20 janvier 2007

Entourloupe et déni de démocratie

Le Stade de la Praille, à défaut d'utilité publique, a trouvé sa vocation : celle d'une sorte de trou noir financier, aspirant tout ce que les caisses publiques situées à proximité peuvent laisser échapper. Dernière entourloupe du genre, qui tient à la fois du racket et du déni de démocratie : le don princier (en période de "vaches maigres" budgétaires) de onze millions puisés dans le Fonds d'équipement communal, pour permettre à la Fondation du stade de payer l'ardoise (moins les intérêts, abandonnés par le créancier) laissée auprès de l'entreprise qui a construit ce machin, Zschokke, devenue Implenia. Il y a donc de la cohérence dans la démarche des stadolâtres genevois : cela fait bien des années qu'ils pratiquent un "ninisme" assez particulier : "ni souci des finances publiques, ni respect des droits démocratiques", sur fond de politique du fait accompli -et comme ce sont les mêmes qui s'agitent autour de l'Eurofoot2008, il y a fort à parier qu'ils useront des mêmes méthodes pour faire casquer les collectivités publiques à la place des organisateurs, et empêcher les citoyennes et citoyens de se prononcer sur ce financement, comme ils les ont empêché de se prononcer sur la construction du stade, sur son ampleur, et aujourd'hui sur le financement de ses dettes.
Racket et déni de démocratie, donc.
Racket, d'abord : la facture finale de la construction du stade a atteint le double de ce qui était prévu au départ (117 millions aujourd'hui, contre 68 prévus). Pour tenter de boucher le gouffre ainsi creusé, la fondation du stade a successivement racketté l'Etat, la Ville de Lancy, et maintenant l'ensemble des communes, via le Fonds d'équipement communal (au passage grossi de ressources auparavant restituées aux communes -part sur l'impôt immobilier, part sur l'impôt à la source des frontaliers). On admirera l'exercice : on remplit les caisses d'un organisme intercommunal en vidant celles des communes, pour ensuite vider les caisses de l'organisme en question en payant les factures d'une fondation privée.
Mais l'exercice ne se limite pas au racket : il atteint au sublime dans le déni de démocratie. Il y a moins de deux ans, en avril 2005, les citoyennes et citoyens de la Ville refusaient, à une majorité écrasante (près de 75 %) que la Ville puisse prêter 2,5 millions à la Fondation du Stade, compte tenu de l'absence à peu près totale d'espoir que ce prêt soit un jour remboursé (Lancy et le canton, qui avaient eux aussi prêtés de l'argent à la Fondation, n'ont pas vu la couleur du moindre début de remboursement). C'est le principe du trou noir, la perfection de la constipation : ça avale, ça digère, ça ne relâche rien. Or donc, le plus démocratiquement du monde, le "peuple souverain" de la Ville refuse de prêter 2 millions et demi à la Fondation -mais moins de deux ans plus tard, c'est trois millions que la Ville va, non plus prêter, mais donner à cette même Fondation, par l'intermédiaire d'un fonds alimenté pour un tiers par la Ville. Et qui est ponctionné de onze millions. A titre d'exemple, les trois millions versée par la Ville via le Fonds d'équipement communal, c'est cinq fois plus que ce que les libéraux prétendaient vouloir économiser en supprimant purement et simplement la subvention municipale au Festival de la Bâtie... Et à titre, sûrement, de coïncidence malheureuse, on puise dans des fonds publics pour éponger une dette privée alors qu'on explique au bon peuple que les collectivités n'ont plus assez d'argent pour maintenir les prestations sociales (et que, par exemple, on décide de ne pas indexer les prestations d'assistance en 2007, alors que la loi prévoit une telle indexation).
On notera, pour la bonne bouche, que le cadeau de onze millions fait à la Fondation l'a été par un fonds au sein duquel siègent les deux Conseillers d'Etat Verts. En avril 2005, les Verts s'opposaient à un prêt de 2,5 millions, en janvier 2007 ils acceptent un don de onze millions. Les Verts sont, effectivement, comme nous le clame la presse, sur une pente ascendante.

Aucun commentaire: