25 novembre 2009

STADES EN VRAC

Il y a beau temps que les stades ne sont plus des enceintes sportives, mais seulement les accessoires (encombrants et coûteux, certes) de centres commerciaux. Plus aucun stade n'est rentable. Et même pour des manifestations comme l'Eurofoot, les gestionnaires de ces pompes à fric, aspirantes mais pas refoulantes, annoncent qu'ils seront heureux de ne pas perdre trop d'argent. Le football n'est pas une activité rentable en elle-même -ce qui est rentable, c'est tout ce qu'on organise autour. Il faut 14'000 spectateurs par match de l'équipe normale pour rentabiliser le stade de Suisse, à peu près autant pour rentabiliser le stade de Genève . Le stade de Suisse, à Berne, qui a coûté 350 millions, contient des boutiques, une écoles, des salles de conférence, une centrale solaire. Et ac cessoirement un terrain de foot. Le stade de Bâle a coûté 220 millions de francs, le stade de Zurich 130 millions, le stade de Genève 240 millions.Les stades suisses accueillant des matches de l'Euro pèsent, ensemble, 930 millions d'investissements pour leur construction. Loués à l'UEFA pour l'Euro, ils ont dû y être adaptés aux frais des collectivités publiques. La facture s'est montée à dix millions à Zurich, à quinze à Genève.

Pour Jelmoli, la construction du stade de la Praille avait été le moyen de faire avaler celle de son centre commercial. Mais le groupe zurichois voulait bien maintenant vendre ce stade, avec tout le parc immobilier du groupe (une centaine d'immeubles en Suisse), pour 3 milliards et demi. Jelmoli pensait même avoir trouvé des acquéreurs : un groupe israélien. Et le 31 juillet, Jelmoli Holding annonçait la vente. Pour, deux mois plus tard, annoncer que la transaction était compromise, les acquéreurs contestant la somme convenue (Jelmoli aurait ainsi demandé 300 millions pour le seul centre de la Praille, qui ne lui en acoûté que 140)...

Le bon vieux club genevois de foot Urania Genève Sport (UGS) est résidant du plus beau stade de la République, celui de Frontenex (qui aurait d'ailleurs bien besoin de recevoir quelques miettes de ce qu'on a accordé à l'étron de la Praille). UGS est aussi locataire, par son cercle, de la Ville de Genève, pour son bistrot sis dans l'ancienne Mairie des Eaux-Vives. Or la Ville de Genève veut récupérer ces locaux pour agrandir l'Office de l'état-civil, effectivement très à l'étroit au rez-de-chaussée de la vieille Mairie. Et la Ville envisage donc de résilier le bail du cercle UGS, dont le président, le brave Alain Morisod, a écrit aux chefs des groupes politiques du Conseil municipal pour leur demander leur soutien, et leur annoncer qu'il envisage au minimum une pétition, voire une initiative pour que le bistrot d'UGS ne subisse pas le sort qui menaçait (l'imparfait est optimiste) l'Alhambar et qui a déjà frappé le Cristallina, le Radar et le Relais de l'Entrecôte -ce qui avait d'ailleurs suscité des protestations de la Ville.
Cela dit, si la Ville cherche des locaux pour son Office de l'Etat Civil, elle peut les trouver à la Praille : y'a là un grand machin généralement inutilisé, ou vide à 90 %, et dont la fonction essentielle reste celle de pompe à fric.
Mais de pompe aspirante, seulement.

