25 novembre 2008

EURORACKET

Et allez donc, pourquoi se géner, on ne change pas une méthode qui gagne et un racket qui marche : 7,8 millions de plus ont été balancés dans le trou de la Praille. Des millions puisés dans les caisses publiques, en l'ocurrence celles du Fonds d'équipement communal, alimenté par les communes et le canton, et dont les décisions (celle-là a été prise le 19 février) ne sont pas, suprême avantage, susceptibles d'être contestées par référendum populaire (ce à quoi, d'ailleurs, la Constituante devrait remédier). Et à quoi ont-ils servis, ces millions, s'ajoutant aux millions déjà rackettés dans le même fonds il y a un an pour payer les dettes de la Fondation du stade ? A rien d'utile : à financer l'installation d'une nouvelle tribune pour les media, d'un centre de presse et d'un "espace d'accueil" pour les sponsors, et de la sonorisation et l'éclairage de l'esplanade. Tout ça imposé par contrat à la Fondation du Stade par l'UEFA, qui ne paye pas un rond, impose ses conditions et a reçu presque gratuitement (sauf une location de 450'000 francs par match, et une participation d'un million et demi aux quinze millions investis) un stade clés en main et flambant neuf , pour en user à sa guise pendant un mois.. Ces travaux ne devaient coûter que 6,8 millions et être payé par le Sport Toto et la Confédération, mais comme d'hab, ça a coûté plus du double et ça a été payé essentiellement par les collectivités publiques. Les arracheurs de dents de service ont tenté de se justifier : "ces travaux sont d'intérêt public", a déclaré Laurent Forestier, le porte-parole du Conseiller d'Etat Mark Muller, lequel "espère vraiment que ce sera la dernière rallonge". Ben voyons... ça fait bientôt dix ans qu'on nous annonce "la dernière rallonge", avant d'en demander une autre. Au passage, le Conseiller d'Etat Muller a poussé à la démission le protégé du Conseiller d'Etat Moutinot, Jean-Pierre Carera, président de la Fondation du Stade, à qui les faux derches gouvernementaux font jouer le rôle de fusible. Carera avait assuré, le 6 décembre, deux mois avant le nouveau racket du FEC, qu'"il n'y aura pas de nouvelle rallonge". La différence entre Carera et Muller, c'est que le premier peut être lourdé par le second, dont on ne pas se débarrasser avant les prochaines élections cantonales. Ce qui évidemment ne l'a pas empêché de proclamer son intention de jouer une "transparence totale" dans le dossier du financement de l'Eurofoot. Après avoir pompé huit millions en toute transparence dans le fonds d'équipement communal, histoire de se soustraire à un référendum populaire.
Le Fonds d'équipement communal avait pourtant fait mine (mais seulement fait mine) de refuser de verser les 7,8 millions directement à la fondation du stade, ce qui aurait obligé les autorités cantonales à déposer un crédit devant le parlement. Vu le parlement dont Genève est gratifiée, il aurait accepté -mais nous aurions lancé un référendum, avec toutes les chances qu'il aboutisse. Lors de la séance du 19 février, les représentants des communes, sauf la représentante de la Ville, Sandrine Salerno, qui s'y est opposée au nom du respect de la volonté populaire (et parce qu'elle estime que le canton ne peut pas utiliser la part des ressources du FEC qui revient à l'Etat pour payer les factures du stade), se sont abstenus sur la proposition du Conseil d'Etat. Proposition qui a donc été votée par les seuls représentants de l'Etat, les deux Conseillers d'Etat Verts Hiler et Cramer, contre la seule opposition de la représentante de la Ville. Et c'est comme cela, brave gens, qu'on vous prive de la possibilité de dire par un vote ce que vous en pensez : par un tour de passe-passe au terme duquel, parce qu'ils sont deux, les représentants du canton imposent leur seule volonté à la volonté de la seule représentante de la seule Ville en l'absence de toute trace de volonté des autres communes, qui se sont lamentablement dégonflées.
La nouvelle ponction dans le fonds d'équipement communal avait pourtant, avant d'être effectuée, suscité quelques réactions négatives -qui ne l'ont pas empêchée, mais retardée. Le président du FEC avait écrit au Conseiller d'Etat Mark Muller pour lui dire ses réserves, tout en lui confirmant qu'il versera en bloc 17 millions au canton, libre à celui-ci de les utiliser comme bon lui semble, mais tout de même en respectant les règles légales : pas d'utilisation avant le début 2008, et utilisation pour des projets cantonaux inscrits au budget.
De son côté, la responsable des finances de la Ville, Sandrine Salerno, s'était opposée (mais elle a été la seule à le faire) à l'utilisation du FEC pour payer les factures d'une fondation de droit privé, et avait demandé au canton, s'il tenait vraiment à ponctionner ses caisses pour payer ses factures, de le faire conformément aux usages, en déposant un projet de loi. Elle croit quoi, Sandrine ? Qu'elle a affaire à des démocrates ? Déposer un projet de loi, c'est justement ce que le canton voulait à toute force éviter, puisqu'un projet de loi est susceptible de référendum, et que le dernier référendum lancé contre le financement public du stade a tourné à la confusion des partisans de ce financement.

La dernière rallonge financière accordée au stade (pour le conformer aux desiderata de l'UEFA) a fait monter à 16,5 millions de francs le coût de son adaptation à l'Euro2008. Pour trois matches jouée à Genève. Ces matches ont rassemblé 90'000 spectateurs. Ce qui nous fait un coût d'adaptation du stade équivalant en gros à 170 francs par spectateur. Comme lesdits spectateurs n'auront pas payé ce prix pour obtenir un billet, et que plusieurs centaines d'entre eux n'ont rien payé du tout, qui paiera la différence ? Ben... le contribuable... en toute transparence...

Michel Bonnefous, président de la société organisatrice de la Coupe de l'America, a intégré le Conseil de fondation du stade, ainsi que deux nouveaux membres, Sami Kanaan en tant que représentant de la Ville, et Serge Bednarczyk. Après la démission forcée de Carera, c'est un ancien directeur de l'UBS, Benoît Genecand, qui a pris la tête de la Fondation, élu à l'unanimité à sa présidence. Un banquier, en effet, ça s'y connaît, en pompes à fric. Et un banquier de l'UBS, en trous financiers. Ce qui n'empêche pas que le nouveau président se fixe un objectif hors d'atteinte : "faire du stade un lieu de rencontre beaucoup plus sexy et qui puisse faire rêver".

"Le budget consacré à l'Euro est en passe d'être respecté", a assuré, la fête terminée, le coordinateur cantonal de la chose pour Genève, Michael Kleiner. Le budget en question s'élève à 16 millions -soit en gros, et au plus, la moitié de ce que coûtera réellement l'Eurofoot aux collectivités publiques genevoises, puisqu'au budget s'ajoute tout ce qui n'a pas été budgeté (comme les 700'000 francs de la location du domaine public de la Ville -Plainpalais, Vernets, Bout-du-Monde), et tout ce qui l'a été sur d'autres postes que l'Euro.

Assurer la sécurité publique pendant l'Euro a coûté des dizaines de millions (au moins 92 millions et demi, alors qu'on n'en avait budgétés au départ que cinq) à la Confédération, aux cantons et aux communes, y compris à ceux et celles qui n'ont pas accueilli de matches (mais des "fans zone" avec écrans géants et baraques à saucisses). Dans le seul canton de Fribourg, la facture se monte à au moins 2 millions et demi. Dans le canton de Vaud, même facture. La Confédération ne verse que dix millions et demi, et aux seuls quatre cantons-hôtes (Bâle, Berne, Genève, Zurich), en plus des frais qu'elle assume directement (genre mobilisation de l'armée). Du coup, les autres cantons réclamaient, eux aussi, des sous à Maman Helvetia. Officiellement, la sécurité coûtera 82,5 millions à la Confédération, aux cantons et aux communes, plus dix millions de réserve. A Genève, le budget "sécurité" dépassait les sept millions. "On donne beaucoup d'argent aux villes-hôtes : Genève a reçu plus de 2 millions de francs", se justifiait Michel Platini, ci-devant président de l'UEFA : "beaucoup d'argent" selon Platini, c'est moins de la moitié de ce que va coûter à Genève la seule sécurité. Et en tout, Genève va claquer vingt fois plus pour l'Euro2008 que le "beaucoup d'argent" qu'elle aura reçu de la princière UEFA). La Ville de Genève (qui, dans son magazine "Vivre à Genève" s'en montre toute fière) a assumé l'intensification par la Voirie du ramassage des déchets et de la fréquence du nettoiement des sites touchés par l'Euro, ce qui a nécessité un renforcement du personnel et du matériel, ainsi que l'installation de onze chiottes mobiles; elle a devoir payé en plus la mobilisation au sein d'un "groupe circulation" d'une vingtaine d'agents de sécurité municipaux pour "canaliser la circulation des véhicules", l'organisation de patrouilles d'ASM à pied, à vélo et en roller le long des itinéraires piétons, la mobilisation des pompiers du SIS au sein du dispositif "Osiris" des situation exceptionnelles, la mobilisation des gardes dans la zone du Bout du monde, et de la Protection civile pour le montage et le démontage des installations du Bout-du-Monde et de Plainpalais, l'accueil des campeurs et la surveillance du site. ça a coûté combien, tout ça ? Et la mise à disposition de l'Euro 2008 de tout ou partie du temps de tavail de dizaines de fonctionnaires, ça équivaut à quel coût pour la collectivité ? A au moins un million et demi pour la seule Ville de Genève...

L'engagement de Swisscom, "sponsor national" de l'Eurofoot, aura coûté également fort cher (plusieurs dizaines de millions de francs) pour assurer les télécommunications dans les quatre stades hôtes et dans une vingtaine d'autres sites, garantir la transmission vers l'Autriche des images télé de tous les matches joués en Suisse, répondre aux besoins des organisateurs (plusieurs centaines de personnes), des media (8000 journalistes accrédités), des équipes, des bénévoles et du public. 300 techniciens auront été mobilisés dans les stades, 1300 employés impliqués dans l'événement. Un service public (Swisscom) au service d'une organisation privée (l'UEFA), c'est du New Public Management ou on ne s'y connaît pas.
Bon, d'accord, on ne s'y connaît pas.

Certaines communes et certains cantons en fait encore plus que ce que l'UEFA et ses commis politiques leur demandaient : Lugano a ainsi payé les billets d'avion qui ont permis à l'équipe de Suède, qui séjournait à Lugano, d'aller jouer ses matches en Autriche. Ce beau geste coûtera autour de 80'000 balles aux contribuables luganais. A Neuchâtel, la Ville a "adapté" le site d'entraînement réservé à l'équipe du Portugal. Dans le canton de Vaud, la collectivité a offert des prestations de relations publiques aux équipes de France et de Hollande, qui séjournaient dans le canton. A Genève, en revanche, on assure (mais les promesses, dans le feuilleton de l'Euroracket, ne valent pas grand chose) qu'aucune dépense particulière n'a été consentie pour l'équipe qui séjournait dans le canton (mais s'entraînait à Nyon). Il est vrai qu'il s'agit de l'équipe de Turquie. Des gens carrément pas de chez nous.

