28 décembre 2010

Mondial de foot en Russie en 2018, au Qatar en 2022 : For the Game. For the World. For the Money...

Le comité exécutif de la FIFA a désigné hier, sous le slogan « For the Game. For the World », les pays organisateurs de la Coupe du monde de football en 2018 et en 2022. Parmi les candidats figuraient plusieurs pays où la situation en matière de droits humains et du travail est pour le moins préoccupante, voire désastreuse. L’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) estimait que l’organisation du Mondial ne pouvait en aucun cas être confiée à la Russie, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon ou le Qatar, qui violent les droits humains, politiques et sociaux les plus élémentaires. Pour l'organisation d'entraide, ces cinq pays « méritent un carton rouge ». Pour la FIFA, en revanche, ils méritaient le Mondial. Et deux d'entre eux l'ont obtenu : la Russie en 2018, le Qatar en 2022. For the Game ? For the World ? For and by the Money...

La Coupole et le veau d'or

La Coupole internationale du foot-pognon, la FIFA, est une organisation de droit suisse. Et quand on dit « de droit », c'est de « non droit » qu'il conviendrait de parler. Les fédérations sportives internationales installées en Suisse, comme la FIFA, l'UEFA ou le Comité international olympique, ne sont pas soumises à la loi suisse qui réprime (mollement) la corruption. Ce que même le Conseiller fédéral UDC Ueli Maurer, ci-devant ministre des Sports, considère comme « une lacune ». Mais c'est délibérément que le Conseil fédéral a accordé en 2004 aux coupoles sportives le droit d'échapper à la loi, de laver leur linge sale en famille ou de le planquer à l'abri des reniflements. Résultat : non seulement la FIFA, dont les profits annuels frôlent les 200 millions, et le chiffre d'affaire le milliard, ne paie pas d'impôts, alors qu'elle contrôle plus ou moins directement plusieurs sociétés commerciales (droits TV, voyages, produits dérivés etc.), mais cette «grande famille du sport » est aussi une petite affaire de famille : la famille Blatter. L'oncle préside la coupole, le neveu s'est taillé à son abri un petit empire sportivo-commercial personnel et a conclu plusieurs contrats particulièrement juteux. A la corruption dont la FIFA est le théâtre, ou le stade, s'ajoute donc le népotisme. La corruption ? deux membres du comité exécutif de la Coupole ont été filmés en train de monnayer leur voix pour le vote attribuant les coupes du monde 2018 et 2022. La FIFA a fait mine d'ouvrir une enquête, qu'elle s'est prudemment confiée à elle-même, histoire de s'assurer qu'elle ne déborde pas des cas des deux malheureux basanés qui se sont fait filmer (un Tahitien et un Nigérian). Or sur les 24 membres du Comité exécutif de la FIFA qui viennent d'attribuer le Mondial à la Russie et au Qatar, au moins sept sont déjà lourdement soupçonnés de s'être fait acheter à d'autres occasions, et même l'accession du Suisse Sepp Blatter à la présidence du machin a été facilitée par des pratiques qu'on dira pudiquement « douteuses » alors qu'en fait il y a assez peu de doutes à avoir à leur sujet (la présidente d'une fédération somalienne de foot dont on ignorait même qu'elle existât, a reconnu avoir vendu 100'000 dollars sa voix à Blatter...). Mais faut pas dire du mal du sport professionnel, c'est une grande et belle famille. Et une famille baignant dans la moralité et l'éthique. La preuve : les ligues de football professionnel européennes se sont engagées à soutenir la campagne « Un milliard d'affamés » lancée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), appelant les gouvernements à accorder une priorité à l'éradication de la faim. Et la FIFA elle-même veut interdire aux joueurs toute expression religieuse (objets, signes, postures etc...) dans les stades lors des compétitions qu'elle organise ou supervise. On pourrait en ricaner, quand on mesure la place prise par la publicité marchande dans lesdits stades, sur les joueurs, et dans le financement de la milliardaire FIFA par ses sponsors. Mais au fond, la FIFA est logique, monothéiste et cohérente : elle n'a de Dieu que celui du marché du foot professionnel, en est la prophétesse et l'église, et ni le Dieu unique, ni sa prophétesse, ni son église n'aiment la concurrence. En revanche, depuis que le rouble est convertible et que les petrodollars pleuvent sur le Qatar, le veau d'or, elle est prête à y implanter son culte..

19 décembre 2010

Rénovation de la patinoire des Vernets : Combien vaut une fesse de sponsor ?

Pour assurer le confort des fessiers des sponsors et autres « VIP » qu'insupporte l'idée de se mélanger au commun des supporters (qui sentent la bière et la transpiration) du Genève-Servette Hockey-Club (GSHC), le Conseil administratif de la Ville a proposé au Conseil municipal, qui les a renvoyés en commission, un ensemble de deux ou trois crédits, pour un total de 13 ou 14 millions de francs, destinés à la création aux Vernets de « sky loges » et d'une « zone Lounge » et du « reprofilage du gradin sponsors ». En quels termes poétiques est dit ce vrai projet de gauche, pour une vraie Municipalité de gauche... Ces crédits, toutefois, ne satisfont même pas le GSHC, qui veut plus : une nouvelle patinoire. Et qui craint que la rénovation de l'ancienne, et l'amélioration de l'accueil des séants de la crème (financière) des spectateurs, ne soient un argument pour repousser aux calendes grecques la « nouvelle enceinte » dont il rêve et dont il rêve qu'elle lui soit offerte sur un plateau par la Ville et le Canton. Et le président du GHSC, Hugh Quennec, de sussurrer que le club « ne demande pas d'aide financière, mais simplement un outil structurel » pour lui permettre « de vivre ». Le rôle d'une collectivité locale est-il de mettre une infrastructure sportive à la disposition d'un club ou de la mettre à disposition de la population ?

Démangeaisons référendaires

Le Genève-Servette Hockey Club se paie une pleine page couleur de la Tribune de Genève, pour chanter ses louanges, et conclure son cantique d'autocélébration par un appel à soutenir la « construction d'une nouvelle patinoire pour le 1er septembre 2015 ». Sns doute par pure coïncidence, la pub du GSHC paraissait mardi, juste avant le début de débat (un début interminable pour un débat creux) sur le crédit de 13 ou 14 millions demandé par le Conseil administratif pour rénover la patinoire des Vernets. Parce qu'il a peur, le GSHC, qu'avec la rénovation des Vernets, on ait un argument pour ne pas lui offrir la nouvelle patinoire de ses rêves. Dans ce qui a tenu lieu de débat sur le sujet, on a à peu près tout entendu, d'à peu près tous les côtés, sur la nécessité de soutenir d'une manière ou d'une autre le « club phare du hockey genevois ». Tout, y compris les inévitables lieux communs sur la valeur du sport d'élite et de ses héros pour la jeunesse, qui devrait pouvoir s'y identifier -comme si l'identification à des toxicomanes millionnaires se castagnant dans des matches truqués sous les hurlements de supporters réduits à l'état préhominien était devenu un objectif pédagogique. Bref, on nous a resservi, à propos de la patinoire et du Servette-Hockey un plat qu'il nous souvient d'avoir goûté il y a une dizaine d'année à propos d'un stade et du Servette-football. Un plat que ni nous, ni Genève, n'avons toujours pas digéré : la Praille, son stade, son trou financier... Un stade trois fois trop grand, qui a coûté deux fois plus que prévu, qui vaut aujourd'hui dix fois moins que ce qu'il a coûté et qui n'accueille en moyenne que vingt fois moins de spectateurs qu'il n'en peut contenir... Espérons que le feuilleton qui commence à propos de la nouvelle patinoire dont rêve le GSHC fera remonter à la surface de la conscience politique locale quelques bribes de mémoire. Parce que la trame du feuilleton de cette patinoire est la même que celle du Stade de la Praille. Et que nos démangeaisons référendaires, elles aussi, sont les mêmes. Y compris contre le crédit demandé par le Conseil administratif pour rénover les boxes à sponsors des Vernets -et à plus forte raison lorsqu'il s'agira de se prononcer sur le moindre soutien financier apporté par la Ville (ou le canton) au projet de nouvelle patinoire, et la moindre autorisation de la construire -pour autant qu'un référendum soit alors possible.

24 novembre 2010

Fonds de tiroir

Le FC Servette veut prendre à sa charge l'exploitation du Stade de Genève : son président, Majid Pishar, l'a proposé à la Fondation du stade et au Conseil d'Etat, et se dit prêt à sortir les 20 millions nécessaires. C'est un début de bonne idée. A laquelle manque encore ce qui pourrait la couronner et satisfaire tout le monde : que le club rachète carrément le stade, et débarrasse les collectivités publiques de ce fardeau. Vous le voulez, votre stade ? Et bien prenez-le. Et gardez-le. Nous, on est d'accord. On est même d'accord de vous le vendre pour un franc symbolique. Et pour solde de tout compte. Le projet du Servette pour l'exploitation du stade de la Praille est alléchant : on y trouve même une crêche, un musée, une disco... Bah, tant que ça peut remplir ce machin, pourquoi pas ? On attend donc la proposition d'installer un EMS et une prison dans le stade. Tant qu'à faire.Pour rendre« son » stade de la Praille, déserté par le public, plus vivant, le Servette FC envisagerait, selon la « Tribune de Genève », de garnir virtuellement ses gradins vides de faux spectateurs. ça doit être l'effet« avatar » : quand la réalité est déprimante, garnissons-làd'illusions... Bon, pour les finances, ça change rien vu que le spectateur virtuel ne paie pas sa place, mais on aura ainsi des images d'un stade rempli, au lieu de celles, trivialement réalistes, d'un terrain vague très, très vague et très, très vide. On progresse, donc. Il n'y a plus qu'àrendre le stade lui-même virtuel, et on aura quand même fini par s'en débarrasser.

Après la Coupole internationale du foot-pognon, la FIFA, c'est la Coupole continentale, l'UEFA, qui est accusée par l'un de ses membres d'être le terrain de jeu de la corruption : le représentant de la fédération chypriote a déclaré que l'attribution de l'Euro 2012 àl'Ukraine et à la Pologne avait fait l'objet d'achat de voix et de corruption de cinq responsables de l'UEFA, le tout pour la modique somme de onze millions d'euros. Evidemment, l'UEFA (comme précédemment la FIFA) se récrie et demande des preuves. Evidemment, nous, on ricane bêtement. Et évidemment, tout ça finira en eau de boudin, puisque les fédérations sportives internationales installées en Suisse, comme la FIFA, l'UEFA ou le Comité international olympique, ne sont pas soumises à la loi suisse qui réprime (mollement) la corruption. Ce que même le Conseiller fédéral UDC Ueli Maurer considère comme « une lacune » (et il s'y connaît, en lacunes, Ueli der Soldat). Une lacune ? Tu parles : c'est tout à fait délibérément que le Conseil fédéral a accordé en 2004 aux coupoles sportives le droit d'échapper à la loi, de laver leur linge sale en famille ou de le planquer à l'abri des regards et des reniflements.

Le meilleur joueur du dernier Mondial de foot est mort. Dans un aquarium. C'était un poulpe : Paul-le-Poulpe, de son petit nom. Il avait non seulement prédit le résultat des huit matches sur lesquels on lui avait demandé son avis, mais il avait été aussi le seul acteur de la fête àneuneu qui n'en ait jamais injurié, taclé, ou retenu un autre par le maillot. Le seul aussi à ne s'être ni dopé, ni laissé acheter, ni laissé transformer en panneau publicitaire. Un vrai sportif amateur, quoi.

On nous serine avec « la grande famille du sport », et on commençait sérieusement à en avoir plein les oreilles, de cette « grande famille du sport », lorsque nous tomba sous les yeux une page entière du « Matin dimanche » de dimanche dernier, nous présentant quelques unes des caractéristiques financières de la coupole du foot pognon, la FIFA, dont les profits annuels frôlent les 200 millions, et le chiffre d'affaire le milliard. La FIFA est, comme on le sait, présidée par le Valaisan Joseph Blatter, qui a ce titre contrôle plus ou moins directement plusieurs sociétés, « qui toutes mènent des activités à 100 % commerciales (droits TV, voyages, produits dérivés etc. » précise « Le Matin Dimanche », qui enfonce le clou : de la FIFA et des sociétés contrôlées par la FIFA, le neveu de Joseph Blatter, qui s'est taillé son petit empire sportivo-commercial personnel, a obtenu plusieurs contrats particulièrement juteux, notamment à travers le contrôle de droits télévisuels exclusifs pour l'Asie (Chine comprise) du Mondial 2010 et 2016, la vente (toujours exclusive) des billets d'avions et des réservations d'hôtels... Une petite affaire de famille dans la « grande famille du sport », quoi. Qui n'est absolument pas touchée par la corruption. Et encore moins par le népotisme. Promis, juré.

22 octobre 2010

Fonds de tiroir

Derby de foot entre Lausanne Sport et Servette : la fondation du stade annonce, toute fiérote, que la fréquentation du stade a battu le record des matches de « Challenge League », avec 15'252 spectateurs. Soit un stade à moitié vide. Il est vrai qu'il l'est généralement à 90 %, vide. On peut dès lors être fiers pour pas grand chose.

Selon un rapport de la Cour des Comptes, c'est un peu le bordel dans l'utilisation des fonds reçue de la Loterie Romande par la Commission cantonale d'aide au sport (l'ancienne commission du Sport-Toto) : une partie des fonds laissés à la libre disposition du Conseiller d'Etat Mark Muller entre 2007 et 2009 ont été utilisés dans un joyeux irrespect du règlement : 200'000 francs débloqués (c'est le mot) pour étudier le projet loufoque d'organiser les Jeux Olympiques d'hiver 2018, et 50'000 balles pour financer le ballon gonflable qui nous a gonflé au-dessus du jet d'eau pendant l'Eurofoot 2008, ont été affectés par la commission en sortant de son rôle. qui est d'encourager « l'éducation physique de la jeunesse et le développement du sport amateur ». Quand aux quatre millions versés pour boucher les trous des finances du Stade de Genève, la Cour n'a tout simplement pas pu vérifier leur adéquation au règlement, faute d'éléments d'analyse suffisants. Toutes ces décisions de soutenir des foirades (les JO 2018, le ballon de l'Eurofoot et le stade de la Praille) ont été ratifiées, a posteriori, par le Conseil d'Etat (ce qui signifie qu'elles ont été prises par Muller tout seul). Explication de Charles Beer : elles correspondaient à « certains intérêts stratégiques du canton ». Bon sang, mais c'est bien sûr, la baudruche à Jobin, elle était « stratégique », c'était pas la grotesque pétuffe qu'on croyait voir, c'était un Zeppelin d'observation des cellules dormantes du terrorisme anti-sportif... Vous n'avez pas légèrement l'impression fugace qu'on se fout un peu de la gueule du monde, là ?

Ah ben ça alors, pour une surprise, c'est une surprise : y'a de la corruption dans la mafia du foot-pognon. Deux membres du comité exécutif de la Coupole (la Fédération internationale FIFA) ont été filmés en train de monnayer leur voix pour le vote attribuant les coupes du monbde 2018 et 2022. Et ça fait tout un tintouin, et la FIFA a dû faire mine d'ouvrir une enquête. Qu'elle s'est prudemment confiée à elle-même, histoire de s'assurer qu'elle ne déborde pas des cas des deux malheureux basanés qui se sont fait piquer (un Tahitien et un Nigérian). Parce qu'en fait, sur 24 membres du Comité exécutif de la FIFA, au moins sept sont déjà lourdement soupçonnés de s'être fait acheter à d'autres occasions, et que même l'accession du Suisse Sepp Blatter à la présidence du machin, des pratiques qu'on dira pudiquement « douteuses » alors qu'en fait, il y a assez peu de doutes à avoir à leur sujet, ont été évoquées (la présidente de la fédération somalienne de foot, dont on ignorait même qu'elle existât, avait reconnu avoir vendu 100'000 dollars sa voix à Blatter...). Mais bon, faut pas dire du mal du sport professionnel, Non, faut pas. C'est une grande et belle famille. La preuve : Les Ligues de football professionnelles européennes se sont engagées mardi à soutenir la campagne « Un milliard d'affamés » lancée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), campagne se manifestant par une pétition appelant les gouvernements à accorder une priorité à l'éradication de la faim. Meuh non, on ricane pas...

26 septembre 2010

Bilan du Mondial de foot

Du pognon pour la FIFA, quoi d'autre ?

La Fédération internationale du foot-pognon (la FIFA) a lancé le 3 septembre dernier des « journées du fair-play ». Elle est particulièrement mal placée pour ce genre d'exercice, et son attitude lors du dernier Mondial de foot, en Afrique du Sud, en témoigne : fausses promesses, prévisions illusoires, absence d'impact durable sur le marché de l'emploi, augmentation des inégalités sociales, instauration d'un véritable protectorat financier sur l'Afrique du Sud... de tous les acteur de ce souk la FIFA est celui qui s'en tire le mieux : elle en retirera 3 milliards de francs (exemptés d'impôts) grâce à une politique strictement orientée vers le profit et une exemption d'impôts, alors que l’Afrique du Sud est confrontée à une perte nette de 2,8 milliards. Les partenaires financiers de la FIFA s'en sont également mis plein les poches, après que les commerçants locaux aient été exclus des périmètres des stades et que 20'000 personnes aient, été expulsées de leur logement et littéralement parquées dans des bidonvilles. Il fallait faire place nette au foot business, à ses pompes, ses oeuvres, ses stades et ses prébendiers.

FIFAfiots

Le premier Mondial de foot organisé sur sol africain a suscité de grands espoirs au sein de la population d'Afrique du Sud. Le gouvernement de ce pays et la FIFA ont tout fait pour stimuler cette euphorie. Ils ont parlé d'essor économique, d'une occasion rêvée de donner une belle image de l'Afrique du Sud et, surtout, de nouvelles perspectives et de places de travail pour la population. Deux mois après la fin du Mondial, le bilan est affligeant : une étude de l'OSEO montre ce que le Mondial 2010 de football a réellement apporté à la population sud-africaine : des nèfles, et des dettes. En revanche, la FIFA s'en est mis plein les poches. Pour l'Afrique du Sud, la Coupe du monde a entraîné, au lieu d'un gain initialement prévu de 4,9 milliards de rands (700 millions de francs), une perte nette de 20 milliards de rands (2,8 milliards de francs). De son côté, la FIFA a enregistré, par rapport à la Coupe du monde 2006, une hausse de ses bénéfices de 50%. Elle avait auparavant obtenu du gouvernement sud-africain que ses gains, ainsi que ceux de ses partenaires, soient exemptés d’impôts. 20 millions de Sud-Africains vivent dans la pauvreté, 12 millions d'entre eux n'ont pas de logement. huit millions et demi vivent dans des bidonvilles, sept millions et demi sont au chômage... Les milliards investis en vue du Mondial auraient pu être utilisés en faveur de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants. Ils l'ont été pour les beaux yeux de la Coupole du sport-business, et les pouvoirs publics doivent maintenant réduire leurs dépenses sociales pour payer la facture de la fête à neuneu, alors même qu'en quinze ans, la mortalité enfantine a augmenté en Afrique du Sud, que l'espérance de vie s'y est réduite, que le nombre d'orphelins en raison du SIDA a doublé en cinq ans et que l'Afrique du Sud fait partie des dix pays les plus inégalitaires du monde, s'agissant du revenu. Ce que le Mondial a rapporté (gros) à la FIFA, c'est ce que l'Afrique du Sud a perdu dans ce bastringue. qui a également permis aux grosses entreprises de construction de faire décupler leurs bénéfices, pour attendre le milliard et demi, et tripler les salaires de leurs directeur, alors que plus de 100'000 emplois disparaissaient dans leur secteur et que les travailleurs ont dû mener une grève nationale et 26 grèves locales pour obtenir des salaires ne leur permettant que de survivre. Dans plusieurs villes, des quartiers entiers ont été rasés pour construire des infrastructures exigées par la FIFA, ou, plus trivialement encore, parce qu'il s'agissait de quartiers pauvres et qu'il ne fallait pas que les visiteurs les voient. Lors du lancement de la « journée du fair-play » organisée par la FIFA, des joueurs du monde entier se sont engagés « maintenant et à l'avenir, à faire preuve de fair-play et de solidarité sur et en dehors du terrain ». On doute déjà de la capacité des joueurs de foot à tenir un tel engagement, c'est dire si le suggérer à la FIFA reviendrait à suggérer à la Mafia de s'engager à respecter les droits humains...

12 août 2010

Fonds de tiroir

Qualifié pour l' « Europa League », le club de foot de Lausanne, résidant d'un stade qui contrevient aux normes de la bureaucratie du foot-pognon (l'UEFA, donc), a cherché et obtenu, par tous les moyens, à ne pas devoir jouer dans le stade de Genève. M'enfin, qu'est-ce qu'il a, notre trou de la Praille ? Il est pas beau ? il sent le pâté ? Frédéric Hohl veut pas organiser les pince-fesses annexes ?

La Fédération internationale du foot-pognon (la FIFA) lance des « journées du fait-play ». Elle est bienl placée : la FIFA retirera 3 milliards (exemptés d'impôts) du dernier Mondial, alors que l’Afrique du Sud est confrontée à une perte nette de 2,8 milliards de francs. Les partenaires financiers de la FIFA s'en sont également mis plein les poches, alors que les commerçants locaux ont été exclus des périmètres des stades et que 20'000 personnes ont, en outre, été expulsées de leur logement et littéralement parquées dans des bidonvilles. Vive le foot, quoi !


Au Cap, pour faire de la place au nouveau stade accueillant le Mondial de foot, 7000 habitants ont été déplacés dans un quartier de relégation créé ex nihilo, Blikkiesdorp, à vingt kilomètres du centre-ville, entre un aéroport et une autoroute, où ils vivent dans des baraquements en tôle, sans droit de propriété. Déjà en 2008, pour les Jeux Olympiques de Pékin, un million et demi de personnes avaient été expulsées. Pour les prochains Jeux du Commonwealth, en Inde, on compte déjà 35'000 déplacés. Vive le sport. Surtout la marche à pied des pauvres de la périphérie de la ville à son centre.

La Fédération internationale du foot-bizness, la FIFA, veut interdire aux joueurs toute expression religieuse (objets, signes, postures etc...) dans les stades lors des compétitions qu'elle organise ou supervise. On pourrait s'en indigner, surtout quand on mesure la place prise par la publicité marchande dans lesdits stades, et même sur les joueurs, et en tout cas dans le financement de la milliardaire FIDA par ses sponsors. Mais au fond, la FIFA est logique, monothéiste et cohérente : il n'y de Dieu que celui du marché du foot professionnel, la FIFA est sa prophétesse et son église, et ni le Dieu unique ni sa prophétesse ni son église n'aiment la concurrence.


Après que l'Union européenne de foot ait refusé au club français Evian.Thonon-Gaillard le droit de jouer comme à domicile au stade de Genève, et l'ait contraint à jouer à Annecy, le président de la fondation dudit stade, Benoît Genecand, fort marri, explique que « vu d'avion, il n'y a aucun sens à faire jouer le club à Annecy ou à construire un nouveau stade à deux pas de celui de Genève». Ouais. Vu de satellite non plus, ça n'a aucun sens. Mais ça n'en avait pas plus de construire un stade de 30'000 places à Genève pour qu'il reste vide, alors qu'on aurait pu rénover les Charmilles et les remplir un peu plus... alors tant qu'à faire dans l'insensé, autant y rester...

Le président sud-africain Jacob Zuma voit dans le Mondial de foot le plus grand événement pour le pays depuis la fin de l’apartheid. Pretoria avait misé sur le Mondial pour relancer l’économie du pays, durement touchée par la crise financière. Mais la facture risque d’être lourde et le réveil difficile pour le contribuable sud-africain. Le gouvernement a entrepris de vastes efforts pour l’occasion. Des stades surdimensionnés ont été construits ou réhabilités, des autoroutes ont été élargies ou prolongées, le pays s’est doté d’un nouvel aéroport à Durban, un train luxueux et rapide desservant les quartiers chics de Johannesbourg, le Gautrain, a vu le jour, les télécommunications ont été améliorées… Au total, les pouvoirs publics ont déboursé 3,5 milliards d’euros, bien plus que les 230 millions d’euros sur lesquels le gouvernement tablait au départ. Le ministère des finances a révisé à la baisse les retombées de la compétition sur la croissance. Ces dernières étaient évaluées à 1 % ; le chiffre a été divisé par deux et pourrait bien être encore plus bas. Le coût total des neuf stades, par exemple, était estimé à 120 millions d’euros ; la facture définitive se monte à un milliard d’euros, soit dix fois plus que celle envisagée initialement. Certains experts prévoient que le gouvernement fera des coupes drastiques dans les comptes publics pour amortir les dépenses, dont la rentabilité à court terme sera dérisoire. L’argent économisé, qui correspond au budget affecté à la construction de logements pendant dix ans, aurait notamment permis de loger 250 000 personnes à Johannesbourg, une ville frappée par la pauvreté et où les bidonvilles et les sans-abris sont légion. Pretoria a préféré procéder à des expulsions massives à travers le pays, comme au Cap, où vingt mille personnes ont été déplacées de force pour « embellir » la ville.

« La différence entre le football et d'autres empires gagnés par la conquête, c'est qu'il n'existe pas de puissance dominante capable d'imposer sa volonté aux autres », déclare, dans« Le Matin Dimanche », Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques... « Pas de puissance dominante » ? Tu parles... et la FIFA alors ?

Après la défaite de l'équipe de Suisse face au Chili, au Mondial de foot, « les fans suisses se vengent de l'arbitre» sur internet, et notamment via l'encyclopédie en ligne « Wikipedia », signale « 20 Minutes » du 23 juin. C'est vrai, quoi, de quel droit un arbitre arabe peut-il expulser un joueur de l'équipe de Suisse (même un peu « arabe » d'origine, sur les bords) ou ratifier l'entrée d'un ballon chilien dans les buts suisses ? Hein, de quel droit ? D'ailleurs, un arbitre saoudien, ça devrait même pas exister, ou alors seulement pour les courses de dromadaires dans le désert.

11 août 2010

Football : quand les Bleus méritent toute notre gratitude

Allumeeeez, le feuuuuuu !

Dès le coup de sifflet final de l'ultime match livré (clef en main) par l'équipe de France au Mondial sud-africain, ça a commencé. Comme à Gravelotte, c'est tombé sur les Bleus, de toutes parts Puis c'est remonté, de tout en bas, de tout au fond, là d'où débondent les égoûts médiatiques. ça avait déjà un peu suinté chez nous après la défaite de l'équipe de Suisse face à celle du Chili (la faute à l'arbitre, forcément), ça dégouline désormais un peu partout, ici et en France, en France sur le mode malin des pontifiantes certitudes à la Finkelkraut, et ici sur le mode bénin de l'ordinaire francophobie crapoteuse qui s'est étalée, après la défaite de l'équipe de France, dans les forums internet, sur Facebook et Twitter, dans les discussions de bistrot où les beaufs locaux, après s'être pris pour Francis Drake en clamant entre deux bières « on a battu l’Espagne », se sont pris ensuite pour les vengeurs de Marignan en exsudant leur francophobie...

Coq hardi

De quoi les Bleus sont-ils le nom ? des années Sarkozy -les années de l'immortel auteur du célèbre « casse-toi pauvre con », qui sermonne aujourd'hui les joueurs de l'équipe nationale de foot pour l'image qu'ils donnent de la France. La même que celle qu'il en donne lui-même depuis son élection : celle du fric et du trépignement infantile. Et à Sarkozy, la nomenklatura française fait écho : « Nous sommes la risée du monde », a sangloté le président de la fédération française de foot, un certain Escalettes. La risée du monde ? Plutôt son sel, l'ingrédient qui révèle et relève le goût. Et si le brave Escalettes poursuit en sanglotant encore : « j'ai 50 ans de valeurs morales qui se sont écroulées en un wekk-end », c'est peut-être qu'à mettre ses valeurs morales dans le foot, on finit par les perdre aussi sûrement qu'un épargnant son bas de laine placé chez Madoff. Parce qu'enfin, il conviendrait, plutôt que de s'en prendre aux joueurs (qui sont après tout les seuls dont un match de foot ait besoin...), de s'en prendre à un système qui a a multiplié par vingt depuis 1982 les dotations de la Coupe du Monde aux équipes nationales et aux clubs dont sont membres les joueurs de ces équipes, qui distribuera en 2010 420 millions de dollars aux participants aux jeux du cirque sud-africain... et qui paie trois millions d'euros l'entraîneur de l'équipe d'Italie, un million trois quart celui de l'équipe de Suisse, jusqu'à 8,8 millions celui de l'équipe d'Angleterre... mais 560'000 misérables euros le bouc-émissaire officiel de tous les malheurs de la France, Raymond Domenech. Honneur et reconnaissance aux Bleus, donc, d'avoir révélé ce que suscite le spectacle mondialisé du foot-pognon : non la critique de ce spectacle, ou de la transformation d'un sport en pompe à fric, mais la remontée des remugles racistes, l'ouverture de la chasse au bouc-émissaire, la confusion, soigneusement entretenue politiquement, entre le sort d'une équipe de foot et l'« honneur » d'un pays (et Sarkozy de réclamer la tenue d'« Etats Généraux du football français »... on a les Etats Généraux qu'on mérite, 221 ans après ceux de la Révolution...). Et le reste est à l'avenant, d'Alain Finkelkraut qui hoquète « On a rêvé avec la génération Zidane, aujourd’hui on a plutôt envie de vomir avec la génération caillera. L’équipe de France (est) une équipe de voyous à la morale de mafia qui se foutent de la France », à François Coppé, petit caporal de l'UMP, qui scrongneugneuse « Il est temps qu’on restaure la culture du commandement ». Le dernier des politicard peut bien se prendre pour Danton : avec leur incontestable talent de fouteurs de merde, les Bleus ont mis à nu l'âme du foot spectacle, du foot pognon, du foot drapeau, tel qu'il se donne à voir dans les stades mégalomanes imposés par la FIFA à l'Afrique du Sud. Qu'ils en soient ici remerciés.

23 juillet 2010

Brèves

« Le j'men foutisme est la seule bannière sous laquelle (l'équipe de France de foot) est capable de rassembler », écrit, tout dépité, le quotidien sportif « L'Equipe », à propos de sa performance au Mondial de foot. On a enfin trouvé une équipe qui traite la grosse boeuferie sud-africaine comme elle le mérite...

Entre les droits de retransmission, les contrats publicitaires, la billetterie et les partenariats avec des entreprises comme Coca-Cola ou McDonald’s, la FIFA espère engranger près de trois milliards d’euros de recette globale grâce au Mondial de foot., L’organisation dirigée par le Suisse Joseph Blatter – dont le salaire annuel est estimé à près de 4 millions de dollars – affiche par ailleurs une santé comptable des plus radieuses : son bénéfice se montait en 2009 à 147 millions d’euros, ses fonds propres atteignant 795 millions d’euros.

Pour célébrer comme il se doit désormais, obligatoirement, la victoire (hasardeuse) de l'équipe suisse de foot contre l'équipe espagnole de foot, la «Tribune de Genève» du 17 juin fait (elle n'est pas la seule) dans le dithyrambe : « La victoire historique d'une Suisse héroïque ». Pas moins. Morgarten, Näfels, Sempach ? de la gnognotte. Un ballon est entré dans un filet, et le monde a changé de base. Bon, cela dit, quand la « Julie » entre en transe, au moins le fait-elle en silence. Et on peut même faire de ses pages de petits bouchons d'oreilles pour assourdir un peu le vacarme de klaxons, de vuvuzelas et de beuglements bovins qu'on a subi -avant qu'opportune, une bonne petite pluie n'y mette fin... putain, encore trois semaines de cette boeuferie...

Selon un sondage planétaire auprès de 100'000 fans de foot, à propos du Mondial en Afrique du Sud, un quart des fans suisses pensent que l'équipe suisse sera « la surprise du tournoi », et qu'elle se qualifiera pour les huitièmes de finale, 15 % la voyant même en demi-finale. Contre la Corée du Nord, sans doute. Un tiers des fans suisses annoncent que le Mondial sera prioritaire sur leur travail ou leurs études, un cinquième qu'il sera prioritaire sur leur vie amoureuse, un tiers sur leur vie familiale, 80 % qu'ils vont consacrer entre une et cinq heures au Mondial (et 3 % qu'ils vont y consacrer plus de dix heures)... Bref, pour un putsch ou une révolution, ça va être le moment rêvé, surtout que les flics seront mobilisés pour garder les troupeaux de supporters dans les machins organisés dans toutes les villes pour les rassembler. Le Grand Soir, c'est peut-être bien un soir de match, après tout... Vive le foot !

On a dit (et on redira) du mal dans ces pages du Mondial de foot en Afrique du Sud. On a suggéré que peut-être, au fond, tout au fond, ce truc n'était qu'une gigantesque pompe à fric. On bat notre coulpe. Non pas que le Mondial soit autre chose qu'une gigantesque pompe à fric. Seulement, cette pompe, elle amène du fric chez nous. Des dizaines d'entreprises suisses ont participé à la construction des infrastructures mégalos de la Coupe du Monde : Geberit a équipé six des dix stades en canalisations et installations sanitaires, et Franke les dix stades en chiottes de luxe (la pompe à fric est aussi une pompe à merde); Garaventa a construit un télésiège à Durban; Hublot a obtenu l'exclusivité du chronométrage des matches. Alors, que l'équipe de Suisse se fasse jeter du Mondial dans les préliminaires ou qu'elle se hisse en huitième de finale, on s'en fout puisque dans les chiottes, la Suisse sera championne.

La faîtière européenne du foot-pognon, l'UEFA, a refusé au club français Evian-Thonon-Gaillard le droit de jouer au stade de Genève, et a motivé ce refus en invoquant le principe «fondamental» de l'« organisation du football sur une base nationale territoriale ». Traduction en MCG basique : Evian, Thonon, Gaillard, c'est en France, le stade de Genève, il est en Suisse, et faut pas mélanger, parce que sinon, on sait plus où on va et tout le monde va vouloir jouer ailleurs que chez soi. Le FC Gaza à Tel Aviv, par exemple. Du coup, la Fondation du stade de Genève, qui espérait engranger quelques pépettes grâce à la venue du club français et couvrir ainsi une partie (mais une partie seulement) du million et demi annuel que coûte l'entretien du trou de las Praille, doit faire une croix (suisse ou savoyarde) dessus. En revanche, le FC Servette, qui craignait la concurrence frontalière, est très content. Surtout qu'il semble vouloir le racheter, le stade. Quant à Manuel Tornare, notre ministre municipal des sports, il a carrément téléphoné au président de la faîtière mondiale du sport-pognon, la FIFA, pour lui demander de faire pression sur son homologue européen afin que l'UEFA revienne sur sa décision. Manu téléphonant à Sepp Blatter pour lui demander de téléphoner à Michel Platini pour qu'un club français de deuxième division puisse jouer dans le stade d'un club suisse de deuxième division, si c'est pas de la diplomatie de haut vol, ça...

Dimanche dernier, juste après le match Allemagne-Australie, à Durban, 400 « stadiers » sud-africains ont manifesté pour réclamer le paiement du salaire qui leur avait été promis par contrat (environ 60 francs suisses) et non pas seulement l'aumône (moins de la moitié) reçue. La police est intervenue avec gaz-lacrymogènes et tirs de balles en caoutchouc (qui ont blessé une femme). Le comité d'organisation du Mondial s'est empressé de préciser que « les spectateurs n'ont jamais été en danger » (on est bien content pour eux), contrairement aux manifestants, qui n'ont eu que ce qu'ils méritaient en essayant de perturber la fête à neuneu, et la FIFA s'est, évidemment, déclarée «totalement étrangère » au conflit. Ben voyons.

21 juillet 2010

Coupe du monde : « Rien à foot » ? si au moins...

Du temps où le football était un sport comme un autre, il ne nous était qu'indifférent. C'était le bon temps. Devenu, d'abord un marché, ensuite une pathologie, le foot nous est devenu insupportable. Ce qui nous emmerdait naguère, en ce moment nous débecte. Non en tant que jeu, ni plus ni moins idiot que n'importe quel autre jeu collectif dont le but n'est que de « vaincre l'adversaire », mais en tant que machine délirante. Ce n'est pas le jeu qui nous est devenu odieux, c'est ce ce qu'il suscite. Le pire, dans le football, aujourd'hui, et dans la Coupe du Monde en ce moment, ce n'est pas le football lui-même : ce sont les supporters. De quelque pays qu'ils soient, les Suisses ne valant pas mieux que les autres. Eux seuls, leurs gestes, leurs mots, ce qui leur tient lieu de pensée dans le temps où le foot la submerge, suffiraient à nous dissuader, si d'aventure nous en avions la tentation ou la faiblesse, d'aimer ce qu'ils célèbrent, de célébrer ce qu'ils aiment, de partager la passion obscène qui les anime comme un marionnettiste anime ses pantins. De ce troupeau, il nous sied d'être le mouton noir. Mais c'est une bien maigre, et bien orgueilleuse, satisfaction.

Ad nauseam

On aimerait pouvoir dire que le Mondial, le sort de l'équipe suisse, le résultat des matches Suisse-Chili ou Suisse-Honduras, on n'en a « rien à foot ». Mais on ne peut déjà plus se contenter de ce haussement d'épaules, ni même, puisque nous sommes en Suisse et que ce sont les supporters suisses que nous subissons, du souhait que les joueurs chiliens et honduriens nous débarrassent du culte vociférant de la « Nati », des appels à l' « unité nationale » (pour quelle cause qui vaudrait la peine d'être « unitaires » avec l'UDC ou le MCG ?) et de la sommation à nous passionner pour ce qui nous indifférait, et que nous commençons à exécrer. Il y a des jours où l'on peine à refaire sienne l'injonction de Spinoza : « ni rire, ni pleurer, mais comprendre ». Elle s'impose, pourtant : si grotesque qu'il soit, le tribalisme footeux ne nous fait plus rire. Si consternante que soit la régression qui s'y manifeste, en pleurer ne serait qu'un aveu de faiblesse. Reste la nécessité de comprendre comment, et pourquoi, une aussi massive connerie peut s'emparer de gens que par ailleurs nous estimons, et dont nous estimons les actes et les prises de position quant ne les submerge pas le crétinisme grégaire qui depuis une semaine tient, ad nauseam, le haut du pavé, à Genève comme dans une bonne partie du monde, puisque cette pollution est « glocale », à la fois globale et locale. Certes, tout est, d'abord, ridicule dans la « fièvre du foot » qui s'est emparée d'une grosse minorité de la population humaine de cette planète depuis le début du Mondial : ridicules, le jeu lui même, les postures des joueurs, les commentaires, les supporters, les génuflexions des politiques, les réactions aux résultats des matches, les polémiques autour des défaites, les congratulations autour des victoires, et on en passe. Mais du ridicule à l'obscène, le pas est plus vite fait qu'on croit : il ne faudrait pas grand'chose pour que les foules hurlantes, klaxonnantes, vuvuzélantes, célébrant comme si elle était la leur ou celle de leur pays, la «victoire», si hasardeuse qu'elle soit, de onze joueurs sur onze autres, se transforment en bien pire que ce qu'elles sont, et que de l'inoffensive connerie collective on passe à une connerie plus meurtrière. Cela, d'ailleurs, s'est déjà produit : il y a peu de la manif de supporters au pogrom ou à la ratonnade. Intellectuellement, si l'on ose dire, cela fonctionne de la même manière, et pour passer de l'une à l'autre, le cerveau reptilien, seul aux commandes en pareilles occasions, n'a besoin que d'une petite étincelle, d'un petit prétexte -ou de quelques litres de bière en plus.

