29 janvier 2007

"On n'a plus qu'une chose à faire : foncer"
(Mark Muller, Conseiller d'Etat, à propos de l'organisation des à côtés festifs de l'Eurofoot, Le Matin du 24 janvier)
... foncer, oui : en direction des caisses publiques, pour y pomper ce qui reste après les avoir déjà vidangées de plusieurs dizaines de millions pour boucher le trou de la Praille.


Le président du Fonds d'équipement communal, dans lequel onze millions ont été pompés par la fondation du stade de la Praille, se défend de tout soupçon de coup fourré : "lorsque nous avons voté pour l'attribution de ces 11 millions à la Fondation du stade, il n'y a pas eu d'opposition majeure de la part des communes" explique Claude Etter (Le Courrier du 19 janvier)
... ben évidemment : elles n'étaient pas informées qu'on allait proposer vider leur caisse commune pour payer les dettes de la fondation, et du coup la Ville était absente lors du vote. Pour éviter les oppositions, évitons de communiquer les propositions. C'est simple comme un vol à la tire.


Le slogan officiel de l'Euro 2008 (en quatre langues -mais on a remplacé la langue des indiens (le romanche) par celle des cow-boys (l'anglais) sera "L'émotion est au rendez-vous". L'arnaque aussi.

Pour le directeur général de l'UEFA (Le Matin du 25 janvier), ce slogan "met en lumière l'essence même de ce que le tournoi vise à offrir". Ouais : du pognon pour l'UEFA.

L'ancien vice-président de l'UEFA, Freddy Rumo, se demande "quelle est la différence entre le mode de fonctionnement de l'UEFA et celui d'une grande entreprise ?" (Le Temps du 26 janvier).
Réponse : une grande entreprise paie des impôts et remplit les caisses publiques, l'UEFA vide les caisses publiques et ne paie pas d'impôts.


Pour le président de l'Association suisse de football, Ralph Zloczower, (Le Matin du 25 janvier) l'Euro 2008 en Suisse sera "une expérience inoubliable pour tous les fans de sport".
Et les caisses publiques.
Et d'ajouter qu'il est "difficile d'imaginer quelque chose de plus coloré, de plus festif et de plus excitant". Ben si, une bonne baston entre supporters.
Quant au président de l'Association autrichienne de foot, il estime que le slogan "L'émotion est au rendez-vous" s'applique "également aux joueurs et aux entraîneurs (...) et bien sûr aux fans". Et bien sûr aussi aux contribuables.

23 janvier 2007

Spéléologie financière : exploration des trous de la Praille et de l'Eurofoot

Rapport sur l'impact économique de l'Euro 2004
(source : UEFA -les commentaires entre parenthèses étant de notre fait)

Les principaux bénéfices associés à le tenue de la finale de l'Euro 2004 de l'UEFA au Portugal sont (selon l'UEFA) :
- Des investissements de 795 millions d'euros dans la construction et la rénovation des stades (toutefois, une bonne partie de ces investissements, notamment ceux concernant la rénovation des stades, auraient de toutes façons été consentis et ne sont donc pas liés à l'Euro 2004);
- L'emploi pendant 4 ans et demi de 36'150 personnes par an pour les travaux précités, ce qui a généré une masse salariale de 85 à 100 millions d'euros (même remarque que pour le point précédent : une grande partie des personnes employées à la construction ou la rénovation des stades aurait de toutes façons été employée à des travaux équivalents, voire, s'agissant des rénovations, aux mêmes travaux);
- Une publicité pour le Portugal, dans tous les media télévisuels, équivalant à une publicité payante de 113 millions d'euros, plus 177 mios € de couverture media additionnelle (pour arriver à ces chiffres, il faut considérer qu'à chaque fois qu'on a évoqué le Portugal dans la retransmission d'un match de l'Euro 2008, cette évocation équivaut à une publicité pour le Portugal).
Au total, donc, on a d'un côté des investissements (essentiellement publics) de 795 millions d'euros, et de l'autre des retours sur investissement d'un peu moins de 400 millions. En d'autres termes, les investissements n'ont été compensés qu'à moitié, et le Portugal en a été de sa poche pour 400 millions. L'UEFA doit donc expliquer que le Portugal n'y a tout de même rien perdu, car l'Eurofoot lui a permis (ou l'a obligé) de rendre ses infrastructures plus performantes pour d'autres événements, a suscité une expansion économique, a renforcé l'attrait du pays pour des voyageurs potentiels à d'autres occasions, a généré un "bénéfice social" et a développé le sport. Mais dans le même temps où l'UEFA évoque ces bénéfices indirects, elle reconnaît qu'ils ne sont pas "facilemement mesurables et quantifiables", que d'autres événements que l'Eurofoot auraient pu avoir les mêmes effets, et que d'entre ceux que l'UEFA évoque, certains peuvent ne pas se concrétiser "immédiatement".

