13 janvier 2014

2014, grande cuvée sportive : Décervelage intensif au programme

Coupe du monde de foot, Jeux Olympitres de Sotchi, sans oublier les récurrences (Tour de France, championnats nationaux, derbies divers et variés) : l'année 2014 s'annonce comme l'une des meilleures cuvées du crétinisme sportif. On a déjà, ici, évoqué les délires financiers et bétonniers et l'exploitation négrière de travailleurs pour construire les arènes des jeux du cirque.  Mais on ne saurait oublier que toutes ces pathologies supposent une idéologie et proposent un spectacle, et que pour comprendre l'impact mondial du décervelage par le sport il est aussi utile de lire Guy Debord que les comptes de la FIFA ou du CIO...

La plus réussie de toutes les entreprises de crétinisation de masse...

Deux petites informations prises en vrac dans les journaux de ces derniers jours nous serviront d'introduction : D'abord, 37'000 policiers et militaires vont être mobilisés par la Russie poutinienne pour « sécuriser » les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi (sans pour autant annihiler la menace « terroriste »).  Ensuite, la coupe du monde de foot, attribuée au Qatar pour de sordides raisons policito-financières, devra être déplacée de l'été à l'hiver, parce qu'il est difficile d'envisager faire jouer des matches par 50 degrés (celsius) à l'ombre dans un désert bétonné de stades à peu près aussi utiles au Qatar que des pistes de courses de chameaux dans l'Oberland bernois....

Le sport s'est mondialisé, et le monde s'est « sportivisé » : les sports, en particulier les sports d'équipe, se sont professionnalisés, codifiés, marchandisés -et en même temps que se développaient les sports les plus rentables économiquement et médiatiquement, les sports traditionnels et locaux, se folklorisaient -ce qui permet d'ailleurs d'en parfaire la fonction identitaire, à l'image des fêtes suisses de lutte ou de gymnastique. Les calendriers sportifs, devenus universels pour les plus importants d'entre eux (les mondiaux de foot, les Jeux Olympiques...) sont de plus en plus resserrés dans le temps (les moments de « pause sportive » ne sont plus exceptionnels, ils sont devenus illusoires si l'on tient compte des calendriers de tous les sports qui comptent), et de plus en plus encombrants pour toutes les autres activités sociales, y compris pour les calendriers politiques et culturels, qu'ils finissent par contraindre à se caler sur eux pour ne pas perdre du public. On échappe de plus en plus difficilement au lavage sportif de cerveau : le sport s'étale dans la presse, à la télévision, sur internet, dans les bistrots, sur les places publiques. Et, glouton, il consomme des ressources financières publiques de plus en plus considérables, pendant que les coupoles internationales du sport professionnel, qui n'assument aucune des charges financières de construction des infrastructures nécessaires à leurs jeux du cirque, s'engraissent en vendant pour des sommes astronomiques le sponsoring et la transmission télévisée de ces jeux. On est dans un spectacle mondial qui prend des allures de pandémie, inéradicable.
Les records, les performances, les résultats sont portés aux nues, et mythifiés, et  les « champions » donnés pour exemples comme naguère la vie des saints ou les exploits des dieux -le dopage, la violence, le « tous les moyens sont bons pour gagner », le racisme des supporters ne comptent pas, ou pour beurre allégé. Le commentaire sportif est à l'unisson du vide sidéral de ce qu'il commente, mais imprègne d'autant plus facilement le langage d'autres champs sociaux, à commencer par la politique, que les mots y sont rares, les idées courtes et les phrases simples : la bêtise est  plus efficace que l'intelligence, et l'inculture plus compréhensible que la culture -des imbéciles parlant d'imbéciles n'auront jamais aucune peine à se faire comprendre par un public rendu imbécile par cela même dont on lui parle et envieux de ceux dont on lui parle et dont le mode de vie parasitaire et le langage décérébré deviennent référentiels, parce que ceux-là, les champions, sont riches à millions quand ceux qui s'extasient devant eux sont souvent pauvres -mais prêts à trouver indécent le salaire d'un ministre quand le revenu de leur idole sportive en est le centuple...

2014 s'annonce ainsi sous les pires auspices : on va nous farcir les media de grands discours sur les « valeurs éternelles du sport », les « exemples pour la jeunesse », la « grande fraternité des sportifs de toute provenance ». Ces conneries, on les entend certes puis un siècle, mais elles se sont depuis répandues comme une marée noire  : c'est poisseux, gluant, ça se colle partout, ça étouffe toute critique -et ça recouvre tout ce que le sport est réellement, aujourd'hui comme lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936,  de Moscou en 1980, de Séoul en 1988, de Pékin en 2008, de Sotchi en 2014 : la plus réussie et la plus rentable, politiquement et financièrement, de toutes les entreprises de crétinisation des masses.
La plus réussie, et donc la plus dangereuse.