04 juillet 2010

Mondial de foot ? Mondial de fric !

L'Afrique du Sud sous protectorat de la FIFA

Entre les ahanements de sangliers en rut poussés à Roland Garros et les pouêt-pouêt de la caravane publicitaire du Tour de France, on va donc s'offrir pendant un mois, le cirque du Mondial de foot. Entre les petits bobos des joueurs, les états d'âme des entraîneurs et des commentateurs, les calculs des sponsors, les hurlements des supporters, les petites tricheries des matches et les grosses magouilles du sport-pognon, on pourra même se repaître d'une bienpensée du genre de celle produite, le 21 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, par la Haut commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, qui, tout en déplorant les incidents racistes qui se sont déroulés ces dernières années dans les stades de football, a cru de son devoir d'ajouter que la Coupe du Monde en Afrique du Sud allait être « une bonne opportunité d'aborder le problème du racisme dans le sport, et d'accroître le formidable potentiel du sport pour éliminer le racisme, la xénophobie et les formes similaires d'intolérance dans l'ensemble de la société » Comme si le Mondial avait encore le moindre rapport objectif avec le sport, et était autre chose que la matérialisation, pendant un mois, de la gigantesque pompe à fric qu'est la FIFA. Le Mondial, antidote au racisme ? Souvenez-vous du Mondial de 1998, de la France championne du monde, du déferlement d'hymnes au « melting pot black.blanc-beur »... Quatre ans plus tard, qui s'invitait au deuxième tour de l'élection présidentielle ? Zidane ? Non : Le Pen...

Main basse sur l'Azanie

« La différence entre le football et d'autres empires gagnés par la conquête, c'est qu'il n'existe pas de puissance dominante capable d'imposer sa volonté aux autres », déclare Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques. « Pas de puissance dominante », vraiment ? Et la FIFA, alors ? L'Afrique du Sud a littéralement été mise en coupe réglée par la Fédération internationale de foot professionnel : dans chacune des neuf villes hôtes du Mondial, un hôpital privé et un hôpital public ont été partiellement ou totalement réquisitionnés pour l'événement. A Port Elizabeth, bien avant le premier coup de pied dans le premier ballon du premier match, la moitié des lits ont dû être maintenus vides, et les patients s'entasser dans l'autre moitié, être traités à la va-vite, ou carrément refusés et priés d'attendre que la fête à neuneu soit terminée et que la FIFA ait levé le protectorat qu'elle a établi sur la République sud-africaine, dont le gouvernement s'est littéralement vendu à l'organisation faîtière du foot-pognon. Des milliers d'agents de la FIFA ont été déployés pour imposer le respect de l'exclusivité (payante) de l'usage de certains termes, y compris des plus courants. Il est désormais interdit en Afrique du Sud en 2011 d'inscrire « Afrique du Sud-2011» sur une affiche, une enseigne ou un T-shirt. Les petits vendeurs de rues sont pourchassés et repoussés le plus loin possible des stades et des regards des spectateurs des matches. La FIFA s'est arrogée un pouvoir de censure de la presse, en s'octroyant le droit de retirer ou de modifier les accréditations de journalistes mal-pensants et les reportages dont elle-même juge qu'ils seraient nuisibles à ses intérêts. Les droits constitutionnels de manifestation, durement conquis dans la lutte contre l'apartheid, sont suspendus par le régime né de la victoire de cette lutte, et c'est sous un véritable état d'urgence non déclaré que va vivre pendant un mois le pays de Nelson Mandela. Quant aux retombées économiques des jeux du cirque, elles ont été volontairement surévaluées par la FIFA pour convaincre les autorités de se livrer à elle pieds et poings liés. La FIFA annonçait 400'000 visiteurs ? Ils seront sans doute moitié moins nombreux. Le PIB devait croître de 0,7 % ? ile ne croîtra vraisemblablement que de 0,1 %. Et les Sud-africains réalisent qu'ils se sont fait purement et simplement arnaquer, avant de se faire domestiquer. En gros : si le Mondial est bénéficiaire, la FISA empochera le bénéfice, et s'il est déficitaire, l'Afrique du Sud paiera le déficit. Quant aux 150'000 emplois liés à la construction des stades pharaoniques exigés par la FIFA (comme celui du Cap, qui a coûté 600 millions alors que la rénovation ou l'agrandissement de stades existants aurait coûté deux fois moins), ou à la rénovation des routes et des infrastructures, les deux tiers seront perdus dès la fin de la kermesse. Et les employés iront grossir la masse des chômeurs sud-africains (ils sont déjà quatre millions). là où la FIFA passe, le pognon coule, certes. Mais dans les poches de ceux qui en ont déjà, et donc dans les siennes : la FIFA est milliardaire...


31 mai 2010

Genève : Nouvelle patinoire ou rénovation de l'ancienne ?

Hoquets sur glace

Emouvant tableau, ce 28 avril, à la Mairie de Piogre : magistrates et magistrats de gauche, du centre et de droite, de la Ville et du canton, communiaient dans l'obligatoire ferveur à laquelle tout politicien-ne de Genève était tenu à l'égard du club de hockey local. Concours de génuflexions ( « vous avez dépassé toutes les attentes et fait rêver toute une ville et un canton » - Manuel Tornare Dixit), exercice individuel et collectif de prosternation béate ( « vous avez amené quelque chose de magique dans le cité » - Charles Beer dixit), choeurs de louanges ( « le parcours des Aigles peut s'assimiler à une victoire » - Rémy Pagani dixit)... après quoi, puisqu'il faut bien passer aux choses sérieuses, promesses en vrac : on va rénover la patinoire des Vernets (qui le mérite, comme le mérite par exemple ,le stade de Frontenex), on va vous donner une autre patinoire, plus grande, plus belle, plus chère et plus vide, qu'on installera à l'Arena, ou à Plan Les Ouates, ou ailleurs, on ne sait pas où, mais peu importe, on paiera. Chaque année. Comme pour le stade de la Praille. On puisera dans les caisses publiques pour construire la chose, pour l'entretenir, pour l'administrer. On paiera pour la patinoire, on paiera pour le club, même s'il ne communique ses budgets qu'avec réticence et que ses comptes sont opaques. Le président du Servette Hoykey Club, Hugues Quennec, qui veut une patinoire d'au moins 10'000 places, exige des « garanties et des engagements » de la Ville, et menace : « Sans infrastructure adéquates, le coach et moi-même ferons nos valises ». Pour la Praille ?