A propos de l'impact de l'Euro2004 sur le tourisme vers le Portugal, l'UEFA se contente de noter que le nombre de visiteurs étrangers du Portugal s'est accru de 50 % entre 2000 et 2005, que les profits retirés au Portugal du tourisme international ont crû dans la même période de 46 % et se situent dans une fourchette de 83 à 100 millions d'euros. La part de cette croissance qu'on pourrait attribuer à l'impact médiatique de l'Euro 2004 n'est cependant pas précisément évaluée (pour Genève, de toutes façons, cet impact serait à peu près nul, la renommée de la ville -et donc de sa région) étant déjà largement "assise" internationalement, et ne devant rien à des événements du genre de l'Eurofoot).L'UEFA note par ailleurs qu'un spectateur étranger de l'Euro2004 n'a passé qu'un jour (celui du match) au Portugal. Elle évalue à 64 euros par jour et par personne l'apport financier des visiteurs étrangers du Portugal à la faveur de l'Euro2004, et situe dans une fourchette de 197,5 à 262,3 millions d'euros le volume financier lié à l'ensemble des visiteurs étrangers venus pour l'Euro2004. Une grande partie de ce volume (de 59,3 à 91,5 millions d'euros) représente toutefois le coût du voyage au Portugal, et non des dépenses sur place.

S'agissant des stades construits dans la perspective ou au prétexte de l'Euro 2004, l'UEFA estime qu'il y en a sept dans ce cas : ceux de Braga (30'000 places), de Coimbra (30'000), de l'Algarve (30'000), l'Antas de Porto (50'000), d'Aveiro (30'000), le Luz de Lisbonne (65'000) et le stade José Alvalade. L'Antas et le Luz remplacent des stades plus anciens. Le coût total de ces nouvelles infrastructures et de la rénovation des anciennes a été de 795 millions d'euros (680 liés aux stades eux-mêmes, 115 à d'autres coûts). Ces coûts ont été couverts à 21,1 % par l'Etat, à 45 % par des emprunts bancaires, à 28,5 % par les ressources propres des stades (mais ces ressources dépendent elles-aussi en partie de subventions publiques, notamment municipales) et à 5,4 % d'autres sources.
La construction de nouveaux stades a impliqué directement 17'790 emplois par an, pesant 112,2 millions d'euros, et l'UEFA estime qu'elle a indirectement impliqué 18'360 emplois, pesant 131,5 millions d'euros. L'UEFA estime cependant que moins de la moitié de ces emplois (8030 sur 17'790) et de la masse financière qu'ils représentent (54 millions sur 112,2) sont explicitement dus à l'Euro2004, le reste correspondant donc vraisemblablement à des emplois et une masse financière qui auraient de toutes façons été réalisés puisqu'il aurait de toutes façons fallu entretenir, ou démolir, ou reconstruire, les stades existants.

20 janvier 2007

Entourloupe et déni de démocratie

Le Stade de la Praille, à défaut d'utilité publique, a trouvé sa vocation : celle d'une sorte de trou noir financier, aspirant tout ce que les caisses publiques situées à proximité peuvent laisser échapper. Dernière entourloupe du genre, qui tient à la fois du racket et du déni de démocratie : le don princier (en période de "vaches maigres" budgétaires) de onze millions puisés dans le Fonds d'équipement communal, pour permettre à la Fondation du stade de payer l'ardoise (moins les intérêts, abandonnés par le créancier) laissée auprès de l'entreprise qui a construit ce machin, Zschokke, devenue Implenia. Il y a donc de la cohérence dans la démarche des stadolâtres genevois : cela fait bien des années qu'ils pratiquent un "ninisme" assez particulier : "ni souci des finances publiques, ni respect des droits démocratiques", sur fond de politique du fait accompli -et comme ce sont les mêmes qui s'agitent autour de l'Eurofoot2008, il y a fort à parier qu'ils useront des mêmes méthodes pour faire casquer les collectivités publiques à la place des organisateurs, et empêcher les citoyennes et citoyens de se prononcer sur ce financement, comme ils les ont empêché de se prononcer sur la construction du stade, sur son ampleur, et aujourd'hui sur le financement de ses dettes.
Racket et déni de démocratie, donc.
Racket, d'abord : la facture finale de la construction du stade a atteint le double de ce qui était prévu au départ (117 millions aujourd'hui, contre 68 prévus). Pour tenter de boucher le gouffre ainsi creusé, la fondation du stade a successivement racketté l'Etat, la Ville de Lancy, et maintenant l'ensemble des communes, via le Fonds d'équipement communal (au passage grossi de ressources auparavant restituées aux communes -part sur l'impôt immobilier, part sur l'impôt à la source des frontaliers). On admirera l'exercice : on remplit les caisses d'un organisme intercommunal en vidant celles des communes, pour ensuite vider les caisses de l'organisme en question en payant les factures d'une fondation privée.
Mais l'exercice ne se limite pas au racket : il atteint au sublime dans le déni de démocratie. Il y a moins de deux ans, en avril 2005, les citoyennes et citoyens de la Ville refusaient, à une majorité écrasante (près de 75 %) que la Ville puisse prêter 2,5 millions à la Fondation du Stade, compte tenu de l'absence à peu près totale d'espoir que ce prêt soit un jour remboursé (Lancy et le canton, qui avaient eux aussi prêtés de l'argent à la Fondation, n'ont pas vu la couleur du moindre début de remboursement). C'est le principe du trou noir, la perfection de la constipation : ça avale, ça digère, ça ne relâche rien. Or donc, le plus démocratiquement du monde, le "peuple souverain" de la Ville refuse de prêter 2 millions et demi à la Fondation -mais moins de deux ans plus tard, c'est trois millions que la Ville va, non plus prêter, mais donner à cette même Fondation, par l'intermédiaire d'un fonds alimenté pour un tiers par la Ville. Et qui est ponctionné de onze millions. A titre d'exemple, les trois millions versée par la Ville via le Fonds d'équipement communal, c'est cinq fois plus que ce que les libéraux prétendaient vouloir économiser en supprimant purement et simplement la subvention municipale au Festival de la Bâtie... Et à titre, sûrement, de coïncidence malheureuse, on puise dans des fonds publics pour éponger une dette privée alors qu'on explique au bon peuple que les collectivités n'ont plus assez d'argent pour maintenir les prestations sociales (et que, par exemple, on décide de ne pas indexer les prestations d'assistance en 2007, alors que la loi prévoit une telle indexation).
On notera, pour la bonne bouche, que le cadeau de onze millions fait à la Fondation l'a été par un fonds au sein duquel siègent les deux Conseillers d'Etat Verts. En avril 2005, les Verts s'opposaient à un prêt de 2,5 millions, en janvier 2007 ils acceptent un don de onze millions. Les Verts sont, effectivement, comme nous le clame la presse, sur une pente ascendante.

19 janvier 2007

Depuis le début de la saison, il est interdit de fumer dans les stades suisses, y compris sur la pelouse et sur les bancs de touche, lors des matches.
Tant qu'il n'est pas interdit de picoler avant et après...

