22 octobre 2008

Eurolex

Le plan des zautorités pour l'Euro2008 à Genève, plan subtilement nommé "Eurolex" (sed lex), et présenté par le Conseiller d'Etat Mark Muller, prévoyait des mesures indispensables (du genre gobelets en plastique obligatoires sur les terrasses -fallaiz se balancer directement les cannettes et les bouteilles à la gueule), la mobilisation des agents de sécurité municipaux pour la circulation routière, des ouvertures vespérales et dominicales de magasins (jusqu'à 20 heures en semaine, 19 heures les samedis, de 11 à 17 heures le dimanche) et cafés (dans lesquels on pourra fumer). Les chauffeurs de taxi, les hôteliers et les douaniers étaient invités à suivre gratuitement une formation pour apprendre à améliorer leur contact avec les touristes. Les prix des boissons étaient déplafonnés : une majoration était autorisée si elle est affichée. En tchèque, en portugais et en turc ?
Les syndicats UNIA et SIT estimaient que les patrons genevois du secteur du commerce de détail utilisaient le prétexte de l'Eurofoot pour " tenter de créer de nouvelles habitudes de consommation ", lancer "un ballon d'essai" (une baudruche de plus, quoi) en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche. et que le Conseil d'Etat " sert les intérêts des commerçants du canton au détriment des employées et employés de la vente " en faisant "un pas supplémentaire en direction d'une libéralisation future des horaires des magasins". C'est bien vu. Et ça ne surprend pas : les zautorités genevoises s'étant mises à plat ventre devant l'UEFA, on ne voit pas pourquoi elles se seraient redressées devant les commerçants locaux. Le syndicat UNIA annonce "d'inévitables violations des droits des travailleurs". Le 15 juin, le syndicat organisait une action pour rappeler ce qu'est (ou ce qu'était) le repos dominical. On appelle les travailleurs à la messe et au culte ? UNIA et le SIT avertissaient : pour les employeurs de la vente, le " ballon d'essai à l'occasion de l'Euro 2008 risque bien de se transformer en auto-goal ". Ouais. En attendant, ce sont les travailleurs qui se sont pris un penalty. Justifiant l'ouverture prolongée des magasins pendant l'Euro, le porte-parole de la Fédération des artisans et commerçants genevois, Eric Markus, la minimisait : "Il s'agit d'un ballon d'essai"... Encore un ? Levez-vous, orages désirés...

En plus des travailleurs mobilisés pour l'ouverture vespérale et dominicale des magasins, l'Euro a mobilisé des bénévoles. Même pas payés, ceux là, pour assurer notamment l'accueil, la prise en charge, le transport des invités... Si on avait payé cette main d'oeuvre, on aurait du débourser une vingtaine de millions de francs, soit moins de 1,5 % des recettes estimées de l'Euro. Mais on allait tout de même pas écorner ces recettes pour payer des gens qu'on espère pouvoir employer à l'oeil...
Fin février, sur les 3000 bénévoles nécessaires en Suisse, il en manquait encore au moins 500, dont plus de 200 à Genève. Le coordinateur cantonal de l'Euro pour Genève expliquait que c'est la faute à l'air du temps (entendez : "la crise du bénévolat dont souffre notre pays"). Ben voyons. C'est sûrement aussi à cause de la "crise du bénévolat" que le nombre de chambres chez l'habitant proposées aux supporters étrangers restait maigre à Genève -et que celles qui sont proposées l'étaient à des tarifs défiant toute concurrence à la hausse (200 euros pour une chambre à Chancy, par exemple...) : pour 280 chambres proposées à Bâle et 261 à Berne, début janvier, on n'en recensait que 91 à Genève -et encore : la moitié provenant de Vaud, Fribourg ou de France... Finalement, à Genève, un peu moins de 400 bénévoles ont accompli plus de 15'000 heures de travail.
Quant au président de l'UEFA, Platoche, il invitait "ceux qui ne souhaitent pas faire du bénévolat" à "s'abstenir, ou demander à être salariés". C'est cela, demandez toujours, on vous écrira... Finalement, 500 "volontaires" de l'UEFA âgée de 18 à 81 ans ont pu être recrutés à Genève et ont été chaleureusement remerciés pour leur engagement par les organisateurs de l'Euro. Qui en effet peuvent les remercier -comme n'importe quel Marabout peut remercier l'andouille qu'il a escroqué.

Trois étudiantes engagées par une agence d'intérim (Top Conseil) comme barmaids intérimaires dans les Fan Zones de Plainpalais et du Bout du Monde ont été licenciées par téléphone après moins d'une semaine de travail. Elles avaient un contrat (on appelle ça comme ça) prévoyant deux jours de préavis de licenciement. Le contrat a donc été respecté. Au Bout-du-Monde, vu le résultat calamiteux de la fréquentation et du petit commerce, les intérimaires se sont fait licencier au fur et à mesure que les stands quittaient le "Fan village" déserté. La différence entre le salariat et le bénévolat, à l'Eurofoot, était assez ténue. La différence entre la sélection et la xénophobie aussi, d'ailleurs : huit jeunes noirs inscrits comme barmens intérimaires ont été recalés, et tout indique qu'ils l'ont été pour délit de couleur de peau. Dans le bureau de recrutement du personnel intérimaire, l'un d'eux a pu voir, placardée, une liste de personnel potentiel, sur laquelle tous les noms à consonnance africaine étaient tracés, sur instruction de la société "événementielle" APSA (le client du recruteur), pour qui il y avait "trop de blacks" dans le personnel potentiel. Un proche d'un candidat "black" recalé aurait en outre vu les photographies de 17 personnes non engagées : parmi elles, 13 "blacks".

Les commerçants locaux avaient trouvé dans l'Eurofoot le prétexte idéal pour étendre leurs horaires d'ouverture, le Centre commercial de la Praille, lui, s'est carrément mis au service de l'UEFA : il mettait à sa disposition l'ensemble de ses salles de conférences, son "Event Center", son parking et 500 mètres carrés de locaux. Mais le centre commercial a dû être fermé pour répondre à l'exigence de l'UEFA de ne pas concurrencer ses "marques officielles".

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