Comique de répétition
Tout auréolé de sa défaite en finale du championnat, et tout sanctifié par le choeur des politiciens locaux (on est à un an des élections municipales, il ne fallait pas s'attendre à autre chose qu'au concours de démagogie dont nous avons été gratifié), le Genève-Servette Hockey Club veut des sous (il est en déficit de trois millions et veut des places VIP pour équilibrer ses comptes) et une nouvelle patinoire, plus grande, plus belle, plus chère... et tant pis si la Ville a déjà dépensé quinze millions pour rénover nos bons vieux Vernets (où murmure encore l'écho du « Gran Mitin » communiste espagnol que nos zautorités avaient autorisé à la condition, illusoire, que Dolorès Ibarruri et Santiago Carrillo s'y tiennent coite et coi...) Rénover la patinoire des Vernets, donc ? soit. D'autant qu'on a déjà commencé. Mais construire une nouvelle patinoire, par exemple à l'Arena, nous rejouer comme Mark Muller la partition calamiteuse du stade de la Praille en n'en changeant pas même le refrain (« il faut un écrin pour le club »), en remplaçant seulement le mot « stade » par le mot « patinoire » ? La prudence exprimée par le seul, ou presque, Rémy Pagani s'impose, et les grandes effusions rituelles passées, il serait bon que les «politiques» consentent à faire fonctionner leur cerveau plutôt que leurs calculettes électorales : d'un interlocuteur à l'autre le coût minimal d'une nouvelle patinoire passe du simple (50 millions) au triple (150 millions), le dernier des imbéciles sachant désormais que, comme à la Praille, à la fin de l'exercice, le coût réel de construction de ce genre de grand machin sportif atteint le double du coût initialement annoncé, que l'invocation du partenariat public-privé et la promesses d'un « business plan » ne sont que poudre aux yeux et que comme le sport (ou ce qui en tient lieu dans des enceintes du type de celle posée à la Praille ou projetée à l'Arena ou ailleurs) ne permet pas de rentabiliser les équipements dont on s'est doté en son nom, et qu'on a fait payer par les collectivités publiques, il faudra, année après année, pendant un demi-siècle, boucher les trous et combler les déficits. Ces rappels utiles tombent cependant mollement dans les oreilles obstruées de sourds volontaires. « Il s'agit aujourd'hui d'oublier les dissensions du monde politique pour retenir le rassemblement populaire derrière l'équipe » genevoise de hockey, a lancé Manu. Eh bien non, nous n'oublierons pas les « dissensions du monde politique », et s'il nous est donné de pouvoir les entretenir, nous les entretiendrons. Parce que le «rassemblement populaire», d'ailleurs bien plus modeste que sa proclamation médiatique, et surtout bien plus fugace que les pulsions bétonnières des amateurs de monuments à la gloire du sport professionnel, ne justifie pas n'importe quoi. Et surtout pas qu'à dix ans d'intervalle, on nous chante la même chanson, on nous produise les mêmes mensonges, pour commettre les mêmes erreurs, camouflées par les mêmes bricolages et niées par le même aveuglement.

16 mai 2010

Vous avez aimé le stade de la Praille ? Vous adorerez le centre sportif de Plan-les-Ouates !

Le déclassement de 58 hectares du secteur dit « Les Cherpines – les Charrotons » dans la Plaine de l’Aire, sur les communes de Confignon et Plan-les-Ouates, a été accepté la semaine dernière par la Commission parlkementaire cantonale de l'aménagement, contre l'opposition de l'UDC et des Verts, les socialistes étant divisés (pas opposés au déclassement en principe, mais très critiques sur le projet qu'il rend possible). Le Grand Conseil devra encore se prononcer, mais à vue de nez, et sans prendre trop de risques, une majorité est prête à voter ce déclassement nécessaire à la réalisation, entre l'Aire, la route de Base et l'autoroute de contournement, d'un projet comportant, théoriquement, 2000 logements, mais aussi un projet de centre sportif (sur Plan-les-Ouates) regroupant tous les sports possibles et imaginables. A croire que la calamiteuse expérience du stade de la Praille n'a rien appris aux fétichistes du bétonnage à prétexte « sportif » .

Cardons le cap

La commission du Grand Conseil a donné le premier feu vert au déclassement des Cherpines et des Charrottons, le Grand Conseil devrait suivre, mais sans que l'on sache précisément ce qui poussera sur ces terres maraîchères à la place du cardon, et ce qui y remplacera l'agriculture de proximité qui s'y est installée. On sait cependant que la commune de Plan-Les-Ouates (c'est-à-dire sa majorité politique) souhaite y implanter un centre sportif maousse agrémenté d'une patinoire, de terrains de foot et de rugby, d'aires de tir à l'arc et d'équitation etc... le tout garni de restaurants, d'un hôtel, de commerces, de bureau et d'un parking Certes, il est également prévu d'implanter dans cette zone 2000 à 3000 logements, et des services publics (une école, notamment), mais l'ensemble du «paquet», et son artistique ficelage, ne peut que rappeler à notre souvenir un exercice du même genre, à la Praille. Avec des conséquences financières qui, logiquement, devraient être les mêmes : engager des collectivités publiques dans le financement interminable d'un projet surdimensionné. Urbaniser la zone du nord-est de l'autoroute de contournement est une chose. L'urbaniser n'importe comment, en particulier sans réflexion réelle sur les conséquences en termes de circulation, en est une autre. L'espace concerné se prêterait parfaitement à la création d'un véritable écoquartier, intégrant des parcelles agricoles, reprenant des projets en lice les espaces et les services publics qu'ils proposent, mais se gardant de répéter à Plan-Les-Ouates les erreurs, pour user d'un terme prudent, commises à la Praille -mais jamais reconnues par ceux qui non seulement les ont commises, mais les ont imposées à la population. Pour parer à ce risque, un comité référendaire s'est mis sur pied* : il devrait agir dès le vote du projet de loi de déclassement. Assez tôt, espérons-le, pour qu'émerge un contre-projet répondant, lui, à des besoins réels et qu'on évite aux collectivités publiques de devoir payer pendant des décennies les conséquences d'une erreur d'autant moins pardonnable qu'elle ne serait qu'une récidive dans l'aveuglement volontaire.
* http://www.plainedelaire.ch/

11 mai 2010

Un carton jaune pour le foot-pognon ?

« Non à l’exploitation lors de Coupes du monde de football »

L’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) a lancé hier a pétition « Hor$jeu – Un carton jaune pour Sepp Blatter! ». La pétition* exige de la Fédération internationale du foot-pognon (la FIFA) qu’elle s’engage activement contre l’exploitation et pour le respect des droits humains lors de Coupes du monde de football. La FIFA devrait imposer aux sponsors et aux entreprises de construction des stades et autres équipements induits par les mondiaux de foot qu'ils et elles versent des salaires suffisants pour vivre et respectent les normes fondamentales du travail. Les pays et entreprises qui ne sont pas disposés à remplir ces conditions ne devraient plus pouvoir organiser de Coupe du monde ou assumer de travaux en lien avec cette dernière. Et après les jeux du cirque, une fois les télés parties, la FIFA gavée et les supporters décuités, la plèbe locale retourne à la normalité de l'exploitation ?

* La pétition peut être signée sur
www.horsjeu-afriquedusud.ch/

Panem et circenses

Pour la prochaine Coupe du monde de football, en Afrique du Sud, la FIFA n'a rien laissé au hasard. Elle régit tout: de la hauteur du gazon à la diagonale d’écran règlementaire pour les diffusions publiques. Ce contrôle du moindre détail permet à la FIFA de s’assurer un bénéfice prévu de deux milliards de francs suisses. La FIFA ne laisse rien au hasard. Rien de ce qui pourrait lui rapporter, du moins. Car elle serait, selon les dires de son président, le Suisse Sepp Blatter, impuissante à faire respecter les droits du travail et les droits humains. Or « la Coupe du monde ne profitera malheureusement pas à tout le monde. L’Afrique du Sud a investi 4,5 milliards de francs en vue du Mondial. Ces investissements massifs n’ont cependant rien apporté aux 20 millions de pauvres que compte l’Afrique du Sud. 43 % de la population restera par conséquent hors jeu », rappelle le président de l’Oeuvre Suisse d'Entraide Ouvrière, Hans-Jürg Fehr, qui poursuit : « Les ouvriers ont construit les stades pour des salaires de misère et des quartiers pauvres ont été rasés, pour des raisons d’image. Les nouvelles maisons promises aux personnes chassées n’ont pas été construites, faute d’argent ». Quoi qu'elle en dise, en tant qu’organisatrice de la Coupe du monde, la FIFA a la possibilité d’exercer une pression sur ses mandataires et de leur imposer des conditions sur le plan social. L’OSEO exige par conséquent le respect des droits humains lors d’événements organisés par la FIFA – une exigence d’autant plus essentielle que le prochain Mondial aura lieu au Brésil. Les exigences de l’OSEO sont simples :
. Des conditions de travail équitables pour les ouvriers de la construction et autres employés,
• Les quartiers pauvres ne doivent plus être démolis.
• Pas de muselière pour les journalistes accrédités.
« Les pays et les entreprises qui violent les droits humains et pratiquent l’exploitation ne doivent plus pouvoir, à l’avenir, organiser de Coupe du monde ou assumer de travaux en lien avec cette dernière », conclut Hans-Jürg Fehr. Il convient sans doute de traduire cette phrase au conditionnel, mais il convient aussi de dire, d'écrire, de faire savoir, que nous sommes encore quelques uns et quelques unes à ne pas avoir été totalement décérébrés par la récurrence du vieux précepte « donnez à la plèbe du pain et des jeux, elle nous foutra la paix ».