17 janvier 2007

Les policiers suisses s'inquiètent de l'état d'impréparation dans les questions de sécurité liées à l'Eurofoot : "On est très, très en retard dans les questions de sécurité", déclare à la Tribune de Genève (du 18 novembre) le vice-président de la Fédération suisse des fonctionnaires de police, Olivier Prevosto. Selon lui, les polices suisses (et leurs renforts étrangers) ne pourront mobiliser que 900 hommes pour les matches à haut risque, 700 pour les matches à risque moyen, 450 pour les matches sans risque particulier (il y en a donc ?), alors que lors du Mondial de foot de 2006, l'Allemagne mobilisait 3000 hommes par match, ce qui avait permis de limiter la casse (sans l'éviter totalement).

Le sociologue allemand, spécialiste du hooliganisme, Günter Pilz, a inventé un nouveau concept : les "hooltras", croisement entre le hooligan pur jus (violent par principe) et le supporter "ultra", fana de son club et potentiellement (mais pas systématiquement) violent. Le "hooltra" est un personnage intéressant : raciste et violent, son ennemi principal n'est pas le supporter du club adverse, mais la police et toute espèce de service d'ordre. Sachant que les "hooltras" représentent, selon Pilz, 10 % des "ultras", et que ceux-ci (potentiellement violents) sont entre 1500 et 2000 en Suisse, on a donc, en Suisse même, un petit vivier de 150 à 200 "hooltras" (âgée de 18 à 30 ans, issus de toutes les couches sociales, et majoritairement suisses, selon le chef de la police fédérale, Urs von Däniken), qui vont s'ajouter à leurs congénères des autres pays participant à l'Eurofoot pour participer aux festivités, y'a pas de raison.

"Le football n'a ni les moyens ni l'ambition de résoudre des problèmes de société", déclare le porte-parole de l'UEFA, William Gaillard (Le Temps du 2 décembre), à propos des batailles rangées et actes racistes qui se multiplient dans les stades, et à leurs abords, dans toute l'Europe (y compris en Suisse). Il a raison le Gaillard : le football ne peut pas résoudre les problèmes de sociétés. Il peut juste les aggraver en en inventer de nouveaux.

- Le 27 octobre, des affrontements provoqués par des supporters munichois font plus de 80 blessés à Augsbourg, lors de match de 2ème division. 40 supporters sont arrêtés. Le week-end suivant, des arbitres amateurs de la région de Wittgenstein se sont mis en grève pour protester contre les violences dont ils sont victimes de la part de joueurs et de supporters.

- Le 1er novembre, dans un match entre équipes de juniors à Onex, un joueur de 15 ans est démoli à coups de pieds, alors qu'il était à terre, sous les yeux de son père par un joueur onésien. Le jeune vaudois, inanimé, est hospitalisé. Après le match, l'arbitre témoigne avoir entendu des joueurs d'Onex dire leur satisfaction d'avoir "cassé un adversaire".

- Le 8 novembre, des supporters du FC Schaffhouse et du FC Thoune, revenant d'un match à Schaffhouse entre les deux équipes, se sont affrontés à la gare de Schaffhouse, puis dans le train Cisalpino qu'ils ont pris en commun, où ils ont commis diverses déprédations et dont ils sont saccagé le wagon restaurant. Cinq d'entre eux ont été arrêtés.

- Le 23 novembre, à Paris, après la défaite du PSG devant l'Hapoel de Tel-Aviv, un groupe d'une centaine de supporters d'extrême-droite s'en prend à un supporter du club israélien. Un policier en civil (d'origine antillaise) tente de protéger du lychange le supporter agressé. La centaine de supporters d'extrême-droite s'en prend également à lui. Menacé lui aussi d'être lynché, le policier sort son arme, tire, blesse grièvement un supporter parisien et en tue un autre, membre du groupe de supporters d'extrême-droite "Boulogne Boys" (le groupe., dont l'emblème est une tête de mort, et dont les chefs se nomment eux-mêmes des "kapos", compte un millier de membres, dont 400 sont potentiellement violents, et une trentaine le sont systématiquement violents). Le policier et le supporter du club israélien se réfugient dans un Mc Do assiégé par plus d'une centaine de supporters parisiens hurlant "mort aux juifs", "Sale nègre" et "la France aux Français", et n'en sont finalement délivrés que grâce à l'intervention massive des CRS. Commentaire navré du président de la Ligue nationale française de foot, Frédéric Thiriez (dans Le Monde du 25 novembre) : "Le football, ce n'est pas la haine. Le football, ça ne peut pas être la guerre". Mais un pogrom, oui, ça, ça peut. Le 26 novembre, les petits copains du supporter abattu par le policier ont organisé à Nantes une marche en son hommage.

- Le 30 novembre, cinq supporters saint-gallois sont condamnés à des amendes de 500 à 800 francs et à des peines de prison de 15 jours avec sursis, pour avoir, après un match entre Xamax et Saint-Gall, commis des déprédations et des affrontements avec la police autour de la gare CFF de la Chaux de Fonds.

- Le 30 novembre, des hooligans hollandais sèment la panique dans le stade de Nancy, dans le cadre d'une rencontre de la Coupe de l'UEFA (l'organisatrice de l'Eurofoot 2008).

- Le 3 décembre, un match "à très haut risque" selon les Renseignements Généraux, match entre le Paris St-Germain et Toulouse est annulé par le préfet de police de Paris, compte tenu des risques d'affrontement après la mort d'un supporter parisien abattu par un policier le 23 novembre.

15 janvier 2007

Endettée à hauteur de plus de 10 millions depuis l'ouverture du stade, la Fondation du Stade de Genève recherche un directeur d'exploitation (de l'exploitation du stade, pas d'exploitation de la crédulité populaire, ça, les politiques s'en chargent à merveille), pour, explique l'annonce parue dans Le Temps, "relever le défi et faire vivre le Stade de Genève avec de multiples manifestations". Et y'a du boulot. D'ailleurs, c'est un superman que cherche la Fondation du stade : un universitaire, gestionnaire et manager expérimenté, bon connaisseur des milieux économique, sportif et culturel romands, expérimenté dans l'organisation d'événements, maîtrisant les tâches administratives et les outils informatiques, âgé de 30 à 45 ans, trilingue (français, anglais, allemand), dynamique, positif, à l'aise dans les contacts humains... La Fondation du stade a juste omis de signaler que son futur directeur d'exploitation doit aussi être un peu masochiste, ne doit pas souffrir d'agoraphobie et de vertiges devant l'immensité vacante d'un stade de 30'000 places occupé par 800 personnes et avoir suffisamment d'imagination pour trouver le moyen de régler les dettes (La Ville de Lancy attend toujours le premier remboursement des trois millions qu'elle a prêtés à la Fondation du Stade de la Praille, en 2003. Et l'entreprise Implenia, anciennement Zschokke, attend toujours le début du remboursement des dix millions dus sur la construction du stade), tout en préparant l'Euro 2008 sans faire de nouvelles dettes.
Dans son annonce d'offre d'emploi, la Fondation du Stade s'autopromeut en affirmant avoir "réussi à créer une nouvelle dynamique en organisant avec succès de nombreux événements". Ah ouais ? lesquels ? La Tribune de Genève avait annoncé (le 16 novembre) un symposium sur "des sujets passionnants avec des intervenants de grande qualité" (Pierre-Alain Dupuis, Nicole Petignat, Michel Pont, Jürgen Muller, Michael Kleiner...) le 23 novembre toute la journée, à l'"Event Center" de la Praille. Plus rien ensuite, pas un compte-rendu, que dalle, le désert médiatique. Il était éventé, l'Event ?
Dans le stade, en tous cas, c'est toujours la foule des grands jours :
- le 5 novembre, Servette reçoit Yverdon à la Praille : 1587 spectateurs. Le stade est vide à 94 %.
- Le 25 novembre, Servette reçoit Lugano à la Praille : 1895 spectateurs : le stade est vide à 93 %.

14 janvier 2007

Le groupe français d'Arnaud Lagardère a acheté pour 865 millions d'euros (1,4 milliard de francs) la société de marketing et de droits sportifs Sportfive, qui s'occupe (entre autres) de la revente des droits télévisés des matches de l'Euro 2008 dans 50 pays. C'est avec elle que la SSR devra traiter, et payer des centaines de millions (le chiffre de 300 millions est articulé : pour les sortir, la SSR devra tailler dans ses prestations. On s'attend à une floraison de séries américaines pas chères à la place de productions originales) pour diffuser des matches que cinquante autres chaînes captables en Suisse (dont une bonne dizaine par le réseau herzien) diffuseront en même temps que l SSR. Sprtfive gère le marketing de 270 clubs de foot, négocie les droits d'image, recherche des sponsors etc... La firme avait déjà été revendue une première fois, en 2004, à un fonds d'investissement américain et à RTL, pour 560 millions d'euros. En deux ans, sa valeur a donc augmenté de plus de 50 %.
Dans le même temps, on apprend que le club madrilène Real a cédé ses matches pour 1,1 milliard d'euros à la société de production Mediapro, et l'autre club madrilène, l'Atletico a signé avec la Mairie de la capitale espagnole un accord sur la vente de son stade (situé dans une zone qui intéresse les promoteurs immobiliers) pour 350 millions d'euros, ce qui permettrait au club de payer ses dettes et d'acheter de nouveaux joueurs. En 2002, le Real avait vendu ses terrains d'entraînement pour 400 millions d'euros à des promoteurs immobiliers.
Le premier qui dit que le foot professionnel est d'abord une affaire de pognon, ensuite une affaire de pognon, surtout une affaire de pognon et finalement essentiellement une affaire de pognon sera poursuivi pour diffamation. Et relapse.

12 janvier 2007

"Le moteur de l'UEFA, c'est la passion qu'engendre le football", déclare le directeur du marketing de l'UEFA, Philippe Margraff ("Le Temps" du 17 novembre). Le moteur peut-être. Mais le carburant, c'est le pognon. Surtout celui que l'UEFA n'a pas à sortir de ses propres caisses, vu qu'elle le pompe dans celles des collectivités publiques.
Lors du Mondial 2006, le Comité d'organisation du Mondial a enregistré un bénéfice net de 90 millions de francs, reversés à la Fédération allemande et à la Ligue professionnelle allemande. Les revenus du Mondial 2006 se sont élevés au total à 222 millions, dont 63 ont été reversés à la FIFA.
L'Euro 2004 a généré des recettes de 1,31 milliard de francs.

Selon un sondage réalisé auprès de 122 grandes sociétés suisses par la société Sport + Markt, seule une sur quatre a, à l'automne 2006, décidé d'utiliser l'Eurofoot à des fins de marketins. Les autres ne sont soit pas intéressées (39 %), soit indécises. Pour l'Euro2008, dix autorisations d'exploiter l'image de la manif (les deux mascottes à la noix, Frik et Flik) ont été vendus à dix sociétés, pour un total d'environ 400 millions. Quatre "supporters nationaux" sont prévus dans chacun des pays organisateurs, mais un seul s'est manifesté en Suisse, l'UBS. Un second était à la mi-novembre sur le point de signer (l'investissement nécessaire serait compris entre 5 et 8 millions).

11 janvier 2007

On est bien content pour eux : l'Association suisse de football et les joueurs de l'équipe nationale ont trouvé un accord sur les primes que les seconds recevront lors de l'Euro. Si la Suisse remportait le titre (faut pas rêver), chaque joueur toucherait 540'000 balles. Si elle arrive en finale (et la perd), le brave joueur touchera encore 430'000 balles, puis, en descendant, 270'000 si la Suisse se fait lourder en demi-finale, 160'000 si elle se fait lourder en quart de finale, et 90'000 si elle échoue au seuil des quarts de finale. Dans les éliminatoires, chaque joueur touche 10'000 balles pour un match nul, 30'000 balles pour une victoire. Et même en cas de défaite, une somme minimale de 20'000 balles pour les trois matches éliminatoires est assurée. Et même les matches de préparation (y'a pas de matches de sélection, puisque la Suisse, co-organisatrice, est qualifiée d'office), les joueurs sont payés (3000 balles pour un match nul, 7000 pour une victoire, et un forfait de 2000 balles par engagement quel que soit le résultat).
Finalement, y'a pas que l'UEFA qui va gagner quelque chose lors de l'Euro 2008.

10 janvier 2007

Ah c'te folie que ça va être, l'Eurofoot ! Le 20 novembre, les promoteurs du machin ont présenté en grandes pompes (à crampons), et à Macolin, les activités "sportives et culturelles" liées à l'"événement". Du genre : la Confédération va recueillir auprès de la population souvenirs et objets liés au football (tessons de bouteille, sparadrap, casques et boucliers de flics, tatoluages de hooligans, banderoles racistes ?) et exposer le résultat de la récolte dans une expo itinérante intitulée "1924, nous allons reconquérir le titre" -ce qui fait allusion à la revendication parfaitement illusoire d'un pseudo-titre européen que la Suisse aurait conquis en accédant à la finale olympique de foot face à l'Uruguay... il y a 83 ans ! Un camion rouge et blanc sillonnera villes et villages de notre beau pays (avant que les paniers à salade ne sillonnent les quatre villes hôtes pendant les matches). Quant aux chtis nenfants, ils seront vivement invités à faire comme les grands qui sont restée de chtis nenfants dans leur tête, et à disputer un mini-euro. Et toutes les classes d'école primaire qui le désirent (et sans doute aussi celles qui n'en ont rien à foutre) recevront un "Euro-kit". Avec des figurines de flics allemands et français ou des DVD de Derrick et Navarro, des petits soldats suisses de plomb, des billets de Monopoly et les inévitables mascottes de l'Euro, Frik et Frik ?

La Migros s'y met aussi. Elle va organiser un championnat des supporters (M'08), "le premier de l'histoire du football" à être télévisé. Ben non, c'est pas le premier : tous les week-end, on a droit à des championnats de supporters, dans les stades et les rues alentours. Bon, on compte pas vraiment les buts marqués, et plutôt les vitres cassées, les flics mobilisés et les supporters démolis (ou, à Paris, les flics antillais lynchés et les supporters fachos dégommés), mais c'est un bon début. "M'o8" débutera à la mi-2007, un an avant l'Euro 2008. "Nous devons faire en sorte que la fièvre monte", explique le responsable du machin, Patrick Chevin. Pourquoi pas, si ça peut épuiser le malade...

A Genève, le député radical Frédéric Hohl, organisateur des festivités annexes à l'Eurofoot, festivités pour lesquelles on ne doute pas que le député radical Frédéric Hohl votera les soutiens financiers demandés par l'organisateur Frédéric Hohl aux caisses publiques, explique qu'il ne faut pas que "la fête se réduise au stade de la Praille". Et que donc les nuisances seront aussi exportées sur la plaine de Plainpalais (scène et écran géant), le stade du Bout du Monde (scène et camping), voire dans les rues de Genève. Mais comme on n'est jamais trop prudent, dans les zones de spectacles et de concerts les spectateurs seront fouillés à l'entrée, et les zones elles-mêmes seront délimitées et fermées.

