10 janvier 2007

Ah c'te folie que ça va être, l'Eurofoot ! Le 20 novembre, les promoteurs du machin ont présenté en grandes pompes (à crampons), et à Macolin, les activités "sportives et culturelles" liées à l'"événement". Du genre : la Confédération va recueillir auprès de la population souvenirs et objets liés au football (tessons de bouteille, sparadrap, casques et boucliers de flics, tatoluages de hooligans, banderoles racistes ?) et exposer le résultat de la récolte dans une expo itinérante intitulée "1924, nous allons reconquérir le titre" -ce qui fait allusion à la revendication parfaitement illusoire d'un pseudo-titre européen que la Suisse aurait conquis en accédant à la finale olympique de foot face à l'Uruguay... il y a 83 ans ! Un camion rouge et blanc sillonnera villes et villages de notre beau pays (avant que les paniers à salade ne sillonnent les quatre villes hôtes pendant les matches). Quant aux chtis nenfants, ils seront vivement invités à faire comme les grands qui sont restée de chtis nenfants dans leur tête, et à disputer un mini-euro. Et toutes les classes d'école primaire qui le désirent (et sans doute aussi celles qui n'en ont rien à foutre) recevront un "Euro-kit". Avec des figurines de flics allemands et français ou des DVD de Derrick et Navarro, des petits soldats suisses de plomb, des billets de Monopoly et les inévitables mascottes de l'Euro, Frik et Frik ?

La Migros s'y met aussi. Elle va organiser un championnat des supporters (M'08), "le premier de l'histoire du football" à être télévisé. Ben non, c'est pas le premier : tous les week-end, on a droit à des championnats de supporters, dans les stades et les rues alentours. Bon, on compte pas vraiment les buts marqués, et plutôt les vitres cassées, les flics mobilisés et les supporters démolis (ou, à Paris, les flics antillais lynchés et les supporters fachos dégommés), mais c'est un bon début. "M'o8" débutera à la mi-2007, un an avant l'Euro 2008. "Nous devons faire en sorte que la fièvre monte", explique le responsable du machin, Patrick Chevin. Pourquoi pas, si ça peut épuiser le malade...

A Genève, le député radical Frédéric Hohl, organisateur des festivités annexes à l'Eurofoot, festivités pour lesquelles on ne doute pas que le député radical Frédéric Hohl votera les soutiens financiers demandés par l'organisateur Frédéric Hohl aux caisses publiques, explique qu'il ne faut pas que "la fête se réduise au stade de la Praille". Et que donc les nuisances seront aussi exportées sur la plaine de Plainpalais (scène et écran géant), le stade du Bout du Monde (scène et camping), voire dans les rues de Genève. Mais comme on n'est jamais trop prudent, dans les zones de spectacles et de concerts les spectateurs seront fouillés à l'entrée, et les zones elles-mêmes seront délimitées et fermées.

Et Dieu dans tout ça ? Ben le v'la, il manquait plus que lui : 500 églises et communautés évangéliques (de l'Alliance évangélique suisse) veulent retransmettre les matches de l'Eurofoot en direct dans leurs salles, et cherchent des sponsors. Après le sabre et le goupillon, le prêche et le ballon. Les églises protestantes traditionnelles (celles de la Fédération des églises protestantes de Suisse) font (discrètement, on est chez les protestants) la moue (mais pas le guerre) : "nous ne souhaitons pas concurrencer les cafetiers", explique la Fédération protestante. En clair : on mélange pas Alleliua et Allez les Suisses, chacun pour soi, Dieu et l'UEFA reconnaîtront les leur et se partageront le benef'.
Ils pourront se partager un benef' d'autant plus réjouissant qu'ils ne payeront pas les frais de sécurité de l'Eurofoot, frais assumés par les collectivités publiques. Et d'entre ces frais, il y aura ceux de la venue en Suisse de flics étrangers (vu qu'on a n'en a pas assez, entre Genève et Zurich, et que les 14'000 troufions mobilisables pour l'Eurofoot ne devront pas, c'est promis, être mis en contact avec les spectateurs, les supporters et les hooligans, et donc ne devraient pas effectuer de service d'ordre). Or donc, et pour être clairs, ce sont les contribuables qui payeront la venue en Suisse de flics allemands et éventuellement français. Et si on pouvait avoir à Genève l'insigne honneur d'accueillir des CRS, ça sera aux frais de la République. Pas de la République française : de la République (et canton) genevoise.
Mais c'est pas encore fait, parce qu'il faut que les Français soient d'accord de nous envoyer leurs cognes. Avec l'Autriche et l'Allemagne, ça pose moins de problèmes vu que des accords permettent des échanges de "fonctionnaires avec exercice du droit de souveraineté", c'est-à-dire la mise en disposition de flics allemands et autrichiens sous commandement suisse. Mais avec la France, le traité existant ne permet à la police française d'intervenir sur territoire suisse que dans le cas du droit de poursuite, d'assistance transfrontalière ou de patrouilles mixtes. Donc, pour l'instant, on a droit à l'inspecteur Derrick, mais pas au commissaire Navarro.

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