A Lausanne, un comité de citoyens a lancé et fait aboutir une initiative populaire communale attaquant le plan "Métamorphose" de la municipalité, pour lequel un crédit d'étude de 6,3 millions a été voté par le Conseil communal. et qui implique (du moins dans une de ses trois variantes) la démolition du vieux stade de la Pontaise et l'aménagement sur le site d'un "écoquartier", le réaménagement du stade d'athlétisme de Vidy, le bétonnage d'une partie de la zone de détente de Vidy et la construction d'un nouveau stade (de 12 à 15'000 places), d'un piscine olympique et d'un boulodrome à la Bourdonnette et d'une salle polyvalente sports-cinéma à la Blécherette. Pour les initiants, les stades d'athlétisme et de football de la Pontaise sont un "élément clé de l'identité du nord de la ville" et doivent y rester (pas forcément à la Pontaise, quoiqu'il serait stupide de démolir le stade, comme à Genève, alors qu'il peut être rénové) mais en tous cas dans le nord de la Ville. Les initiants plaident en outre pour la mixité des affectations : "chaque quartier doit avoir des logements, du travail, des équipements publics...". La droite lausannoise, inquiète, demande que la Municipalité organise elle-même, et spontanément (ou presque) un référendum sur le projet "Métamorphose", histoire d'éviter une victoire des initiants, et surtout de faire voter le bon peuple le plus vite (et le mieux) possible. Les Verts lausannois se sont prononcés contre l'initiative, en l'accusant d'être "contraignante" (ce qui est généralement le cas des initiatives formulées), de ne pas respecter le "fonctionnement de nos institutions" (le droit d'initiattive faisant pourtant partie du "fonctionnement de nos institutions") et de "court-circuiter" la démarche "participative" lancvée par les autorités (quoi de plus "participatif", pourtant, qu'une initiative populaire ?)...

A Bienne, le 9 décembre, 70 % des citoyennes et yens ayant consenti à voter (taux d'abstention : 73 %) ont accepté le projet d'un nouveau stade de foot et celui d'une nouelle patinoire. Le financement de ce complexe sportif est supposé être totalement assuré par un partenariat avec le secteur privé.

En Valais, et en janvier, le séminaire intégriste catholique d'Ecône a déposé un recours auprès du gouvernement contre le changement d'affectation des zones, indispensable à la réalisation du projet de stade et de centre commercial (plus éventuellement un téléphérique et une patinoire) présenté par le patron du FC Sion, le promoteur Christian Constantin, qui contrôle déjà 140'000 m2 de terrain (il en est propriétaire ou dispose d'un droit de préemption) Les écônards invoquent les "nuisances", notamment sonores, qu'ils subiraient si le stade se construisait. Y'a pourtant qu'à faire chanter les supporters en grégorien.

A Zurich, le vieux stade du Hardturm a été occupé pendant trois jours, une semaine après la fin de l'Euroboxon, par des militants de la gauche alternative, qui y ont organisé une "Fan zone alternative" pour protester contre "la domination de l'UEFA sur l'espace public" et la "commercialisation du football". Des milliers de personnes ont participé à la fête organisé dans le stade, inutilisé depuis un an.
Voilà une idée qu'elle est bonne. Et importable à Genève, où on a aussi un stade généralement inutilisé...

Les supporters des équipes suisses de foot dénoncent les tarifs prohibitifs pratiqués dans les stades du pays, surtout pour les supporters des équipes reçues (c'est moins cher pour ceux des équipes domiciliées). La différence entre le prix du billet pour le supporter de l'équipe locale et celui de l'équipe visiteuse va de 30 % à Zurich à 50 % à Berne. Dans le stade tout neuf du Letzigrund, la place la moins chère est à 35 francs : c'est 50 % de plus qu'à Milan ou Munich. A Neuchâtel et à Berne, les visiteurs payent 10 francs de plus que les hôtes; à Bâle, 11 francs de plus...