L'UEFA, qui fait raquer les collectivités publiques pour l'organisation à son profit de l'Euro2008, est particulièrement soucieuse de contrôler les droits de diffusion et de marketing liés à ladite compétition. Disons que, d'une main l'UEFA puise dans les caisses publiques, et que de l'autre elle tape sur tous ceux qui auraient l'impudence de vouloir saisir l'occasion de l'Euro pour se faire un peu de pub. Depuis l'Euro2004, au Portugal, c'est une entreprise mise en place par l'UEFA ("Euro 2008 SA) qui gère les droits de diffusion (y compris de la diffusion des matches, puisque l'UEFA s'est instituée productrice des images de télé) et de marketing, et réprime le "marketing parasitaire" (il y en a donc un autre ?) de tous ceux qui tentent d'obtenir une petite part d'un gâteau que l'UEFA entend bien se réserver. Un réseau mondial de juristes veille : la porte-parole d'Euro2008 SA annonce à mi-décembre que la société est déjà intervenue auprès de 250 contrevenants (contrevenants à quoi, au juste ?) par des lettres de mise en demeure, et que cinq cas ont débouché sur des actions en justice. L'UEFA accusait en outre publiquement la Migros de se faire de la pub sur le dos de l'Euro2008 en proposant des jeux en marge de la compétition (du genre "championnat des supporters", à la télévision) alors qu'elle avait été écartée du choix des sponsors officiels de la compétition au prétexte que les distributeurs ne constituent pas un bon partenaire pour ce genre d'événements. De leur côté, les responsables de l'organisation des à-côtés de l'Euro2008 à Genève commençaient à trouver l'UEFA et Euro2008 S.A. un tantinet encombrantes, procédurières, maniaques : "des dizaines de pages de document réglementent le moindre détail". Et "Le Temps" de se demander (le 17 décembre) si, "à force d'obstination mercantile", l'UEFA ne serait pas en train de dresser contre elle "une grande partie de l'opinion publique". Certes. Mais c'était juste un peu tard pour se poser la question.
Le coordinateur de l'Eurofoot pour Genève, Michael Kleiner, et les fonctionnaires impliqués dans l'organisation du machin, se donc mis, deux mois avant le raoût, à critiquer l'UEFA et les conditions qu'elle imposait aux villes hôtes. Des conditions tellement draconiennes que les autorités genevoises ont pris une décision dont l'héroïsme impressionne : tenir leurs "événements promotionnels" sur la plaine de Plainpalais, et pas dans le Stade de la Praille, vu que l'UEFA, qui s'est arrogée la maîtrise de cette espace payé par la collectivité imposait des tarifs de location prohibitifs (une réception coûtant jusqu'à 3000 balles par invité). Les représentants de l'UEFA "arrivent avec des contrats fleuves où tout est prévu et imposé : clause sur la sécurité, sur la décoration, sur la publicité. Les autorités signent et (les représentants de l'UEFA) décident de tout". Et Michael Kleiner, un tantinet jésuite, de s'interroger : "Comment expliquer aux contribuables (genevois) que nous utilisons leur argent pour louer à des prix prohibitifs des surfaces dans leur propre stade, via une société mandatée par l'UEFA afin de vendre des espaces (...) qui, en réalité, appartiennent (aux Genevois)". Et alors ? Qu'est-ce que c'est que ces scrupules tardifs ? Comment a-t-on expliqué aux Genevois qu'on allait pomper des dizaines de millions dans les caisses publiques pour construire un stade inutile ? On ne leur a rien expliqué du tout, on s'est contenté de leur bourrer le mou en affirmant que le stade était indispensable, qu'il ne coûterait rien et qu'il serait toujours plein...

L'UEFA a aussi fait raquer les sponsors (ils servent à ça, d'ailleurs). La firme horlogère vaudoise Hublot a ainsi payé entre trois et cinq millions pour être, avec Coca-Cola, l'UBS et les chocolats Ferrero, sponsor national suisse de l'Euro. Mais Hublot, au moins, a décidé d'offrir les espaces publicitaires qu'elle a acheté à l'organisation "Football contre le racisme en Europe" (FARE), qui il est vrai a beaucoup de boulot pour civiliser les supporters de foot. L'exemple de Hublot devrait être suivi : on attend donc que l'UBS offre désormais ses espaces publicitaires à la Banque Alternative, Coca Cola aux associations de lutte contre la malbouffe et Ferrero à la fondation Max Havelaar.
Les sponsors de l'Euro2008 n'étaient pas contents : des entreprises (et pas les plus petites : Swiss, par exemple, ou Migros) récupéraient le bruit médiatique autour de l'Euro pour en tartiner leurs propres campagnes promotionnelles (Swiss s'intitulait "compagnie aérienne officielle des fans", Migros organisait un "Euro des supporters"...). L'UEFA avait carrément exigé de la Suisse qu'elle adopte une loi contre le marketing sauvage pendant l'Eurofoot, c'est-à-dire l'exploitation de la compétention sportive sans, crime de lèse-majesté, versement de royalties à l'UEFA. Mais, surprise : les exigences de l'UEFA n'ont pas été entérinées par la Suisse officielle, et la loi contre le "marketing sauvage" avait sombré en procédure de consultation. L'UEFA a donc dû intervenir elle-même auprès de 430 entreprises pour leur demander de cesser d'utiliser l'image de l'Eurofoot. Dure est la loi du marché dans la jungle du sport pognon.

Ayant fait raquer ses sponsors, l'UEFA les couve ensuite, et va jusqu'à les protéger comme une hypothétique indépendance de comportement des spectateurs des matches : la porte-parole de l'UEFA, Pascale Vögeli, a rappelé en mai que tout détenteur d'un ticket d'entrée pour un match avait noué une "relations contractuelle" avec l'UEFA, que pendant le tournoi les stades accueillant les matches devenaient juridiquement des spaces privés dont l'UEFA usait à son gré, selon ses règles. On ne pouvait être plus clair. Et donc, si un groupe de supporters arborait des accessoires portant le logo de marques qui n'étaient pas des sponsors officiels du tournoi, lesdits supporters pouvaient se voir confisquer ces accessoires. l'EUFA avait même prévu d'expédier des "contrôleurs" dans les "Fan zones" et les lieux de retransmission publique, pour y faire régner l'ordre des marques. Big Sponsor is watching you.
A Bâle, un petit brasseur local, Istvan Akos, avait décidé de distribuer des T-shirt à l'effigie de sa propre marque, "Unser Bier", pendant l'Euro, y compris dans les zones soumises au monopole visuel des sponsors (en l'occurrence, la bière Carlsberg). Intervention immédiate de l'UEFA : les gens qui porteront ces T-Shirts seront carrément interdits d'entrée dans les zones officielles. Istvan Akos a également sillonné le Rhin, sous les yeux du public (qui applaudissait) et des organisateurs, sur un rafiot aux couleurs de sa bière. On aurait aimé que le brasseur de la bière "Calvinus" en fasse autant à Genève mais bon... Toujours à Bâle, où trois restaurateurs ont été punis par la fermeture de leurs terrasses pour avoir refusé de vendre la bière-sponsor, de petites fêtes de "résistance" au diktat du sponsor ont été organisées, et une Conseillère nationale verte a ouvert un "jardin à bière" pour signifier que Bâle est "plus que seulement de la Carlsberg".
Même la police genevoise s'est fait engueuler par l'UEFA : elle avait fait confectionner (pour ses collaborateurs) des T-Shirts et des casquettes aux couleurs de l'Euro2008 par un fabriquant que l'UEFA n'avait pas autorisé à utiliser son logo. L'opération a coûté 10'000 balles, pour 500 T-Shirt et 300 casquettes. La police devra utiliser ses fanfreluches à d'autres occasions, ou les distribuer gratuitement.

L'UEFA ayant décidé de produire elle-même les images télé des matches, elle entendait se substituer à l'organisme suisse de défense des droits d'auteurs, la SUISA, et attribuer ses propres licences pour la retransmission des matches de l'Euro2008, parallèlement à la SUISA. Parallèlement, mais à un prix explosé : la SUISA accordait des licences à 160 francs pour l'ensemble des compétitions de l'Euro2008, l'UEFA voulait taxer jusqu'à 200 balles... mais par match. Las ! Elle a été déboutée par le Tribunal administratif fédéral.
Si l'UEFA n'a pas été autorisé à attribuer ses propres licences pour la retransmission des matches, elle a tout de même réussi à choisir ce qui sera retransmis. En clair : à sélectionner les "bonnes" images (celles qui lui servent" et les "mauvaises" (celles qui risquent de déplaire). Les télés nationales suisse et autrichienne ne pouvaient, éventuellement, transmettre leurs propres images que dans leur pays. Résultat : Des images de supporters croates allumant des feux de bengale pendant le match Allemagne-Croatie, ou d'un supporter croate pénétrant sur le terrain et oursuivi par des flics, ont été censurées. Et les télés nationales suisse et autrichienne ont râlé contre cette censure. Après en avoir accepté, sinon le principe, du moins l'éventualité. Cocus et faux derches, donc. De leurs molles protestations, l'UEFA n'avait de toute façon cure : son porte-parole expliquait suavement dans "Le Temps" du 17 juin que "le vrai débat est celui de ces petites télévisions publiques qui n'ont plus beaucoup de ressources et deviennent dépendantes des producteurs d'images sportives", comme l'est désormais l'UEFA. Le directeur de l'information à la télé publique autrichienne a déclaré que les télés publiques devaient "réfléchir si (elles allaient) continuer à accepter" cette situation...que personne ne doute que sa télé va, comme toutes les autres, continuer à accepter. Jusqu'en 2004, les images des Eurofoots étaient produites par l'Union européenne de radiodiffusion (UER). L'Euro2008 a été le premier où les images étaient produites directement par l'UEFA, qui a créé une filiale, UMET-UEFA, gérant les aspects techniques et mettant le matériel à disposition.
Le premier test après l'Euro a été celui des JO de Pekin. Parce que là aussi, l'organisateur (le CIO, comme l'UEFA) se fait producteur d'images. Il a créé avec le comité d'organisation des jeux une organisation (le BOB, Beijing olympic broadcasting) qui va produire le signal télévisuel fourni aux chaînes qui détiennent les droits de diffuser.

Après plusieurs mois de bras de fer, la Confédération a réussi à imposer à l'UEFA le principe de la fiscalisation des primes reçues par les joueurs des équipes en lice en Suisse pendant l'Euro : elle les imposera à hauteur de 20 % sur les primes reçues au cours de la compétition. L'UEFA demandait à ce qu'ils soient carrément dispensés de taxation sur leurs primes. Or les montants en jeu méritent tout de même un minimum d'attention du fisc : chaque équipe qualifiée recevra de l'UEFA 7,5 millions d'euros pour sa participation au tournoi, plus un million par victoire, plus deux millions pour les quart de finales, trois millions pour les demi-finales et 7,5 millions pour le vainqueur...
Cela dit, c'est pas avec le produit de l'imposition des joueurs qu'on va remplir les caisses publiques : le montant total des recettes fiscales que pourraient toucher l'Autriche et la Suisse se situera, modestement, entre quatre et huit millions de francs. Même pas ce que coûte à la Confédération (dix millions) la campagne de marketing de "Suisse Tourisme"...
Les joueurs, pourtant, recevront (du moins certains d'entre eux) de jolies primes: les Turcs recevront chacun environ 725'000 francs pour avoir réussi à aller jusqu'aux demi-finales; les Russes, qui sont dans le même cas, recevront 195'000 francs. Eliminés en quart de finales, les Croates toucheront 486'000 francs. Les Espagnols, vainqueurs du tournoi, recevront, eux, 347'000 francs -et les Allemands, qu'ils ont battus, à peu près autant.