26 janvier 2010

EXPLORATION DES TROUS DE LA PRAILLE ET DE L'EUROFOOT

SPÉLÉOLOGIE FINANCIÈRE : EXPLORATION DES TROUS DE LA PRAILLE ET DE L'EUROFOOT

Lorsque la décision a été prise de construire un nouveau stade, le projet a été mis au concours, et le projet primé prévoyait 25'000 places assises (soit, déjà, 10'000 de plus que nécessaire). Le 19 juin 1997, le Grand Conseil vote un premier crédit de 20 millions de francs. A ce stade, si on ose dire, le projet est devisé à 64 millions, plus 4 millions de TVA, soit un total de 68 millions.
La rénovation du stade des Charmilles, pourtant appelé à disparaître, et celle des terrains de Balexert, ajoutent 3,8 millions à la facture. Fin 2000, le projet définitif passe de 25'000 à 30'000 places, et son coût grimpe de plus de 20 millions, pour atteindre 93 millions. Parallèlement, la facture pour les rénovations de Balaxert et des Charmilles augmente d'un million.
Fin 2003, le stade est ouvert : la facture a grimpé de 25 millions supplémentaires, du fait d'aménagements supplémentaires non prévus au projet initial (pour 9,1 millions), d'aménagements de sécurité et de déplacement des infrastructures CFF (pour 10 millions) et d'autres modifications. Le coût du stade atteint 117 millions.
A l'été 2007, l'UEFA impose de nouvelles normes pour les stades appelés à recevoir des matches qu'elle organise. Surcoût : 14 millions. On atteint les 131,6 millions. De 68 millions au départ, le coût du stade sera passé en dix ans (1997-2007) à au moins 140 millions -et la facture n'est pas close. Le canton a déversé 24,4 millions dans ce trou, la Ville de Lancy 6 millions, la Confédération 5 millions, la Ville de Genève 5 millions, le Fonds d'équipement communal a été contraint de verser 18,8 millions. Jelmoli a déboursé 36 millions (mais ça n'est pas une subvention, c'est un loyer), le Crédit Suisse a prêté (et entend bien se les faire rembourser) 20 millions, une souscription publique a rapporté 3,8 millions, le Sport Toto a accordé une subvention de 700'000 francs et on a 300'000 francs de subventions diverses.

Il y a trois ans, onze millions de travaux étaient encore dus à l'entreprise Zschokke (Implenia) qui avait construit le Stade. Les électeurs de la Ville ayant massivement refusé (à plus de 70 %) d'accorder un prêt de 2,5 millions à la Fondation du Stade, l'Etat a pioché onze millions dans le Fonds d'équipement communal, après avoir en avoir modifié les statuts pour s'autoriser ce racket.

Quant à l'Eurofoot, les seuls coût de sa sécurisation devraient se monter à (au moins) 100 millions au plan suisse. A Genève, il devrait coûter au moins 28 millions, pour des retombées en termes de chiffre d'affaire se situant dans une fourchette de 10 à 50 millions.
L'Eurofoot coûtera au moins aux collectivités publiques genevoises :
14,6 millions pour l'adaptation du stade de la Praille aux exigences de l'UEFA
7,2 millions pour la sécurité
2,6 millions pour les manifestations annexes
1,8 million pour les coûts liés aux transports
1,5 million pour les coûts de coordination de l'organisation
1,3 million pour la promotion touristique (baudruche comprise ?)
Les coûts liés à la mobilisation des services de voirie ne sont apparemment pas compris dans ces chiffres. Ni, apparemment, les heures supplémentaires de la police, l'utilisation de locaux publics (comme l'Université pour le "Media Center") etc...

En termes financiers, l'Euro2008 c'est (selon les chiffres de l'UEFA) :
- 1,3 milliard de francs de droits de retranmission TV (42,3 % de plus qu'en 2004), soit 60 % des recettes
- 461 millions de francs de sponsoring et merchandising (57 % de plus qu'en 2004), soit 21 % des recettes
- 215 millions de francs retirés de la location des loges "VIP" (plus du quintuple qu'en 2004), soit 12 % des recettes
- 149 millions de francs de billetterie (17,3 % de plus qu'en 2004), soit 7 % des recettes
- un total de recettes de 2,117 milliards de francs (50 % de plus qu'en 2004)
- Des dépenses d'organisation de 977 millions (150 % de plus qu'en 2004)
- un bénéfice net de 412 millions(28,4 % de plus qu'en 2004)
et que fait l'UEFA de tout ce pognon ? Martin Kallen, responsable de l'organisation de l'Euro a beau dire que l'UEFA veut "redistribuer le plus d'argent possible à ses 53 fédérations nationales et à ses programmes de solidarité", en réalité elle en redistribue moins d'un septième aux équipes participants (294 millions), et à peine un tiers aux "programmes de solidarité". Les fédérations nationales de l'UEFA (y compris celles des équipes participantes) recevront, en tout, 450 millions d'euros La distribution aux équipes participantes représente un peu plus de la moitié des seules ressources de sponsoring et moins que ce que l'UEFA gardera pour elle. Quant aux programmes de "solidarité", ils atteignent péniblement le 60 % des seuls droits de retransmission TV. Les contributions des sponsors et les droits de télévision sont versés directement à l'UEFA (qui encaisse ainsi près de 1,8 milliard), les premiers par l'intermédiaire de sa division "UEFA commercial marketing", les se
conds par "Marketing & Media Rights", qui a sous-traité la négociation des droits à une société française, Sportfive, filiale du groupe Lagardère. Une fois payés les frais d'organisation, redistribuée la petite part des équipes participantes, des programmes de solidarité et les subventions aux associations, l'UEFA pourra capitaliser plusieurs centaines millions de francs, sur lesquels elle ne payera pratiquement pas un sou d'impôt.
Pour faire fonctionner à plein sa pompe à fric, l'UEFA a créé fin 2004 une filiale, Euro 2008, une société anonyme holding que l'UEFA détient à 100 % et qui payera quelques millions de francs d'impôt, en tant que "holding de services", comme "New Media technologie" (qui fera une vingtaine de millions de francs de bénéfices). Mais l'UEFA en tant que telle ne paiera pas un sou d'impôt, alors qu'elle retirera plus d'un milliard de francs du tournoi et que le total de ses recettes budgetée pour 2007-2008 atteint les trois milliards (dont moins de la moitié sera redistribué aux équipes participantes), soit un milliard de plus que lors de l'exercice précédent, et que ses fonds propres se montent à 732 millions, soit 300 millions de plus qu'en 2006-7... Résultat : la fédération européenne de foot professionnel dégage plus de chiffre d'affaire que la fédération mondiale, et est la fédération sportive la plus puissante du monde.

Selon une étude macro-économique réalisée par le bureau privé Rütter+Partner, et publiée par l'Office fédéral du sport, sur l'importance du secteur sportif (défini en un sens très, très large : on y inclut (en plus du sport proprement dit, amateur ou professionnel) les remontées mécaniques, le fitness et la muscu, le commerce d'appareils, articles et vêtements, le tourisme et même les accidents sportifs), le secteur générerait 80'000 places de travail (plus que l'industrie pharmaceutique, l'horlogerie ou les assurances), soit 2,5 % du "marché de l'emploi" en Suisse, à peu près autant que l'industrie mécanique. Le chiffre d'affaire du secteur dépassait les quinze milliards en 2005, sa valeur ajoutée brute atteindrait 8 milliards, sa part au produit intérieur brut 1,8 %, juste un peu moins que les 2 % de l'industrie de l'alimentation, des boissons et du tabac.