Et Dieu dans tout ça ? Ben le v'la, il manquait plus que lui : 500 églises et communautés évangéliques (de l'Alliance évangélique suisse) veulent retransmettre les matches de l'Eurofoot en direct dans leurs salles, et cherchent des sponsors. Après le sabre et le goupillon, le prêche et le ballon. Les églises protestantes traditionnelles (celles de la Fédération des églises protestantes de Suisse) font (discrètement, on est chez les protestants) la moue (mais pas le guerre) : "nous ne souhaitons pas concurrencer les cafetiers", explique la Fédération protestante. En clair : on mélange pas Alleliua et Allez les Suisses, chacun pour soi, Dieu et l'UEFA reconnaîtront les leur et se partageront le benef'.
Ils pourront se partager un benef' d'autant plus réjouissant qu'ils ne payeront pas les frais de sécurité de l'Eurofoot, frais assumés par les collectivités publiques. Et d'entre ces frais, il y aura ceux de la venue en Suisse de flics étrangers (vu qu'on a n'en a pas assez, entre Genève et Zurich, et que les 14'000 troufions mobilisables pour l'Eurofoot ne devront pas, c'est promis, être mis en contact avec les spectateurs, les supporters et les hooligans, et donc ne devraient pas effectuer de service d'ordre). Or donc, et pour être clairs, ce sont les contribuables qui payeront la venue en Suisse de flics allemands et éventuellement français. Et si on pouvait avoir à Genève l'insigne honneur d'accueillir des CRS, ça sera aux frais de la République. Pas de la République française : de la République (et canton) genevoise.
Mais c'est pas encore fait, parce qu'il faut que les Français soient d'accord de nous envoyer leurs cognes. Avec l'Autriche et l'Allemagne, ça pose moins de problèmes vu que des accords permettent des échanges de "fonctionnaires avec exercice du droit de souveraineté", c'est-à-dire la mise en disposition de flics allemands et autrichiens sous commandement suisse. Mais avec la France, le traité existant ne permet à la police française d'intervenir sur territoire suisse que dans le cas du droit de poursuite, d'assistance transfrontalière ou de patrouilles mixtes. Donc, pour l'instant, on a droit à l'inspecteur Derrick, mais pas au commissaire Navarro.

08 janvier 2007

Les socialistes croient-ils encore au Père Noël ?

Les partis socialistes des quatre villes hôtes de l'Eurofoot (Bâle, Berne, Genève, Zurich) ont exigé ensemble que ledit Eurofoot soit une "manifestation propre" : l'Euro 08 ne doit engendrer aucune émission supplémentaire de CO2, et si émissions supplémentaires il devait y avoir (comme si un doute pouvait subsister à ce sujet) du fait du trafic généré par la compétition, ces émissions devraient être compensées par l'achat de certificats. Non, les socialistes n'ont pas dit d'"indulgences", doit y avoir des protestants parmi eux, mais le système est le même : on paie pour effacer ses péchés. Après ce grand moment de naïveté politique (demander à l'UEFA d'être écolo, c'est à peu près aussi crédible comme démarche que demander aux Talibans d'être féministes), les socialistes expriment quelques doutes sur la pertinence de leur propre démarche : "Malgré les millions de subventions dont elle bénéficie, l'UEFA veut économiser sur la protection de l'environnement" et n'a aucune intention de compenser les émissions de Co2 supplémentaires, ni par exemple de renoncer à la vaisselle jetable. A quoi ça tient, tout ça : l'UEFA userait-elle de vaisselle pas jetable, elle en serait toute transformée en petite soeur de Greenpeace...
A moins qu'elle ne le soit déjà : selon sa porte-parole, Pascale Voegeli, l'UEFA est "très concernée par la protection de l'environnement". Ben ouais. Comme les Talibans par la promotion des droits des femmes.
Ou les socialistes bâlois, bernois, genevois et zurichois par la défense des caisses publiques contre le racket de l'Eurofoot.

04 janvier 2007

"L'UEFA se sent très concernés par la protection de l'environnement", selon sa porte-parole, Pascale Voegeli (Le Temps du 25 novembre)
... surtout celle de son environnement financier...

"Le football n'a ni les moyens ni l'ambition de résoudre des problèmes de société", déclare le porte-parole de l'UEFA, William Gaillard (Le Temps du 2 décembre)...
... en revanche, le football a largement les moyens d'aggraver les problèmes existants, et d'en créer de nouveaux.

Commentaire navré du président de la Ligue nationale française de foot, Frédéric Thiriez (dans Le Monde du 25 novembre), après qu'un supporter d'extrême-droite parisien qui s'en prenait (avec une centaine de ses petits copains) à un supporter juif d'un club de Tel-Aviv, ait été abattu par le policier antillais protégeait le supporter juif : "Le football, ce n'est pas la haine. Le football, ça ne peut pas être la guerre".
... Le football, c'est pas la guerre. Mais un bon pogrom, oui, ça, le foot peut l'être.