24 novembre 2010

Fonds de tiroir

Le FC Servette veut prendre à sa charge l'exploitation du Stade de Genève : son président, Majid Pishar, l'a proposé à la Fondation du stade et au Conseil d'Etat, et se dit prêt à sortir les 20 millions nécessaires. C'est un début de bonne idée. A laquelle manque encore ce qui pourrait la couronner et satisfaire tout le monde : que le club rachète carrément le stade, et débarrasse les collectivités publiques de ce fardeau. Vous le voulez, votre stade ? Et bien prenez-le. Et gardez-le. Nous, on est d'accord. On est même d'accord de vous le vendre pour un franc symbolique. Et pour solde de tout compte. Le projet du Servette pour l'exploitation du stade de la Praille est alléchant : on y trouve même une crêche, un musée, une disco... Bah, tant que ça peut remplir ce machin, pourquoi pas ? On attend donc la proposition d'installer un EMS et une prison dans le stade. Tant qu'à faire.Pour rendre« son » stade de la Praille, déserté par le public, plus vivant, le Servette FC envisagerait, selon la « Tribune de Genève », de garnir virtuellement ses gradins vides de faux spectateurs. ça doit être l'effet« avatar » : quand la réalité est déprimante, garnissons-làd'illusions... Bon, pour les finances, ça change rien vu que le spectateur virtuel ne paie pas sa place, mais on aura ainsi des images d'un stade rempli, au lieu de celles, trivialement réalistes, d'un terrain vague très, très vague et très, très vide. On progresse, donc. Il n'y a plus qu'àrendre le stade lui-même virtuel, et on aura quand même fini par s'en débarrasser.

Après la Coupole internationale du foot-pognon, la FIFA, c'est la Coupole continentale, l'UEFA, qui est accusée par l'un de ses membres d'être le terrain de jeu de la corruption : le représentant de la fédération chypriote a déclaré que l'attribution de l'Euro 2012 àl'Ukraine et à la Pologne avait fait l'objet d'achat de voix et de corruption de cinq responsables de l'UEFA, le tout pour la modique somme de onze millions d'euros. Evidemment, l'UEFA (comme précédemment la FIFA) se récrie et demande des preuves. Evidemment, nous, on ricane bêtement. Et évidemment, tout ça finira en eau de boudin, puisque les fédérations sportives internationales installées en Suisse, comme la FIFA, l'UEFA ou le Comité international olympique, ne sont pas soumises à la loi suisse qui réprime (mollement) la corruption. Ce que même le Conseiller fédéral UDC Ueli Maurer considère comme « une lacune » (et il s'y connaît, en lacunes, Ueli der Soldat). Une lacune ? Tu parles : c'est tout à fait délibérément que le Conseil fédéral a accordé en 2004 aux coupoles sportives le droit d'échapper à la loi, de laver leur linge sale en famille ou de le planquer à l'abri des regards et des reniflements.

Le meilleur joueur du dernier Mondial de foot est mort. Dans un aquarium. C'était un poulpe : Paul-le-Poulpe, de son petit nom. Il avait non seulement prédit le résultat des huit matches sur lesquels on lui avait demandé son avis, mais il avait été aussi le seul acteur de la fête àneuneu qui n'en ait jamais injurié, taclé, ou retenu un autre par le maillot. Le seul aussi à ne s'être ni dopé, ni laissé acheter, ni laissé transformer en panneau publicitaire. Un vrai sportif amateur, quoi.

On nous serine avec « la grande famille du sport », et on commençait sérieusement à en avoir plein les oreilles, de cette « grande famille du sport », lorsque nous tomba sous les yeux une page entière du « Matin dimanche » de dimanche dernier, nous présentant quelques unes des caractéristiques financières de la coupole du foot pognon, la FIFA, dont les profits annuels frôlent les 200 millions, et le chiffre d'affaire le milliard. La FIFA est, comme on le sait, présidée par le Valaisan Joseph Blatter, qui a ce titre contrôle plus ou moins directement plusieurs sociétés, « qui toutes mènent des activités à 100 % commerciales (droits TV, voyages, produits dérivés etc. » précise « Le Matin Dimanche », qui enfonce le clou : de la FIFA et des sociétés contrôlées par la FIFA, le neveu de Joseph Blatter, qui s'est taillé son petit empire sportivo-commercial personnel, a obtenu plusieurs contrats particulièrement juteux, notamment à travers le contrôle de droits télévisuels exclusifs pour l'Asie (Chine comprise) du Mondial 2010 et 2016, la vente (toujours exclusive) des billets d'avions et des réservations d'hôtels... Une petite affaire de famille dans la « grande famille du sport », quoi. Qui n'est absolument pas touchée par la corruption. Et encore moins par le népotisme. Promis, juré.