La France veut se lancer dans un vaste programme de construction de nouveaux stades, dans la perspective de l'Euro 2016 -qu'elle souhaite se voir attribuer. Les pouvoirs publics français ont mis en place une commission "Grands stades 2016", présidée par l'ancien ministre Philippe Séguin. La France veut présenter sa candidature à l'Euro 2016, et doit le faire en 2010, la désignation du pays organisateur se faisant en 2011. Il se pourrait que l'Eurofoot fasse s'affronter 24 équipes (au lieu de 16 actuellement). Mais pour l'Euro 2012 déjà, l'UEFA impose (car c'est l'UEFA qui impose, pas les collectiités publiques qui décident...) au pays organisateur huit sades d'au moins 30'000 places, dont deux d'au moins 50'000 places. Or la France ne possède que cinq stades de plus de 40'000 places. Mais treize stades vont être rénovés ou construits dans les prochaines années, à Grenoble, Lille, Valenciennes, Lens, Le Mans, Le Havre, Nice, Lyon et Strasbourg.
A Lyon, le futur "grand staded" d'une capacité de 62'000 places pourraît être livré fin 2001.
A Strasbourg, un Eurostadium (forcément) est projeté.
A Lille, c'est un stade de 50'000 places, financé par les collectivités publiques de la communauté urbaine (à hauteur d'au moins 490 millions d'euros), qui est projeté. La Communauté urbaine fournirait en plus, gratuitement, le terrain. Deux autres projets de stades planent sur le nord de la France, à Valenciennes et à Lens, ce qui ferait des chtis les heureux habitants de la région à plus forte concentration de stades payés par des fonds publics, avec trois stades d'au moins 30'000 places à 30 kilomètres les uns des autres.

15 novembre 2009

LES AVENTURES DU SERVETTE

Deux investisseurs iraniens, Canadiens et Français d'adoption, Majid Pishyar et son fils Amin, à la tête d'un groupe industriel de Dubaï (32Group) et de plusieurs sociétés, dont la "Swiss Financial Consulting Services" à Genève, et qui étaient entrés dans le comité du Servette au début novembre, projettaient carrément de le racheter (pour huit millions), de le transformer en société anonyme, de créer une structure, du marketing, des finances solides, un management professionnel, un centre de formation... et de le faire remonter en "Super League". Majid Pishyar est "l'homme du futur pour Servette", assurait l'actuel président du club, le brave Francisco Vinas, avant de couper les jambes dudit "homme du futur". Ceux qui cherchent des poux dans la coiffure de Micheline Calmy-Rey parce qu'elle s'est rendue en Iran n'auraient certainement pas manqué de protester contre l'hypothèse d'un achat du Servette par des Iraniens, mais, patatras ! "La Tribune" du 7 juin annonçait que "l'homme du futur" n'était vraisemblablement plus que celui du futur antérieur : le président Vinas a fait annoncer sur le site internet du club que "Messieurs Pishyar voulant s'en tenir à des assurances de nature générale", sans signer les quinze pages de convention proposée par Vinas, "il n'a pas été possible d'obtenir des engagements jugés suffisants". L'Occident chrétien est sauvé. Surtout que les Pishyar se sont déjà illustrés dans la reprise d'un club de foot autrichien, Admira Wacker Modling, de Vienne, huit fois champion d'Autriche, mais mis en liquidation judiciaire après avoir été présidé par Majid Pishyar. Le club a d'ailleurs ensuite purement et simplement disparu. Toute la famille Pishyar siègeait au comité du club (le père, ses fils et son neveu), ce qui n'a pas empêché le club d'être deux fois relégué, la deuxième fois "sur le tapis vert" en raison d'une garantie bancaire non versée par le clan Pishyar. Finalement, le 7 juillet, et par sept voix contre cinq (mais en l'absence des deux Pishyar), le comité de l'association du Servette refusait le plan Pishyar, et donc la passation de pouvir entre Vinas et Pishyar. Du coup, l'entraîneur pressenti du FC Servette, Gérard Castella, qui s'était engagé au côtés des Pishyar, a jeté l'éponge, et Jacques Barlie veut la tête de Vinas.

Le 23 mai, les objets saisis dans le cadre de la faillite du Servette FC ont été bradés par l'Office des faillites, dans une vente aux enchères qui a pu éventuellement (et encore, on n'est pas sûrs) rapporter de quoi payer les frais de la vente aux enchères. Du fond de son trou, Marc Roger s'étonne : les coupes gagnées par Servette, les drapeaux de ses adversaires, les maillots de Pelé, Zidane, Henry ou Ronaldinho offerts au club n'ont pas été mis en vente, et ont disparu.
S'il n'y avait que ça qui ait disparu... En fait, y'a que Roger qu'on ait réussi à garder.