèle, sur le dos des travailleuses et des travailleurs sud-africains, surexploités pendant tout le temps où ils mettaient sur pieds et sur béton toute l'infrastructure nécessaire à la « grande fête du sport ». Eh bien, pour le Mondial brésilien de 2014, l'histoire bégaie : sur les chantiers du Mondial, les salaires versés sont inférieurs au minimum vital. Les syndicats demandent un salaire minimum de 1100 reals par mois (environ 635 US$) mais le salaire minimum réel plafonne à 650 reals (environ 400 US$), et pour s'assurer que l'impudente revendication de pouvoir vivre de son travail ne perturbera pas les réjouissances fotballeuses, le droit de grève sera drastiquement limité pendant les trois mois précédant la compétition, et pendant toute la durée de celle-ci -il ne faudrait pas que les spectateurs et les téléspectateurs soient informés de la situation réelle des gens qui ont travaillé pour le spectacle... Enfin, le Mondial va déloger plus de 150'000 personnes des zones où sévira la fièvre du ballon rond et des favelas qui font tache dans le paysage touristique qu'on veut présenter, et il va de plus priver les marchands de rue (qui habitent ces favelas) de leur gagne-pain (en plus de leur logement) afin d'assurer le respects des droits exclusifs des sponsors de la FIFA.

« La FIFA met le Brésil en coupe réglée », résume Solidar Suisse (l'ex Oeuvre suisse d'entraide ouvrière, OSEO), qui lance une campagne pour exiger de la Coupole qu'elle fasse respecter les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs brésiliens et des populations locales, victimes à la fois de la rapacité de la FIFA elle-même, de celle des sponsors et de l'incroyable veulerie des autorités brésiliennes. Il y a sans doute quelque feinte naïveté dans une campagne qui demande aux organisateurs d'une calamité de « promouvoir le fair-play à l'égard de la population locale » frappée par cette calamité, mais il y a surtout la volonté de mettre la FIFA face à ses propres discours sur le fair-play et la grande fraternité du sport, et à sa propre pratique : l'organisation «sportive» est en fait une multinationale qui va engranger des milliards de francs, ou de dollars, ou d'euros, grâce au Mondial et grâce à l'exploitation de ceux qui vont le rendre possible sur place, mais cette multinationale ne paie pas, et ne veut pas payer d'impôt, ni au Brésil où elle va sévir, ni en Suisse où elle siège.

Les milliards que le Brésil va consacrer à l'organisation du Mondial, pour les beaux yeux de la FIFA, de ses sponsors et des chaînes télés qui retransmettront les matches en faisant exploser les tarifs des publicités qui encadreront et farciront les retransmissions, ces milliards de dépenses somptuaires seront compensés par des coupes dans des programmes sociaux autrement plus urgents et plus essentiels que des joutes organisées dans les moindres détails par la FIFA, et se résumant en cette formule : « des chômeurs regardant à la télé des millionnaires courant après un ballon ».

Il y a 50 millions de pauvres au Brésil. Il y en aura encore plus après le Mondial. Mais ils auront pu croire leur pays devenu le centre du monde, alors qu'il n'aura été qu'un champ mis en coupe réglée par la FIFA.

Soutenez la campagne de Solidar : www.solidar.ch/fr/

09 mai 2012

Fonds de tiroirs


L'ancien patron du FC Servette, Francisco Vinas, qui se taisait depuis trois ans, est sorti de son silence, dans « Le Matin Dimanche » de dimanche dernier. Pour dire son fait à son successeur, Madjid Pishyar, en commençant par rappeler que lui, Vinas, avait sorti le club de la merde où l'avait laissé Marc Roger, et qu'il n'avait cédé le club à Pishyar que sous la pression d'attaques personnelles constantes, de la part des partisans de Pishyar (qu'on entend curieusement peu, en ce moment). Qui a donc pu reprendre un FC Servette sans dettes, avec plus de deux millions en caisse. Mais le laisse sans un radis, avec quelques millions de dettes. De toute façon, pour Vinas, faire vivre un club de foot d'élite à Genève, «c'est vouloir exporter le foot au Groenland » : en clair, l'écrasante majorité des Genevois (dont nous, ici) se contrefoutent de la présence ou non d'un club genevois en division A, B  ou Z du foot suisse. Vinas se dit « déçu de voir à quel point les Genevois et la presse locale se sont fait embobiner » et se demande comment ils ont pu « gober tout ce qu'à dit M. Pishyar ? ». Ben, c'est simple : ils auraient gobé n'importe quoi pourvu que ce n'importe quoi se conclue par « hop Servette, on va gagner ! », ce genre de conneries pour supporters, quoi. Et ça continue : la « Tribune » touille aujourd'hui la même sauce qu'à l'arrivée de Pishyar. Et s'apprête à nous la resservir avec n'importe quel repreneur.  C'est comme au bonneteau : tant qu'il y a des congres assez congres pour se laisser pêcher, y'a pas de raison d'abandonner la pêche au congre...

Fin janvier, la coupole européenne du sport-pognon (l'UEFA, donc) a annoncé dans un rapport que le déficit accumulé de 665 clubs européens atteignait 1,64 milliard d'euros, soit 435 millions de plus en un an, que 56 % des clubs de première division européenne avaient enregistré des pertes nettes en 2011 (en France, sur 20 clubs de la division supérieure, quatorze étaient en déficit, six enregistrant des pertes supérieures à cinq millions d'euros) et que 78 clubs avaient claqué la totalité de leurs recettes dans les seuls salaires, parfois mirobolant, de leurs joueurs et entraîneurs. Bon, nous, on vous dit ça, hein, c'est pour vous consoler des déboires du Servette : le sport-pognon, c'est la merde partout...

Le président du Servette Hockey-Club, Hugh Quennec,  ayant repris le Servette Football Club, et le Servette Football Club ayant précédemment repris l'exploitation du Stade de Genève, est-ce que Hugh Quennec va devoir aussi assumer le trou de la Praille ? Grave question, car le stade est impossible à rentabiliser : trop grand pour les besoins sportifs locaux, il ne peut même pas être utilisé pour y organiser  plus de trois concerts par an, afin de limiter les nuisances pour les riverains. Certains avaient bien pensé à en faire usage pour accueillir la fête fédérale de gymnastique mais, las ! les rupestres ont préféré Estavayer. Bon, ben avec tout ça on n'est pas plus avancés... on en fait quoi de ce truc ? le lieu unique pour les manifestations autorisées, après l'adoption par le bon peuple d'une loi durcissant les conditions de la liberté de manifester ? le lieu de détention des participants aux manifestations non autorisées ? Un stade Olivier-Jornot, en quelque sorte ?

A une heure du matin, dimanche dernier, une quinzaine de supporters du SFC ont provoqué une bagarre générale à la rue de l'Ecole de Médecine, en s'en prenant aux clients de trois bistrots, avant de déguerpir à l'arrivée de la police... Le Servette est de retour, ses supporters aussi, chouette...

On a retrouvé ça dans un vieux « GHI »  (du 16 mars de l'année dernière), et on savoure, sans autre retenue que celle que pourrait nous donner le temps qui passe et les illusions qui trépassent :
« Stade de Genève : à l'abri des soucis financiers.
Le Servette FC reprend l'exploitation du Stade pour les 33 prochaines années.
La signature de ce contrat entre le Servette FC et la Fondation du Stade de Genève règle tous les problèmes de financement, résume dans un large sourire Mark Muller, conseiller d'Etat en charge du Département des constructions ». Et Benoît Genecand, président de la Fondation du Stade, d'expliquer avoir voulu «  prémunir (la fondation) des problèmes financiers sur la durée», et Madjid Pishyar, alors président du Servette FC, annonce vouloir « doter Genève d'une académie du foot ». Et c'était illustré d'une zoulie photo d  Pishyar, Muller et Genecand, lequel devrait s'interroger sur son avenir vu le parcours des deux autres. L'article se clôt par cette citation d'un « proche observateur » : « J'espère que Madjid Pishyar a les moyens de ses ambitions »... La réponse est non. Mais pour les moyens de nous faire encore marrer un an après, la réponse est oui.