Quant à l'UEFA elle-même, rappelons qu'elle ne paie pas un sou d'impôt, en tant que "société d'utilité publique". Statut que l'administration fédérale des contributions semble vouloir lui contester, comme à d'autres fédérations du sport professionnel (la FIVB -Volleyball- ou la FIG -gymnastique) au prétexte mesquin que la moitié de son chiffre d'affaire 2008 (trois milliards de prévus) proviendra de la commercialisation de droits TV, qu'il s'agit donc d'une activité économique et que ça exclut l'exemption d'impôts. Du coup, mobilisation générale chez ces philanthropes : si vous nous imposez, on part ailleurs ousque y'aura pas d'impôts à payer. Une soixantaine de fédérations et associations sportives internationales ont leur siège en Suisse, dont une quarantaine dans le canton de Vaud, qui s'inquiète : les retombées économques de leur présence sont évaluées (à la louche) à 200 millions par an, et elles emploient un millier de personnes -qui sont imposées comme contribuables individuels quand elles habitent en Suisse. En mars 2006, la Conseillère nationale vaudoise Géraldine Savary (PS) déposait une initiative parlementaire demandant la publication des bilans annuels, des salaires des dirigeants et de l'échelle des salaires des organisations sportives internationales implantées en Suisse. En octobre 2007, cette proposition était rejetée par la Commission de l'économie du Conseil national, mais à une seule voix de majorité, ce qui laissait craindre au gouvernement vaudois une acceptation en plénière, d'où un lobbying insistant auprès des parlementaires fédéraux, sur le thème : "touchez pas aux vaches sacrées sportives".

Malgré ses déboires dans la crise des "subprimes", l'UBS avait encore du pognon à foutre en l'air, mais pas trop, tout de même : Elle sponsorisait les "amphithéâtres de l'Euro", dits "UBA Arena", installés dans seize villes suisses pendant un mois (en Romandie : à Bienne, la Chaux de Fonds, Lausanne, Nyon et Sion), mais les groupes qui y jouaient devant 5000 à 6000 personnes au maximum (dont 1200 places assises payantes, entre onze et seize balles) n'étaient pas payés, au motif que ces machins étaient "un tremplin pour se faire connaître"."Tout a été investi dans les infrastructures", y'a plus un rond pour payer les artistes, expliquait le porte-parole de l'organisateur. On pouvait pas demander un chti coup de main à "Chauffe Marcel" Ospel, l'ex-patron de l'UBS à plus de 20 millions annuels de salaires et gratifications diverses ?
Les concerts des "UBS Arena" ont d'ailleurs été revus à la baisse, pour cause de nuisances sonores, et ne duraient plus qu'une demie-heure avant les matches, priorité étant donnée à un programme télé spécialement produit par la SSR, "Arena TV", qui, lui, durait 70 minutes.
Les UBS Arena ont produit un intéressant règlement pour leurs parcs à bestiaux : y étaient interdits les cloches, les mégaphones, les klaxons à gaz, les crécelles, les parapluies, les caméras vidéos, les boissons autres que celles des marques des sponsors. Il était également interdit de se tenir debout sur les places assises, de répandre des liquides, de faire ses besoins hors des toilettes (on pouvait chier dans son froc, quand même ?). Il était en revanche prescrit de trier ses déchets et de se soumettre à la fouille. Pas de doute, l'Eurofoot, ça va être une grande fête populaire.

Les retombées économiques de l'Eurofoot ne sont pas quantifiables, estiment l'institut zurichois BAK et le secrétariat autrichien à l'économie : l'événement ne devrait pas faire augmenter le produit intérieur brut de la Suisse et de l'Autriche, ni le PIB genevois, de plus de 0,1 % (un pour mille, donc, mais l'Union industrielle autrichienne espère que ça montera à 0,21 %, et le cabinet Rütter+Partner suggère une fourchette de 0,14 à 0,18 % duPIB, soit entre1,1 et 1,5 milliard), ce qui relativise beaucoup les promesses faites et les assurances données pour justifier l'organisation du machin en Suisse ("ça va doper l'économie !"). Et non seulement l'Eurofoot n'amènera, dans le mailleur des cas, que un pour mille de PIB de plus (un effet "quasiment invisible" et "à peine quantifiable" à l'échelle macroéconomique, selon Rütter+Partner), mais l'effet sera ponctuel : les emplois créés seront temporaires, comme les dépenses supplémentaires de consommation. Quant aux rentrées fiscales, l'Union industrielle autrichienne les estime à 25 millions, et Rütter+Partner entre 80 et 110 millions (entre Confédération, cantons et communes). Soit bien moins que le coût de l'Eurofoot pour les caisses publiques. A Genève, les retombées économiques mesurables et directes de l'Eurofoot, c'est-à-dire celles amenées par les "visiteurs" et les dépenses supplémentaires des indigènes, devraient se situer entre 22 et 40 millions. Soit de toutes façons moins que ce que l'"événement" aura coûté aux caisses publiques municipales et cantonales genevoises, entre subventions directes et indirectes, dépenses de sécurité et de voirie, heures supplémentaires du personnel public mobilisé, aménagement des parcs à bestiaux de Plainpalais et du Bout-du-Monde, adaptation du stade aux exigences de l'UEFA etc...
A Genève, le "laboratoire d'économie appliquée" de l'Université situe le chiffre d'affaire net, direct et indirect, de l'Euro dans une fourchette de 70 à 110 millions, la création de valeur ajoutée entre 40 et 60 millions, et les rentrées d'impôt direct(canton et commune) entre 2,1 et 3,1 millions. Une poussière, un vingtième, en gros, de ce que le machin aura coûté aux caisses publiques (16,6 millions sur le budget cantonal, huit millions pompés dans le fonds d'équipement communal, plus les coûts liés à la mobilisation des services publics...)
Sitôt l'Eurofoot terminé, on a commencé à faire les comptes dans les villes-hôt es. Et A Bâle, on s'est aperçu que si les fast-food et bistrots du centre-villes ont vu leur chiffre d'affaire augmenter, les restaurants ont vu le le leur baisser de 15 à 30 %, voire 50 %, et qu'au total, seul un établissement sur quatre a tiré profit de l'Eurofoot. Même constat à Zurich et à Berne. Et aussi à Genève (et dans la région), où l'on estime déjà que les hôtels n'ont pas vu leur chiffre d'affaire s'accroître : ils étaient déjà remplis par la conférence annuelle de l'OIT, et une bonne partie des supporters (ceux des pays d'où provient l'immigration genevoise, les Portugais et les Turcs, notamment) ont logé chez des parents ou des amis. En réalité, les résultats ont même été mauvais. Sauf à Bâle, le nombre de nuitées vendues en Suisse a diminué de 2,6 % en juin 2008 par rapport à juin 2007. A Genève, le recul a atteint 4 %, à Zurich 4,8 %, à$ Berne 12,7 %. A Bâle, elles ont certes augmenté de 3,6 %, mais uniquement grâce à celle passées dans les hôtels les plus bas de gamme (une étoile), qui sont aussi les seuls à avoir vu le nombre de leurs nuitées augmenter à Genève (de 1 % par rapport à juin 2007 pour les deu étoiles). Le président de la société des hôteliers genevois se dit très surpris, le directeur de Genève Tourisme pas vraiment déçu.
Par ailleurs, selon le Secrétariat d'Etat suisse à l'économie, l'Euro2008 aurait du faire monter le cours du franc suisse par rapport au dollar et à l'euro, du moins si les prévisions de 1,4 million de visiteurs étrangers, d'un milliard et demi de chiffre d'affaire et de 7300 emplois temporaires créés s'étaient réalisées.
Finalement, les organisateurs, forcément (auto)satisfaits, de l'Eurofoot helvéto-autrichien ont annoncé que la durée moyenne du séjour des visiteurs des stades a été de 3,4 nuits en Suisse et 3,6 en Autriche, et qu'ils ont dépensé chacun 2189 francs en Autriche et 1621 francs en Suisse.

Fin juillet, l'UEFA, elle, criait victoire. Elle pouvait : l'Eurofoot a généré des recettes records de 2,14 milliards de francs, soit 50 % de plus (ou près d'un milliard de plus) qu'au Portugal en 2004. Les seuls droits de retransmission télévisée ont amené 1,3 milliard (les marches ont été suivie en moyenne par 155 millions de téléspectateurs). Le sponsoring et le merchandising ont ramené 461 millions, le programme "VIP" our les enreprises 215 millions, la billetterie la plus petite part : 149 millions. Ce qui confirme que l'Eurofoot n'était pas une manifestation sportive, mais un bazar commercial (tant pis pour le pléonasme). Le bénéfice net atteint 412 millions. Quelle part pour la Suisse et l'Autriche ? Rien. Ou alors une "image positive" (qu'elle avait déjà) et les "retombées financières" de l'installation de l'UEFA sur son sol (Eurooot ou non). L'Eurofoot a coûté au moins 180 millions aux collectivités publiques suisses (Confédération, cantons, communes), dont au moins 72 millions à la Confédération. A Genève, les collectivités publiques y auront claqué une trentaine de millions.

Finalement, c'est Adidas qui a remporté la coupe : le fabriquant de cothurnes sportives sponsorisait cinq équipes (Allemagne, Espagne, France, Grèce, Roumanie), dont la tenante du titre (la Grèce) et les deux finalistes (l'Espagne et l'Allemagne). Nike en sponsorisait autant (la Croatie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie et la Turquie), comme Puma (l'Autriche, l'Italie, la Pologne, la Suisse et la République Tchèque), et Umbro sponsorisait la Suède). On croit que l'Eurofoot oppose des équipes nationales de foot ? Ben non : ça oppose des fabriquants de godasses. Nike a payé 69 millions pour pouvoir être le sponsor de l'équipe de France entre 2011 et 2018 (les Français étaient sous contrat avec Adidas), et Adidas espère en 2008 un chiffre d'affaire, pour ses seuls produits "foot", de près de deux milliards de francs.

22 octobre 2008

Eurolex

Le plan des zautorités pour l'Euro2008 à Genève, plan subtilement nommé "Eurolex" (sed lex), et présenté par le Conseiller d'Etat Mark Muller, prévoyait des mesures indispensables (du genre gobelets en plastique obligatoires sur les terrasses -fallaiz se balancer directement les cannettes et les bouteilles à la gueule), la mobilisation des agents de sécurité municipaux pour la circulation routière, des ouvertures vespérales et dominicales de magasins (jusqu'à 20 heures en semaine, 19 heures les samedis, de 11 à 17 heures le dimanche) et cafés (dans lesquels on pourra fumer). Les chauffeurs de taxi, les hôteliers et les douaniers étaient invités à suivre gratuitement une formation pour apprendre à améliorer leur contact avec les touristes. Les prix des boissons étaient déplafonnés : une majoration était autorisée si elle est affichée. En tchèque, en portugais et en turc ?
Les syndicats UNIA et SIT estimaient que les patrons genevois du secteur du commerce de détail utilisaient le prétexte de l'Eurofoot pour " tenter de créer de nouvelles habitudes de consommation ", lancer "un ballon d'essai" (une baudruche de plus, quoi) en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche. et que le Conseil d'Etat " sert les intérêts des commerçants du canton au détriment des employées et employés de la vente " en faisant "un pas supplémentaire en direction d'une libéralisation future des horaires des magasins". C'est bien vu. Et ça ne surprend pas : les zautorités genevoises s'étant mises à plat ventre devant l'UEFA, on ne voit pas pourquoi elles se seraient redressées devant les commerçants locaux. Le syndicat UNIA annonce "d'inévitables violations des droits des travailleurs". Le 15 juin, le syndicat organisait une action pour rappeler ce qu'est (ou ce qu'était) le repos dominical. On appelle les travailleurs à la messe et au culte ? UNIA et le SIT avertissaient : pour les employeurs de la vente, le " ballon d'essai à l'occasion de l'Euro 2008 risque bien de se transformer en auto-goal ". Ouais. En attendant, ce sont les travailleurs qui se sont pris un penalty. Justifiant l'ouverture prolongée des magasins pendant l'Euro, le porte-parole de la Fédération des artisans et commerçants genevois, Eric Markus, la minimisait : "Il s'agit d'un ballon d'essai"... Encore un ? Levez-vous, orages désirés...

En plus des travailleurs mobilisés pour l'ouverture vespérale et dominicale des magasins, l'Euro a mobilisé des bénévoles. Même pas payés, ceux là, pour assurer notamment l'accueil, la prise en charge, le transport des invités... Si on avait payé cette main d'oeuvre, on aurait du débourser une vingtaine de millions de francs, soit moins de 1,5 % des recettes estimées de l'Euro. Mais on allait tout de même pas écorner ces recettes pour payer des gens qu'on espère pouvoir employer à l'oeil...
Fin février, sur les 3000 bénévoles nécessaires en Suisse, il en manquait encore au moins 500, dont plus de 200 à Genève. Le coordinateur cantonal de l'Euro pour Genève expliquait que c'est la faute à l'air du temps (entendez : "la crise du bénévolat dont souffre notre pays"). Ben voyons. C'est sûrement aussi à cause de la "crise du bénévolat" que le nombre de chambres chez l'habitant proposées aux supporters étrangers restait maigre à Genève -et que celles qui sont proposées l'étaient à des tarifs défiant toute concurrence à la hausse (200 euros pour une chambre à Chancy, par exemple...) : pour 280 chambres proposées à Bâle et 261 à Berne, début janvier, on n'en recensait que 91 à Genève -et encore : la moitié provenant de Vaud, Fribourg ou de France... Finalement, à Genève, un peu moins de 400 bénévoles ont accompli plus de 15'000 heures de travail.
Quant au président de l'UEFA, Platoche, il invitait "ceux qui ne souhaitent pas faire du bénévolat" à "s'abstenir, ou demander à être salariés". C'est cela, demandez toujours, on vous écrira... Finalement, 500 "volontaires" de l'UEFA âgée de 18 à 81 ans ont pu être recrutés à Genève et ont été chaleureusement remerciés pour leur engagement par les organisateurs de l'Euro. Qui en effet peuvent les remercier -comme n'importe quel Marabout peut remercier l'andouille qu'il a escroqué.

Trois étudiantes engagées par une agence d'intérim (Top Conseil) comme barmaids intérimaires dans les Fan Zones de Plainpalais et du Bout du Monde ont été licenciées par téléphone après moins d'une semaine de travail. Elles avaient un contrat (on appelle ça comme ça) prévoyant deux jours de préavis de licenciement. Le contrat a donc été respecté. Au Bout-du-Monde, vu le résultat calamiteux de la fréquentation et du petit commerce, les intérimaires se sont fait licencier au fur et à mesure que les stands quittaient le "Fan village" déserté. La différence entre le salariat et le bénévolat, à l'Eurofoot, était assez ténue. La différence entre la sélection et la xénophobie aussi, d'ailleurs : huit jeunes noirs inscrits comme barmens intérimaires ont été recalés, et tout indique qu'ils l'ont été pour délit de couleur de peau. Dans le bureau de recrutement du personnel intérimaire, l'un d'eux a pu voir, placardée, une liste de personnel potentiel, sur laquelle tous les noms à consonnance africaine étaient tracés, sur instruction de la société "événementielle" APSA (le client du recruteur), pour qui il y avait "trop de blacks" dans le personnel potentiel. Un proche d'un candidat "black" recalé aurait en outre vu les photographies de 17 personnes non engagées : parmi elles, 13 "blacks".

Les commerçants locaux avaient trouvé dans l'Eurofoot le prétexte idéal pour étendre leurs horaires d'ouverture, le Centre commercial de la Praille, lui, s'est carrément mis au service de l'UEFA : il mettait à sa disposition l'ensemble de ses salles de conférences, son "Event Center", son parking et 500 mètres carrés de locaux. Mais le centre commercial a dû être fermé pour répondre à l'exigence de l'UEFA de ne pas concurrencer ses "marques officielles".

11 octobre 2008

Roro, reviens !

Acharnement thérapeutique au chevet d'un club moribond :
Roro, reviens !

Le Président de l'association du FC Servette, Francisco Vinas, a démissionné de son poste après avoir été conspué par les ultimes supporters du club et menacé physiquement par les plus crétins d'entre eux. Il était à la tête du club depuis la faillite de 2005. Rampant à la dernière place du classement de la " Challenge league " (en anglo-zurichois dans le texte), menacé de se retrouver en Première Ligue (en français dans le texte, mais ça doit être une erreur), le FC Servette n'a plus de président. Et une foultitude de bonnes âmes (dont not'bon Maire et le commis de régie du Conseil d'Etat) qui, apparemment, n'ont rien d'autre à foutre, s'agitent pour lui en retrouver un. Ce qui, à défaut de signaler une urgence quelconque, indique au moins que ce club sans supporters, sans public, mais avec un stade trente fois trop grand pour lui, est incapable de se sortir tout seul du merdier où l'ont plongé les incomparables gestionnaires qui étaient à sa tête. Il n'est apparemment apparu à personne l'évidence qu'on pouvait laisser le Servette se démerder tout seul. On ne voit pas ce que les " politiques " ont à faire dans cette histoire, mais on se demande déjà combien, après les dizaines de millions balancés dans le trou du stade, puis dans l'Eurofoot, le fétichisme " sportif " va encore coûter à la République et à la Commune.

Faute de Balzac, du Labiche.
De Luscher à Vinas en passant par Roger, les présidents successifs du FC Servette nous ont dessiné un joli tableau, une sorte d'échantillonnage de la comédie humaine genevoise : un politicard démagogue, un batteur d'estrade, un brave homme dépassé par les événements. Un Balzac en aurait fait une fresque -mais il aura fallu se contenter d'un sous-Labiche, un scénariste de série télévisée de fin d'après-midi. Quand un feuilleton s'enlise, que les personnages deviennent pitoyables, que l'intrigue se désagrège, les producteurs de " soap operas " ont généralement recours à une recette éprouvée : faire ressusciter un personnage qui dans les épisodes précédents avaient disparu de la circulation. Et là, avec le feuilleton du Servette, on l'a, le personnage qui pourrait redonner du tonus à une série calamiteuse : Roro le Magnifique, Marc Roger soi-même, celui à qui les Luscher et autres Carrard avaient vendu le FC Servette pour un franc symbolique. Celui qu'on a coffré pendant deux ans pour le condamner ensuite aux deux ans qu'il avait déjà fait. Au moins, avec Roro, on se marrait. Et son passage aura eu le mérite de mettre en évidence ce que le sport d'élite est devenu. Des trois présidents successifs du FC Servette, le premier fait une carrière politique, le second a fini au tribunal, et le troisième, le plus honnête des trois, a démissionné. Et après lui, qui ? un ancien joueur professionnel français passé dans l'immobilier ? Une famille d'investisseurs iraniens ayant déjà réussi à couler un club autrichien ? un successeur d'Alain Morisod à la tête d'UGS ? On attend avec gourmandise…

26 septembre 2008

EUROT 2008 : BURP...

Le droit de manifester a été fortement restreint pendant l'Eurofoot : le Département des Institutions a édicté une directive stipulant que, sauf exception, aucune manifestation imprévue ne serait autorisée sur la voie publique en juin, compte tenu de la mobilisation des forces de police autour de l'Eurofoot et de ses à-côtés. En Ville, des manifestations régulières (la Fête de la Musique, les Promotions) ont certes été maintenues, mais toute nouvelle demande de manifestation d'importance allait être refusée, et des manifestations prévues (y compris des tournois de foot) ont été déplacées (Pro Velo), repoussées (Gena Festival à Avully) ou suspendues (la Ville est à vous). " Le droit constitutionnel de manifester sera maintenu ", assurait un porte-parole du département des institutions, qui ajoutait cependant que " chaque demande sera examinée attentivement ". la Ville a annoncé qu'elle donnerait son accord pour de telles manif's imprévues provoquées par les tumultes du monde, mais à la condition que le canton soit d'accord.

Etat de bain de siège
Engouement forcé, joie obligatoire, jubilation tarifée, pompe à fric aspirante mais pas refoulante… l'Euro2008 avait déjà tout pour plaire. Au cocktail de ramdam médiatique, de racket financier et de privatisation de l'espace public, il ne manquait que la petite touche finale de paranoïa politico-policière. Ce fut fait : pendant les festivités dictées par l'UEFA (et financées, sur ses instruction péremptoires, par les caisses publiques), les manifestations de rue ont été, sauf exceptions, purement et simplement interdites. Pendant l'Euro, la vie du monde est priée de s'arrêter, la solidarité internationale aussi, la défense des droits fondamentaux de même (qu'on se rassure cependant : si les manifestations politiques de rue étaient interdites à Genève pendant l'Eurofoot, Genève n'allait pas se priver d'en dénoncer l'interdiction à Pékin pendant les Jeux Olympiques). La grosse baudruche flottant (quand le vent ne souffle pas à plus de 30 km/h) au dessus du jet d'eau était décidément bien à l'imagede la " grande fête du foot " : gonflée, coûteuse, ridicule, tenant à de gros cordages mais défaillante au moindre souffle de vent. Cette baudruche était une lanterne éclairant Genève en état de siège -comme on le dit d'un bain.

20 septembre 2008

Procès de Marc Roger : Le Bouc-émissaire en son enclos

Or donc, le procès du bouc-émissaire de la faillite du Servette, de celle de la société d'exploitation du stade, de la sous-occupation endémique dudit stade et de la relégation du Servette en ligue folklorique, s'est ouvert le 1er septembre devant le Correctionnelle. Outre le Parquet, pas moins de quinze avocats veulent la tête de Roro (et de Roro tout seul), au nom d'une vingtaine de joueurs qui, comme quelques notables locaux (Luscher, Carrard), jouent les andouilles et plaident la connerie : " on savait pas ", " on a été trompés ", " on n'a rien compris ".. Crédible ? Peu importe : quand on a un bouc-émissaire, on ne cherche plus de responsables..

Roro et les cloches
Selon ses accusateurs, Marc Roger aurait donc, tout seul avec ses petites mains, sa petite pelle et son petit seau, creusé dans le FC Servette un trou de 17 millions entre l'été 2004 et le début 2005. Il aurait fait preuve d'une " ambition démesurée et hasardeuse sur l'avenir du club " (il n'était pas le seul), se serait montré beaucoup trop optimiste sur le sponsoring et sur le nombre de spectateurs attirables dans le stade (est-ce qu'on pourrait nous rappeler le nom de tous les vendeurs de savonnettes qui nous assuraient qu'un stade de 30'000 places, c'était ce dont Genève avait besoin ?). Roro risque sept ans de gnouf (il en a déjà fait presque deux en préventive). Ceux qui lui ont refilé Servette, et ceux qui ont imposé à Genève un stade inutile et bouffeur de millions, ne risquent en revanche rien du tout. Sauf le ridicule, qui ne tue plus personne depuis longtemps. Surtout politiquement. Ce sont eux, pourtant, qui ont creusé l'essentiel du trou et laissé à Roger, pour un franc symbolique, un club en état de faillite. Mais ceux-là, les Luscher et les Carrard affirment hautement leur incompétence : " on s'est fait avoir par le Marseillais, putaing cong ! ". Une fois le procès terminé, et Roro condamné d'avance (on ne va jusqu'en Espagne rechercher un bouc-émissaire pour le relâcher ensuite dans la nature), il se passera quoi ? Rien que de très rituel. On ne prend pas forcément les mêmes, mais on recommence les mêmes conneries : main dans la main pour " sauver le Servette et le stade ", alors que c'est au Servette de se sauver tout seul et que le stade n'est pas sauvable, Manu et Mediamark sonnent le branle-bas. Mais quitte à donner dans la sonnerie, c'est le glas qui devrait s'imposer.

12 septembre 2008

Le stade de la Praille est au bord du gouffre ? Faisons lui faire un grand pas en avant !

La Fondation du Stade de Genève est en état d'insolvabilité : le gigantesque trou financier creusé à la Praille, et dans lequel les collectivités publiques (Confédération, canton, communes) ont déjà englouti 60 millions de francs, continue de s'approfondir. Et ceux qui l'ont creusé d'attendre qu'on y balance de nouveaux fonds publics. Il manque deux millions par an pour couvrir les coûts d'exploitation et les frais d'entretien du stade… et en gros 29'000 spectateurs chaque semaine pour le remplir. La " Tribune de Genève, fervente partisane du stade depuis des années, titre sur ses affichettes : " Le stade de Genève au bord du gouffre ". Et c'est une ânerie de plus. Le stade n'est pas au bord du gouffre -il est le gouffre.

Le mammouth et le Bouc-émissaire (fable genevoise)
Le mammouth de la Praille barrit après son fourrage : il a déjà coûté 140 millions (plus du double de ce qui était prévu), les collectivités publiques (Confédération canton, Ville, communes) y ont déjà déversé soixante millions, mais il lui manque deux millions pour boucler l'année, et il lui manquera toujours plusieurs millions pour boucler chacune des années que l'on consentira à lui laisser vivre. Et l'habitude en ayant été prise, ce sont vraisemblablement les fonds publics qui paieront le fourrage de la bête. Au nom de l'utilité publique. Mais il y a beau temps que les stades ne sont plus que les accessoires encombrants et coûteux de centres commerciaux superfétatoires mais, eux, rentables. Car aucun stade n'est rentable. Le football n'est une activité rentable que pour les margoulins qui s'y greffent comme des morpions sur les bas morceaux du bas clergé. Ce qui est rentable, c'est ce qu'on organise autour, et qu'on vend autour du foot et des stades : Pour Jelmoli, la construction du stade de la Praille a été le moyen de faire avaler celle de son centre commercial. Objectif atteint, et Jelmoli satisfaite : le stade est vide, mais le centre commercial est plein; le stade est un gouffre financier, mais le chiffre d'affaire du centre commercial devrait atteindre 190 millions de francs en 2008… Jelmoli encaisse, le stade coûte. Tout a été fait pour qu'on le construise, tout sera fait pour éviter qu'on abrège ses souffrances -et les nôtres, alors que l'acte le plus intelligent que l'on puisse commettre à son égard serait de le détruire. Il ne manque plus que quelques écrans de fumée médiatique pour voiler les responsabilités de la nomenklatura genevoise : Le 1er septembre s'ouvrait au Palais de Justice la cérémonie de sacrifice du bouc-émissaire officiel des turpitudes sportivo-financières de la République : Marc Roger passait en jugement. Marc Roger, et deux comparses, mais pas Christian Luscher, ni Alain Rolland, ni la palanquée de "responsables" politiques enrôlés dans la troupe des pom-pom girls du stade.

09 septembre 2008

MAIN BASSE SUR LA VILLE PRIVATISEE

Les matches de l'Eurofoot se sont joués dans des villes " hôtes " de Suisse et d'Autriche que leurs autorités, les autorités de leurs cantons et provinces et les autorités de leurs deux pays ont littéralement " louées ", à défaut sans doute de pouvoir les vendre, à l'UEFA, à ses sponsors, et aux " mandataires " plus ou moins prébendiers choisis pour les " animer " (et animer toutes les autres villes du pays, grâce par exemple aux " UBS Arena " ayant métastasé un peu partout). Mais cette privatisation de l'espace public est particulière : alors qu'habituellement, on privatise pour en retirer de l'argent, pour l'Eurofoot ce sont les collectivités publiques qui ont payé pour brader leur propre espace public. Et payé cher. Le brave comte de Sacher-Masoch n'a pas fait à Genève des émules que chez les banquiers privés : chez les responsables politiques aussi. Mais eux survivront.

Hôte-toi de là que j'y mette mon sponsor
Ce que rendit visible l'Eurofoot à Genève (puisque nous y sommes), c'est la perfection d'un processus à l'œuvre depuis l'avènement du " sport-pognon " : ce règne du marketing, du petit et du gros commerce de tout ce qui peut se commercer (légalement ou non), aboutit logiquement à la privatisation de tous les espaces publics disponibles jusqu'à la ville elle-même, devenue marchandise. Dans les espaces publics gardés par des polices privées après avoir été vendus aux organisateurs des jeux du cirque et à leurs sponsors, on ne choisit pas la bière que l'on boit, on ne porte pas un vêtement à l'effigie d'une marque concurrente de celle du sponsor. Et pour que cette privatisation se fasse, se maintienne et puisse se répéter, pour que la ville puisse être vendue, il faut lui donner l'image que l'acheteur souhaite : on la purgera donc de ses mendiants, de ses marginaux, de ses dealers, de ses lieux culturels alternatifs. Ainsi se dessine des modèles de villes, d'habitants, d'activités. Le modèle de la ville, c'est Disneyland. Le modèle d'habitant, c'est le consommateur ne cherchant pas à consommer autre chose que ce qu'on lui offre. Le modèle d'activité, c'est le centre commercial. Et tout cela se fait avec au minimum l'accord, et souvent la participation active et revendicatrice, des autorités élues. " L'ambition souvent fait accepter les fonctions les plus basses : c'est ainsi qu'on grimpe dans la même posture que l'on rampe" disait Jonathan Swift. Rien n'a changé -sinon que l'on ne grimpe plus que dans les loges VIP, dans la même posture que l'on rampe devant l'UEFA.

30 août 2008

Bonnes pioches

"Le Stade de Genève (...) manque de couleurs. Il a besoin d'être rafraÎchi", déclarait ("Le Matin" du 5 octobre) le président de l'UEFA, Michel Platini.
Ce que Platoche voulait, Genève fit. Le stade a été rafraîchi. Mais au prix qu'il a coûté, qu'il continue de coûter, et qu'il va continuer de coûter aux caisses publiques, c'est pas un stade qu'on rafraîchit, c'est un diamant qu'on retaille.
Et de toute façon, c'est pas rafraîchir le stade qui s'impose, c'est le congeler. Définitivement.

Que restera-t-il du Tibet, des menaces de boycott, des problèmes de pollution, de la question des droits de l'homme et de la censure en Chine lorsque la vasque olympique s'embrasera dans le Stade national de Pékin ? Il y a fort à parier que toutes les polémiques s'effaceront au moment où le spectacle débutera", écrit Edouard Lin, dans le guide TV des JO, supplément à l'"Illustré"...
Il y a en effet des paris qu'il aurait été stupide de prendre : celui-là était perdu d'avance. Le rouleau compresseur médiatico-économico-sportif compresse les états d'âme. Autour des JO de Pekin comme autour de l'Eurofoot à Genève.

Le président du CIO, Jacques Rogge, s'était fait une raison : les mouvements de protestations des associations de défense des droits de l'homme à propos de la tenue des JO en Chine, "nous les subissons et nous les subirons jusqu'au jour de la cérémonie de clôture", déclarait-il au "Monde" (du 16 octobre)
C'est ça, la différence entre les pontes du sport-pognon et les Chinois de base : les premiers subissent les protestations des ONG pendant quelques mois, les autres subissent les violations de leurs droits fondamentaux pendant toute leur vie. Et ça doit être très, très dur, d'être président du CIO et d'être harcelé par Amnesty International...

L'Euro2008 à Genève "est aussi une opération de promotion économique", reconnaît Mark Muller ("Tribune de Genève" du 24 novembre)...
... on aime beaucoup le "aussi"... c'était autre chose ?

On a retrouvé dans nos vieux papiers le texte d'un appel pathétique, lancé par le comité de soutien à Daniel Zappelli lors de l'élection du Procureur général, en avril dernier. Titre de l'appel : "En finir avec les abuseurs et les squatters". Et parmi les signataires : Frédéric Hohl.
Voui, voui, le même abuseur de la naïveté des locataires de stands au Bout-du-Monde, et le même squatter de la Plaine de Plainpalais pendant trois semaines en juin... Pour "en finir avec les abuseurs et les sqatters", Zavatta pourrait commencer par la liste de ceux qui ont contribué à le maintenir sur son fauteuil...

Annonçant les mesures de sécurité à l'entrée de la "Fan Zone" de Plainpalais, "20 Minutes" du 30 mai titre : "Tous les visiteurs de la Fan Zone seront palpés".
... c'est même pas une info : ça fait des années que la Fondation du Stade et l'UEFA (en) palpent.
Quant à Frédéric Hohl, il s'est fait rassurant : "Aucune fouille n'est exigée sur le site ouvert du Bout-du-Monde". Ben non, y'avait personne à fouiller. Ce qui n'a d'ailleurs pas empêché Hohl, lui aussi, d'en palper.
L'Eurofoot, ça a vraiment été palpitant.

"On dit du football que les classes sociales s'y mélangent, que le médecin y côtoie l'ouvrier. Qu'en pensez-vous ?", demande "Le Courrier" (du 7 juin) au directeur du Musée du Jeu de la Tour de Peilz, Ulrich Schader, qui répond : "C'est une vision nostalgique. (...) Aujourd'hui, les pauvres sont debout -s'il y a encore des places debout- et les riches dans les zones VIP. (...) au football, des chômeurs regardent jouer des millionnaires"...
... oui, mais pour le profit de milliardaires.

"On ne peut pas mélanger foot et culture" : ainsi le "Monsieur Eurofoot" de la Confootération Helvétifoot, Benedikt Weibel, a-t-il expliqué le naufrage du "Fan Village" du Bout-du-Monde. Ben non, on ne peut pas mélanger foot et culture. On ne peut en 2008 mélanger le foot qu'au pognon. On peut même l'y mélanger au point de l'y dissoudre. Et de garder le pognon.

Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi, qu'on attendait à Zurich pour le match France-Italie, ne s'y sont pas rendus. Au moins une des deux équipes en lice devant forcément être éliminée de l'Euro, aucun des deux guignols n'a voulu courir le risque d'être ridicule.
Finalement, un truc au moins a bien marché pendant cet Eurofoot : l'éloignement des supporters indésirables.

"Les grandes fédérations sportives tentent de plus en plus de s'assurer la maîtrise de l'image et du son avec leurs propres sociétés de production", sanglotait le directeur général de la SSR, Armin Walpen, après avoir dénoncé la censure exercée par l'UIEFA sur les images de retransmissions de l'Eurofoot...
... mais qui sont les crétins qui négocient avec les "grandes fédérations sportives" des contrats qui leur laissent le pouvoir de censurer les images, hein, Monsieur le directeur général de la SSR ?

Un footeux du "Temps", en l'ocurrence Daniel Jeandupeux, réclamait "une minute de silence" après l'élimination de l'équipe suisse de l'Eurofoot. "Une minute de silence en l'honneur de la mort d'une aventure exaltante".
Ouais, bon, d'accord, mais une minute, c'est pas beaucoup. Un mois de silence pendant tout le mois de juin, ça aurait été mieux.

Ayant pronostiqué une victoire de la Suisse sur la Turquie à l'Eurofoot, les "pipoles" interrogés par l'EuroJulie sont tout contrits au lendemain de la défaite. Et se débrouillent comme ils peuvent pour expliquer pourquoi ils se sont mis le crampon dans l'oeil : Manuel Tornare, légèrement faux-derche, nous dit qu'"en tant que ministre des Sports" il se devait d'être "encourageant". On ne voit pas à qui il le devait (à Spoky ?), mais peu importe, il le devait. De leur côté, carrément prétentieux, Alain Morisod et Loly Bolay nous expliquent que s'ils n'ont pas pronostiqué une victoire turque, c'est "pour ne pas décourager" la Suisse, suspendue à leurs pronostics, et pour qu'elle ait "une chance de rester dans la course"...
Est-ce que quelqu'un pourrait expliquer à tous ces braves gens, maintenant que le soufflé est retombé, que leurs pronostics n'avaient de toute façon aucune influence sur le match et qu'en plus tout le monde se contrefoutait de leur avis ?

Le footeux de service dans l'EuroJulie du 13 juin nous tartine de pathos une page entière sur les lendemains de la décoluttée suisse. Le match de foot perdu par l'équipe de Suisse face à l'équipe de Turquie, c'et quoi ? Allons, n'hésitons pas, c'est un "séisme", un *désastre", pas moins.
Un séisme, un désastre, il y s'en est produit un en Chine, un mois avant. Il a fait 100'000 morts. C'est le même mot que le journaleux utilise pour les 100'000 morts du Setchouan et les onze pingouins de l'Eurofoot.
Allez, on se cotise et on offre un dictionnaire au journaleux pour qu'il trouve ses mots, et une balance pour qu'il les pèse ? Il n'est jamais trop tard pour une campagne d'alphabétisation. Même en faveur des journalistes sportifs.

Le directeur du musée d'ethnographie de Genève, Jacques Hainard, croit pouvoir affirmer (dans "Le Temps" du 7 juin) que "tout le monde joue au foot, n'importe où sur la planète"...
... ben non...

Et Hainard d'ajouter que "la fascination du ballon rond, du dieu ballon, nous amène (...) à l'abdication de la faculté critique"...
... ben non...

Le président de la fédération internationale du foot-pognon, Sepp Blatter, se rengorge dans "Le Matin Dimanche" du 8 juin : "En dix ans, nous avons (...) adapté le marché du foot et de la télévision. Nous faisons davantage de marketing".
On avait remarqué.
Mais Blatter a aussi une âme : pour lui, "le football véhicule de vraies valeurs. Il donne du plaisir, de la joie, de l'espoir et au final de l'amour. Il peut permettre de créer un monde meilleur et plus juste".
Et là, par contre, on n'a rien remarqué.

Dans une lettre qu'il a envoyée début septembre aux Chefs d'Etat de l'Union Européenne, le président de l'UEFA, Platini, les supplie de l'aider à "protéger le football d'un mercantilisme qui l'assaille de toutes parts".
On attend la lettre d'Oussama Ben Laden suppliant les chefs d'Etat de l'aider à protéger l'islam du terrorisme.

"Les opposants au Stade de Genève n'ont jamais hésité à prétendre qu'il était surdimensionné. A plusieurs reprises pourtant, la Praille a affiché complet ou quasi", lit-on dans le supplément promotionnel de l'Eurofoot, encarté le 4 juin dans le quotidien genevois officiel de l'Eurofoot.
L'expression "*a plusieurs reprises pourtant" est particulièrement heureuse (surtout le "pourtant"). Parce que généralement, et sauf exceptions rarrissimes, le stade est vide ou quasi vide.

"Le foot est un sport riche, mais les clubs expliquent que leur rôle est de soigner les joueurs d'élite, pas d'investir dans le foot pour tous", regrette le Responsable des manifestations du Service culture de Lausanne, Nicola Di Pinto, par ailleurs entraîneur des débuts du club de foot Stade Lausanne-Ouchy.
Ben oui, c'est ce qu'on définit plus sobrement comme le "foot-pognon".

"A bien des égards, les nouveaux stades (comme les nouvelles salles de concert) s'apparentent à des 'paquebots urbains', c'est-à-dire des ensemble construits de grande taille fonctionnant sur le mode autarcique vis-à-vis de leur environnement de proximité. La conception urbanistique des nouvelles enceintes sportives (...) se rapproche ainsi de celle des centres commerciaux (auxquels elles sont souvent adossées, comme à Genève et à Neuchâtel) (...) il s'agit d'objets largement déterritorialisés, dont l'accessibilité est assurée par des réseaux de transports rapides (autoroutes et rocades urbaines)."
(Valérie November, Vincent Kaufmann, "*Le Temps" du 27 mai)

Apportant sa contribution au commentaire du " Discours de la servitude volontaire " de la Boëtie, Mark Muller explique (dans " Le Temps " du 27 mai) comment les collectivités publiques se sont couchées devant l'UEFA : " Tous les pays qui ont fait acte de candidature se sont soumis volontairement aux contraintes édictées par l'UEFA. Dès le moment où la Suisse et l'Autriche ont été désignées, les carottes étaient cuites. Tout était verrouillé dans le dossier de candidature ". On ne saurait mieux résumer la situation -sauf à résumer ce résumé par une phrase encore plus sobre : " dans ''consentant'', il y a d'abord ''con'' ".

"J'espère surtout qu'îl fera beau, qu'il n'y aura pas trop de vent et que le ballon géant sera en lévitation sur le jet d'eau", répondait Mark Muller à la question du "Temps" (du 27 mai) : comment vous sentez-vous à onze jours du coup d'envoi de l'Eurofoot ?
Les espérances de Mark Muller sont à la hauteur des enjeux.

Justifiant l'ouverture prolongée des magasins pendant l'Euro, le porte-parole de la Fédération des artisans et commerçants genevois, Eric Markus, la minimisait : "Il s'agit d'un ballon d'essai"...
... Un de plus ? On n'allait tout de même pas devoir se spécialiser dans les appels (au vent, à la grêle, aux bonnes volontés) au dégonflage de ballons à la con...

Dans le discours qu'il a prononcé lors de sa prestation de serment comme Procureur général, Daniel Zappelli a annoncé avoir "demandé à la police" de lui présenter un "plan d'action" contre les dealers de rue, et que ce plan "sera mis en oeuvre dès la fin de l'Euro 2008".
Pourquoi "dès la fin de l'Euro 2008 ?" l'UEFA pouvait être visée si le plan était appliqué plus tôt ?

Fâché contre les "antifooteux", le professeur d'éthique (à Neuche) Denis Müller affirme (dans "Le Temps" du 15 mai) "Prétendre que football égale opium (du peuple) équivaut à postuler que ce jeu nous rends idiots, politiquement et socialement irresponsables"...
... on ne voit effectivement pas ce qui pourrait nous suggérer pareille hypothèse...

"Plus de 10 % des Genevois sont obèses et 60 % des hommes de 35 à 74 ans sont en surpoids", nous apprend la "Julie" du 15 mai...
... finalement, la baudruche planant au dessus de la rade pouv ait symboliser autre chose qu'un ballon de foot : la panse des supporters...

Toute fière d'avoir été retenue comme " Host City Supporter de la Fan Zone Genève " (on ne rigole pas, y'a quand même quelques mots français dans ce titre ronflant), la " Tribune of Geneva " du 14 mai nous a sorti un supplément people surtitré " Tribune Business Lounge " pour nous annoncer qu'elle " va s'impliquer colossalement avant et durant tout le mois de juin " autour de l'Eurofoot, qu'une équipe " Spécial Euro " composée de 20 journalistes a été mise en place pour " couvrir et faire vivre l'événement sous toutes ses facettes " et qu'une " gazette gratuite, la Tribune de Genève de l'UEFA Euro 2008TM " (des Izvestia en plus de la Pravda, donc) sera " distribuée en des points stratégiques du canton ".
Bref, on sentait déjà souffler sur la République l'air frais de l'information libre et objective dispensée par une presse indépendante cultivant l'esprit critique.

"Les clefs du stade de Genève ont été remises à l'UEFA" le 13 mai (date idéale pour les mauvais coups), titrait "Le Courrier" de du 14 mai...
... c'était la moindre des choses, on lui avait déjà donné les clefs de la caisse...

Présentant le dispositif d'accueil des supporters étrangers venant à Genève assister aux matches de l'Euro, le Conseiller d'Etat Mark Muller a déclaré le 18 mars : "Il faudra donner l'envie aux gens de revenir dans la région".
Pendant un mois, on a surtout donné aux habitants des quartiers sinistrés par les Fans Zones et autres parcs à beaufs l'envie de partir...

Organisant en avant-première de l'Euro2008 un "Euro des quartiers" (du street foot pour jeunes de 15 à 18 ans), la Ville de Genève expliquait dans son magazine ("Vivre à Genève") que son ambition est "d'utiliser le football pour stimuler la convivialité et les rencontres en jeunes de milieux différents. Et transmettre bien plus qu'un esprit de compétition, des valeurs sociales comme le travail en équipe, la ténacité, l'acceptation de l'échec"...
Toutes valeurs dont on s'aperçoit tous les jours qu'elles sont, à l'évidence, portées par le sport professionnel en général et le foot pognon en particulier...

"l'UEFA est une association a but non lucratif", a déclaré, sans rire, son président, Michel Platini dans "Le Matin bleu" du 30 avril...
... Il a raison Platoche, c'est pas le but qui est lucratif, c'est tout le chemin qu'on parcourt pour l'atteindre.

"On donne beaucoup d'argent aux villes-hôtes : Genève a reçu plus de 2 millions de francs", se justifiait Michel Platini : "beaucoup d'argent", c'est en réalité moins de la moitié de ce qu'allait coûter à Genève la seule sécurité. Et en tout, Genève allait claquer vingt fois plus pour l'Euro2008 que le "beaucoup d'argent" qu'elle aura reçu de la princière UEFA).

"On va vivre les trois semaines les plus extaordinaires que la Suisse ait jamais connues", annonçait, guilleret, le délégué du Conseil fédéral pour l'Euro 2008, l'ancien patron des CFF Benedikt Weibel ("Le Temps" du 14 janvier)...
C'est dire si on s'est fait chier dans ce pays depuis 1291... La révolution helvétique, celle de 1848, le Sonderbund, la Grève Générale de 18 ? de la gnognotte à côté de l'Eurofoot...

Aller aux JO "représente un objectif sportif monnayable, après beaucoup d'efforts, auprès de mes sponsors comme de ma fédération. Si je renonce, je perds de quoi gagner ma vie et m'entraîner à plein temps", répondait la triathlète suisse Magali Di Marco Messmer, à l'hypothèse d'un boycott des JO par les sportifs pour protester contre la répression au Tibet...
... où il se confirme que le sport professionnel élève la conscience politique et citoyenne...

"Il ne nous reste plus qu'à espérer qu'il n'y ait pas trop de tensions politiques en Turquie par rapport à la question kurde, qu'il fasse beau et que notre équipe nationale obtienne de bons résultats", déclarait, pas rassuré, le responsable de la sécurité pour l'Euro 2008, Martin Jäggi ("Le Temps" du 29 février).
... Il a plu, les Turcs ont bombardé les Kurdes et l'équipe de Suisse a été éliminée au tour préliminaire.

On pourra fumer dans les stades suisses et autrichiens pendant l'Euro, a annoncé la porte-parole d'Euro 2008. On peut d'ailleurs toujours fumer dans la stade de la Praille, même après l'adoption par le peuple de l'initiative antifumée.
De toutes façons, à la Praille, en dehors de l'Euro, on peut fumer tant qu'on veut et ce qu'on veut : vu la fréquentation des lieux on risque pas de gêner grand monde.

Proclamant que "l'Eurofoot sera, en termes de résonnance médiatique, le plus grand événement jamais organisé sur sol helvétique", "Le Temps" (du 3 janvier) en remettait une couche : "Ce sera dix milliards de gens sous nos fenêtres".
Ouais, c'est beaucoup. Surtout sur une planète dont la population totale est de l'ordre de sept milliards de "gens". Dont la majorité n'ont strictement rien à foutre de l'Euro2008, n'ont pas la télé ou sont trop occupés à survivre pour se préoccuper des fêtes à blaireaux organisées en Suisse et en Autriche.

Le Conseiller fédéral Samuel Schmid s'était dit convaincu "que l'Euro2008 aura des effets positifs à long terme sur la population, sur la société, sur l'économie et sur l'encouragement du sport" ("20 Minutes" du 19 février)
Et sur l'environnement, la diversité de la faune, le réchauffement du climat et l'âge du capitaine, rien ?

Le nouveau président de la Fondation du stade de la Praille, Michel Bonnefous, a annoncé qu'il voulait "faire du stade un lieu de rencontre beaucoup plus sexy et qui puisse faire rêver".
Transformer le trou de la Praille en Palais Mascotte, c'est ça ?

" L'Eurofoot devra se passer de stars de la musique ", annonce, consterné, " 20 minutes " (du 6 mars).
Ben alors, et Morisod ?

Le gadget distribué par l'UDC, après le bouc en peluche (fabriqué en Chine) a été un ballon de foot, censé célébrer les vertus du parti en même temps que ceux de l'Euro2008...
C'est pas un choix politique, c'est un constat zoologique : le ballon, c'est mieux que le bouc pour recruter des blaireaux...

Deux mois après l'annonce du "plan anti-mendiants", Pierre Maudet se rengorgeait, tout fier : "Il n'y a plus que trois mendiants à Genève" ("Le Matin-Dimanche" du 13 janvier)
... ouais : le Comité d'organisation de l'Euro2008, la fondation du stade de la Praille et l'UEFA...

"Il faut avoir le courage de sortir de prison même ceux contre qui, le jour venu, il faudra requérir une peine ferme", expliquait (dans "Le Temps" du 14 janvier) le candidat socialiste au poste de Procureur Général, François Paychère...
... Marc Roger est d'accord...

Titre de "20 Minutes" (du 11 mars) : "L'Eurofoot tuera les coeurs faibles".
Pour les cerveaux faibles, on n'a même pas attendu le début des compétitions.

Le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, a répondu à ceux qui demandaient au comité d'intervenir auprès de la Chine, avant les JO de Pekin, pour qu'elle piétine pas trop ouvertement les droits humains : "Nous ne sommes ni une organisation politique, ni un organisme militant"...
... ah ben ça alors, c'est une surprise...

17 août 2008

PETITION A L'INTENTION DU CONSEIL MUNICIPAL DE LA VILLE DE GENEVE

PETITION A L'INTENTION DU CONSEIL MUNICIPAL DE LA VILLE DE GENEVE
A renvoyer au : Comité de citoyennes et de citoyens
Case postale 2003 - 1211 Genève 2

Pour la transparence des dépenses financières de la Ville occasionnées par les manifestations de l'UEFA

Les personnes soussignées, domiciliées sur la commune de la Ville, constatent que :
· les manifestations de l'UEFA ont occasionné d'importantes dépenses pour la Ville
· ces dépenses seront réparties dans différents postes des comptes de la Ville
· les citoyennes et les citoyens de la Ville ont intérêt à connaître le montant total des dépenses publiques induites par les manifestations de l'UEFA

Elles demandent donc au Conseil municipal de la Ville de bien vouloir fournir aux citoyennes et aux citoyens de la Ville un décompte détaillé des coûts occasionnés par les manifestations de l'UEFA, notamment celui :
· des heures de travail effectuées par les employées et les employés de la Ville en général
· des heures de travail effectuées par le personnel administratif
· des heures de travail effectuées par les ASM et les AM
· des heures de travail effectuées par le service du SIS
· des heures de travail effectuées par le service de la Protection civile
· des heures de travail effectuées par la Voirie (voire par les jeunes qui auraient collaboré)
· du total des heures supplémentaires accomplies
· des aménagements spécifiques mis en place sur la Plaine de Plainpalais et au Bout du Monde
· des aménagements pour l'accueil spécifique des visiteuses et visiteurs venus d'ailleurs
· de l'aménagement des sanitaires
· des installations de santé et du personnel social ou médical
· de toutes autres dépenses publiques liées à ces manifestations (cadeaux, frais de déplacement, frais administratifs, frais de publicité, etc).


NOM PRENOM ADRESSE SIGNATURE

A renvoyer au : Comité de citoyennes et de citoyens
Case postale 2003 - 1211 Genève 2

08 juillet 2008

Fête de la musique et Eurofoot : Fête ce qu'il vous plaît

5000 personnes jouant, gratuitement ou presque, la musique qu'ils aiment pour 200'000 personnes passant d'une musique à une autre sans être fouillées à l'entrée d'un corral sponsorisé, sans être obligées de boire la bière d'un sponsor et pas une autre, de bouffer le hamburger du sponsor et pas un autre. Des gens qui font ce qu'ils aiment parce qu'ils aiment le faire, et pas pour être vainqueurs d'une compétition. Des gens qui font la fête sans drapeaux, sans chauvinisme, sans beuglements tribaux et sans cortèges klaxonnants. Une dépense sans attente de rentabilité ni calcul marchand. La Fête de la musique, c'est le contraire de l'Eurofoot. Parce que la fête, c'est le contraire du marché.

Après la fête, le désert ?
La fête de la musique investit une ville qu'une politique d'épuration désertifie culturellement : Artamis sera évacué en septembre; sur ses 15'000 m2 de friche industrielle travaillent et créent plus de 200 personnes -de quoi donner des boutons à tous ceux qui rêvent d'une Genève purifiée de ses squats et de ses lieux culturels alternatifs. Alternative ou non, la création a besoin d'espace. Et l'espace d'Artamis va se fermer, comme d'autres avant et après lui. La Ville cherche des lieux de substitution, mais ils sont rares, plus excentrés, plus petits, sont plus des lieux de travail que des lieux de représentation devant le public, et sont dispersés, alors que le rassemblement des membres du collectif Artamis créait une dynamique créatrice dont la perte serait, pour tout le " paysage culturel " genevois, une amputation. Quant au canton, nul ne s'étonnera qu'il ne bouge pas le petit doigt : on ne peut pas mobiliser toute la République pour l'Eurofoot et se préoccuper des pouilleux d'Artamis, ou de Mottattom, dont les artistes risquent de se retrouver eux aussi à la fin de l'année sans espace, leur halle devant être détruite pour laisser place à un immeuble de six étages. Une pétition revêtue de près de 19'000 signatures a été déposée auprès du Conseil d'Etat par l'Union des espaces culturels autogérés (UECA), qui demande que soit assurée " à long terme la diversité de l'offre socioculturelle ". Avec l'évacuation d'Artamis, à l'automne, celle de Mottatom, à l'hiver, l'évacuation l'année dernière de la Cave 12, les menaces planant sur l'Usine, l'offre culturelle alternative genevoise, qui était l'une des plus larges d'Europe il y a une dizaine d'années, s'est déjà considérablement raréfiée. Un week-end par année, la Fête de la Musique -de toutes les musiques- investit la ville. Le reste de l'année, place doit-elle être laissée à la fête de la spéculation immobilière et de l'épuration sociale, culturelle et politique ?

13 juin 2008

Marche turque

Que nos camarades kurdes, arméniens ou grecs nous pardonnent, mais il convient de remercier l'équipe de foot turque d'avoir contribué à nous faire économiser des jours supplémentaires de chauvinisme crétinisant, de drapeaux suisses aux fenêtres, sur les bagnoles, les écharpes, les cravates, les T-shirt, les chapeaux… Et notre plaisir est redoublé lorsque nous lisons et entendons les commentaires sanglotants des media qui nous sommaient depuis des semaines de participer à la " grande fête du foot "…

09 juin 2008

PROTESTONS CONTRE L'OUVERTURE DES MAGASINS LE SOIR ET LE WEEK-END PENDANT L'EUROFOOT

PROTESTONS CONTRE L'OUVERTURE DES MAGASINS LE SOIR ET LE WEEK-END PENDANT L'EUROFOOT

Rassemblement
DIMANCHE 15 JUIN, 11 heures, place des 22-Cantons

07 juin 2008

Main basse sur la ville privatisée

Les matches de l'Eurofoot se joueront dans des villes " hôtes " de Suisse et d'Autriche que leurs autorités, les autorités de leurs cantons et provinces et les autorités de leurs deux pays ont littéralement " louées ", à défaut sans doute de pouvoir les vendre, à l'UEFA, à ses sponsors, et aux " mandataires " plus ou moins prébendiers choisis pour " animer " les villes hôtes (et toutes les autres, grâce par exemple aux " UBS Arena " ayant métastasé dans toutes les principales villes de Suisse). Mais cette privatisation de l'espace public est particulière : alors qu'habituellement, on privatise pour en retirer de l'argent, pour l'Eurofoot ce sont les collectivités publiques qui ont ont payé pour l'être. Et payé cher. Le brave comte de Sacher-Masoch n'a pas fait à Genève des émules que chez les banquiers privés : chez les responsables politiques aussi. Mais eux survivront.

Hôte-toi de là que j'y mette mon sponsor
Ce que rend visible l'Eurofoot à Genève (puisque nous y sommes), c'est la perfection d'un processus à l'œuvre depuis l'avènement du " sport-pognon " : ce règne du marketing, du petit et du gros commerce de tout ce qui peut se commercer (légalement ou non), aboutit logiquement à la privatisation de tous les espaces publics disponibles jusqu'à la ville elle-même, devenue marchandise. Dans les espaces publics gardés par des polices privées après avoir été vendus aux organisateurs des jeux du cirque et à leurs sponsors, on ne choisit pas la bière que l'on boit, on ne porte pas un vêtement à l'effigie d'une marque concurrente de celle du sponsor. Et pour que cette privatisation se fasse, se maintienne et puisse se répéter, pour que la ville puisse être vendue, il faut lui donner l'image que l'acheteur souhaite : on la purgera donc de ses mendiants, de ses marginaux, de ses dealers, de ses lieux culturels alternatifs. Ainsi se dessine des modèles de villes, d'habitants, d'activités. Le modèle de la ville, c'est Disneyland. Le modèle d'habitant, c'est le consommateur ne cherchant pas à consommer autre chose que ce qu'on lui offre. Le modèle d'activité, c'est le centre commercial. Et tout cela se fait avec au minimum l'accord, et souvent la participation active et revendicatrice, des autorités élues. " L'ambition souvent fait accepter les fonctions les plus basses : c'est ainsi qu'on grimpe dans la même posture que l'on rampe" disait Jonathan Swift. Rien n'a changé -sinon que l'on ne grimpe plus que dans les loges VIP, dans la même posture que l'on rampe devant l'UEFA.

04 juin 2008

Prébendes

Frédéric Hohl est député (radical) au Grand Conseil. Frédéric Hohl est mandataire du canton pour l'organisation des à-côtés de l'Eurofoot, en plus d'être producteur de la Revue genevoise, ancien président des Fêtes de Genève, ancien directeur d'exploitation d'Expo02. Frédéric Hohl est patron de la société NEPSA, qui a conclu avec le canton, dont Frédéric Hohl est législateur, un contrat assurant à la société de Frédéric Hohl, la moitié des bénéfices éventuels tirés de la "Fan Zone" de Plainpalais, de celle du Bout-du-Monde, du "Fan club 08"... Mais Frédéric Hohl a sous-traité une partie de son mandat à d'autres mandataires, qui se trouvent être des sociétés logées à la même adresse que la sienne, et/ou appartenant à des amis ou des collaborateurs : la société Skynight de Christian Kupferschmid s'occupe de la technique, la société DPO (de Christian Kupferschmid aussi,) de la sécurité, la société APSA de Patrick Abegg (co-administrateur avec Hohl et Kupferschmid de CPF Genève Organisation, qui détient la moitié de DPO) de la restauration, GL Events des tentes et pavillons ... Ce petit montage lui permet de court-circuiter l'accord passé avec le canton : par la facturation de prestations fournies par ses sociétés proches de sa propre société, il réduit comptablement ses bébéfices, et dont la part qu'il doit en reverser à l'Etat, tout en encaissant les subventions de l'Etat (votées par le Grand Conseil dont il est membre) et en bénéficiant de la gratuité de services cantonaux et municipaux. Hohl a reçu 1,67 million de francs de subventions diverses, dont 800'000 francs de l'Etat. La plaine de Plainpalais lui a été mise gratuitement à disposition par la Ville, qui se chargera de la Voirie, l'Etat assurant la sécurité et les transports, et payant le gravier répandu sur la plaine. Mais les 40 emplacements loués à des restaurateurs et entreprises diverses l'ont été par Hohl, et à son profit, à raison d'au moins 36'000 francs l'emplacement. La société APSA aura l'exclusivité de la vente des bières (5 francs la petite cannette), dont les bénéfices ne reviendront à l'Etat qu'à raison de 15 %, au lieu de 50 % que Hohl aurait du reverser si sa société n'avait pas sous-.traité le marché. Frédéric Hohl se défend : les accusations portées contre lui relèvent de la "cabale politique". Même si tel était le cas, à qui la faute ? Quand on accumule les casquettes, faut pas s'étonner d'avoir la migraine. En tant que député, Hohl aurait du avoir l'élégance de ne même pas prendre part au concours lancé par le canton pour l'organisation des "animations extra-sportives" de l'Eurofoot.
Il est vrai que parler d'élégance à propos de l'Eurofoot est à peu près aussi pertinent qu'évoquer les droits humains à propos des JO de Pekin.

20 mai 2008

Grand concours : Déballonnez la rade !


Grand Concours pour déballonner la rade : Crevez la baudruche !

L'Etat, la Fondation pour le tourisme, Genève Tourisme et la commission cantonale du Sport Toto ont claqué 360'000 balles pour faire flotter une baudruche de quinze mètres de diamètre au-dessus du jet d'eau quand le vent ne souffle pas à plus de 30 km/h, et la faire reposer sur une barge dès que le vent soufflote. Le machin est retenu par trois câbles, deux fixés sur la jetée, un relié à une barge flottante. L'installation des points d'amarrage a nécessité la poste de 40 tonnes de merdier dans le lac, et la mise à l'eau d'une barge équipée d'un treuil. Et il a fallu mobiliser une quinzaine de spécialistes, le 23 avril, pour mettre en place cette grosse connerie à la gloire du foot pognon en général et de l'UEFA en particulier. Comme on n'a pas les 360'000 balles qu'à coûté la baudruchisation de la rade, on n'en offrira, mais c'est de bon cœur, que 500 ou 1000 à qui réussira à nous en débarrasser, sans dommage pour autre chose que la baudruche elle-même et l'amour-propre des taborniaux qui l'ont gonflée -et nous gonflent derechef. La rade est ballonnée ? un remède naturel s'impose : crever la baudruche…

Règlement du concours
1. Une prime est offerte à qui crèvera, dégonflera, incendiera ou fera s'envoler, avant le 7 juin à 12 heures et sans dommage collatéral, la baudruche en forme de ballon de foot que des taborniaux ont placé dans la rade, au-dessus de la jetée du jet d'eau quand il n'y a pas de vent ou à côté quand il y en a ;
2. La prime sera de 1000 francs suisses (ou l'équivalent en n'importe quelle autre monnaie) si l'acte récompensé est commis sur la baudruche lorsqu'elle lévite au-dessus de la rade, ou de 500 francs (ou l'équivalent) lorsqu'elle est arrimée à sa barge. Elle sera doublée si l'acte récompensé s'est produit lors d'une cérémonie officielle publique en relation avec l'Euro2008. et a été visible des participants à ladite cérémonie ;
3. Aucune prime ne sera versée si la destruction, le dégonflage ou la libération de la baudruche a produit des dommages aux personnes ou à des biens autres que la baudruche elle-même ;
4. La prime sera versée à qui de droit dans la monnaie de son choix, en liquide ou sur un compte bancaire ou postal, après constatation de la véracité de la revendication de l'acte ;
5. Les revendications sont à nous adresser par n'importe quel moyen (de préférence discret) dans les 24 heures suivant l'acte. Elles doivent contenir des éléments permettant de vérifier leur véracité. Il est recommandé de prendre quelques précautions dans l'exposé de la revendication et des éléments de preuve, afin d'éviter l'identification des auteurs par d'autres que nous ;
5. Le concours est ouvert à toutes et tous, sans aucune restriction.

18 mai 2008

Eurôt 2008 : Burp…

Le droit de manifester sera fortement restreint pendant l'Eurofoot : le Département des Institutions a édicté une directive stipulant que, sauf exception, aucune manifestation imprévue ne sera autorisée sur la voie publique en juin, compte tenu de la mobilisation des forces de police autour de l'Eurofoot et de ses à-côtés. En Ville, des manifestations régulières (la Fête de la Musique, les Promotions) ont certes été maintenues, mais toute nouvelle demande de manifestation d'importance sera refusée, et des manifestations prévues (y compris des tournois de foot) ont été déplacées (Pro Velo), repoussées (Gena Festival à Avully) ou suspendues (la Ville est à vous). " Le droit constitutionnel de manifester sera maintenu ", assure un porte-parole du département des institutions, qui ajoute cependant que " chaque demande sera examinée attentivement ". la Ville a annoncé qu'elle donnerait son accord pour de telles manif's imprévues provoquées par les tumultes du monde, mais à la condition que le canton soit d'accord.

Etat de bain de siège
Engouement forcé, joie obligatoire, jubilation tarifée, pompe à fric aspirante mais pas refoulante… l'Euro2008 avait déjà tout pour plaire. Au cocktail de ramdam médiatique, de racket financier et de privatisation de l'espace public, il ne manquait que la petite touche finale de paranoïa politico-policière. C'est fait : pendant les festivités dictées par l'UEFA (et financées, sur ses instruction péremptoires, par les caisses publiques), les manifestations de rue seront, sauf exceptions, purement et simplement interdites. Pendant l'Euro, la vie du monde est priée de s'arrêter, la solidarité internationale aussi, la défense des droits fondamentaux de même (qu'on se rassure cependant : si les manifestations politiques de rue vont être interdites à Genève pendant l'Eurofoot, Genève ne se privera pas d'en dénoncer l'interdiction à Pékin pendant les Jeux Olympiques). Mais comment nos zautorités vont-elles faire si l'actualité politique persiste à ne pas se plier au calendrier des festivités footballistiques, et provoque des manifestations ? Elles seront emmerdées (surtout si les organisateurs de manifestations de protestation ou de soutien ne demandent pas d'autorisation, vu la quasi-certitude de ne pas l'obtenir) ? La grosse baudruche flottant (quand le vent ne souffle pas à plus de 30 km/h) au dessus du jet d'eau est décidément bien à l'imagede la " grande fête du foot " : gonflée, coûteuse, ridicule, tenant à de gros cordages mais défaillante au moindre souffle de vent. Cette baudruche est une lanterne éclairant le mois de juin prochain : pendant l'Eurofoot, l'état de Genève sera de siège. Mais comme on le dit d'un bain.

02 avril 2008

Coup double pour la République

Les Mouettes à Marc Roger, le stade de la Praille à Roland Charrière

Sorti de Champ-Dollon après que la Chambre d'Accusation se soit finalement rendu compte qu'il n'avait pas été plus nuisible que ses prédécesseurs à la tête du Servette, et qu'il était loin d'avoir atteint la capacité de siphonnage des caisses publiques dont ses successeurs à la tête du Stade de la Praille ont fait preuve, Marc Roger reprend donc les Mouettes genevoises, son expérience de navigateur en eaux troubles aidant. Quant au patron des Mouettes genevoises, Roland Charrière, sa conception inventive de la gestion d'entreprise l'imposait tout naturellement à la barre du Titanic de la Praille.

Ze raïte man in ze raïte plaisse
Le gouvernement cantonal a eu la truffe fine : les deux hommes à qui il a confié la responsabilité de deux zircons de la couronne de la République ont largement fait la preuve qu'ils étaient à la hauteur de la tâche qui les attendaient -et l'un comme l'autre ont fourni à nos zautorités toutes les garanties nécessaires qu'ils allaient poursuivre dans la voie ouverte par leurs glorieux prédécesseurs. Marc Roger a ainsi présenté un plan de financement des Mouettes, garanti par des investisseurs patagons (qui souhaitent garder l'anonymat) permettant le rachat à des conditions exceptionnelles de la moitié de la flotte de sous-marins nucléaires du Birobidjan, alors que, de son côté, Roland Charrière a pu rassurer les esprits chagrins qui lui cherchaient des poux sous la casquette pour 700'000 malheureux francs de subventions perçues en trop et quelques milliers de passagers imaginaires annoncés : un stade qui a coûté 70 millions de plus que prévu et reste généralement vide à 90 % est parfaitement à sa mesure. On saluera donc avec une admiration mêlée de soulagement la courageuse décision de nos Magnifiques Seigneurs : l'élévation du Bouc Emissaire officiel des turpitudes servetto-praillesques au rang d'Amiral des Mouettes et l'ordination du Marin d'eau douce au titre de Stadier Suprême sont dans la droite ligne des décisions prises jusqu'à présent dans ces deux dossiers exemplaires.

24 février 2008

Les mendiants sont de retour. Ah bon, ils étaient partis ?


Au vieux précepte selon lequel « les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures », la Fondation du stade de la Praille et les Conseillers d’Etat Hiler, Cramer et Muller préfèrent le comique de répétition. Et donc, rebelote et re-racket, ils ont demandé et obtenu grâce au dégonflage des représentants des communes, sauf la Conseillère administrative de la Ville Sandrine Salerno, seule à s’y opposer, de pomper huit nouveaux millions dans le Fonds d’équipement communal, s’ajoutant aux onze millions déjà raflés en 2007. Avantage de la méthode : on évite une demande de crédit devant le Grand Conseil, et donc un référendum, un débat démocratique, et une défaite devant le peuple. On est démocrates, mais surtout prudents.

Mercredi, 18 heures, rue du Rhône : un brave mendiant rom tend sa sébile, agenouillé devant une boutique de luxe. A deux pas, une manchette de la Tribune annonce que grâce à Zappelli (on fait la campagne électorale qu’on mérite), tous les mendiants vont être mis à l’amende. Tous les mendiants ? Non. Car du côté de la Praille, un carré de gros mendiants résiste. En fait, ces gros résistants n’ont même pas besoin de résister. D’abord parce qu’ils ont une dispense : eux ont le droit de mendier. Ensuite, parce qu’ils n’ont pas besoin de tendre une sébile, et qu’il leur suffit de bramer « Eurofoot » pour que la manne publique leur tombe dessus comme la vérole sur le bas clergé breton. Le brave mendiant rom sera racketté par la puissance publique. Et le produit de son amende ira remplir les caisses publiques. Que le gros mendiant stadier ira ensuite vider.
Et c’est ainsi que Genève, cité de savants, invente le mouvement perpétuel.