28 décembre 2010

Mondial de foot en Russie en 2018, au Qatar en 2022 : For the Game. For the World. For the Money...

Le comité exécutif de la FIFA a désigné hier, sous le slogan « For the Game. For the World », les pays organisateurs de la Coupe du monde de football en 2018 et en 2022. Parmi les candidats figuraient plusieurs pays où la situation en matière de droits humains et du travail est pour le moins préoccupante, voire désastreuse. L’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) estimait que l’organisation du Mondial ne pouvait en aucun cas être confiée à la Russie, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Japon ou le Qatar, qui violent les droits humains, politiques et sociaux les plus élémentaires. Pour l'organisation d'entraide, ces cinq pays « méritent un carton rouge ». Pour la FIFA, en revanche, ils méritaient le Mondial. Et deux d'entre eux l'ont obtenu : la Russie en 2018, le Qatar en 2022. For the Game ? For the World ? For and by the Money...

La Coupole et le veau d'or

La Coupole internationale du foot-pognon, la FIFA, est une organisation de droit suisse. Et quand on dit « de droit », c'est de « non droit » qu'il conviendrait de parler. Les fédérations sportives internationales installées en Suisse, comme la FIFA, l'UEFA ou le Comité international olympique, ne sont pas soumises à la loi suisse qui réprime (mollement) la corruption. Ce que même le Conseiller fédéral UDC Ueli Maurer, ci-devant ministre des Sports, considère comme « une lacune ». Mais c'est délibérément que le Conseil fédéral a accordé en 2004 aux coupoles sportives le droit d'échapper à la loi, de laver leur linge sale en famille ou de le planquer à l'abri des reniflements. Résultat : non seulement la FIFA, dont les profits annuels frôlent les 200 millions, et le chiffre d'affaire le milliard, ne paie pas d'impôts, alors qu'elle contrôle plus ou moins directement plusieurs sociétés commerciales (droits TV, voyages, produits dérivés etc.), mais cette «grande famille du sport » est aussi une petite affaire de famille : la famille Blatter. L'oncle préside la coupole, le neveu s'est taillé à son abri un petit empire sportivo-commercial personnel et a conclu plusieurs contrats particulièrement juteux. A la corruption dont la FIFA est le théâtre, ou le stade, s'ajoute donc le népotisme. La corruption ? deux membres du comité exécutif de la Coupole ont été filmés en train de monnayer leur voix pour le vote attribuant les coupes du monde 2018 et 2022. La FIFA a fait mine d'ouvrir une enquête, qu'elle s'est prudemment confiée à elle-même, histoire de s'assurer qu'elle ne déborde pas des cas des deux malheureux basanés qui se sont fait filmer (un Tahitien et un Nigérian). Or sur les 24 membres du Comité exécutif de la FIFA qui viennent d'attribuer le Mondial à la Russie et au Qatar, au moins sept sont déjà lourdement soupçonnés de s'être fait acheter à d'autres occasions, et même l'accession du Suisse Sepp Blatter à la présidence du machin a été facilitée par des pratiques qu'on dira pudiquement « douteuses » alors qu'en fait il y a assez peu de doutes à avoir à leur sujet (la présidente d'une fédération somalienne de foot dont on ignorait même qu'elle existât, a reconnu avoir vendu 100'000 dollars sa voix à Blatter...). Mais faut pas dire du mal du sport professionnel, c'est une grande et belle famille. Et une famille baignant dans la moralité et l'éthique. La preuve : les ligues de football professionnel européennes se sont engagées à soutenir la campagne « Un milliard d'affamés » lancée par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), appelant les gouvernements à accorder une priorité à l'éradication de la faim. Et la FIFA elle-même veut interdire aux joueurs toute expression religieuse (objets, signes, postures etc...) dans les stades lors des compétitions qu'elle organise ou supervise. On pourrait en ricaner, quand on mesure la place prise par la publicité marchande dans lesdits stades, sur les joueurs, et dans le financement de la milliardaire FIFA par ses sponsors. Mais au fond, la FIFA est logique, monothéiste et cohérente : elle n'a de Dieu que celui du marché du foot professionnel, en est la prophétesse et l'église, et ni le Dieu unique, ni sa prophétesse, ni son église n'aiment la concurrence. En revanche, depuis que le rouble est convertible et que les petrodollars pleuvent sur le Qatar, le veau d'or, elle est prête à y implanter son culte..

19 décembre 2010

Rénovation de la patinoire des Vernets : Combien vaut une fesse de sponsor ?

Pour assurer le confort des fessiers des sponsors et autres « VIP » qu'insupporte l'idée de se mélanger au commun des supporters (qui sentent la bière et la transpiration) du Genève-Servette Hockey-Club (GSHC), le Conseil administratif de la Ville a proposé au Conseil municipal, qui les a renvoyés en commission, un ensemble de deux ou trois crédits, pour un total de 13 ou 14 millions de francs, destinés à la création aux Vernets de « sky loges » et d'une « zone Lounge » et du « reprofilage du gradin sponsors ». En quels termes poétiques est dit ce vrai projet de gauche, pour une vraie Municipalité de gauche... Ces crédits, toutefois, ne satisfont même pas le GSHC, qui veut plus : une nouvelle patinoire. Et qui craint que la rénovation de l'ancienne, et l'amélioration de l'accueil des séants de la crème (financière) des spectateurs, ne soient un argument pour repousser aux calendes grecques la « nouvelle enceinte » dont il rêve et dont il rêve qu'elle lui soit offerte sur un plateau par la Ville et le Canton. Et le président du GHSC, Hugh Quennec, de sussurrer que le club « ne demande pas d'aide financière, mais simplement un outil structurel » pour lui permettre « de vivre ». Le rôle d'une collectivité locale est-il de mettre une infrastructure sportive à la disposition d'un club ou de la mettre à disposition de la population ?

Démangeaisons référendaires

Le Genève-Servette Hockey Club se paie une pleine page couleur de la Tribune de Genève, pour chanter ses louanges, et conclure son cantique d'autocélébration par un appel à soutenir la « construction d'une nouvelle patinoire pour le 1er septembre 2015 ». Sns doute par pure coïncidence, la pub du GSHC paraissait mardi, juste avant le début de débat (un début interminable pour un débat creux) sur le crédit de 13 ou 14 millions demandé par le Conseil administratif pour rénover la patinoire des Vernets. Parce qu'il a peur, le GSHC, qu'avec la rénovation des Vernets, on ait un argument pour ne pas lui offrir la nouvelle patinoire de ses rêves. Dans ce qui a tenu lieu de débat sur le sujet, on a à peu près tout entendu, d'à peu près tous les côtés, sur la nécessité de soutenir d'une manière ou d'une autre le « club phare du hockey genevois ». Tout, y compris les inévitables lieux communs sur la valeur du sport d'élite et de ses héros pour la jeunesse, qui devrait pouvoir s'y identifier -comme si l'identification à des toxicomanes millionnaires se castagnant dans des matches truqués sous les hurlements de supporters réduits à l'état préhominien était devenu un objectif pédagogique. Bref, on nous a resservi, à propos de la patinoire et du Servette-Hockey un plat qu'il nous souvient d'avoir goûté il y a une dizaine d'année à propos d'un stade et du Servette-football. Un plat que ni nous, ni Genève, n'avons toujours pas digéré : la Praille, son stade, son trou financier... Un stade trois fois trop grand, qui a coûté deux fois plus que prévu, qui vaut aujourd'hui dix fois moins que ce qu'il a coûté et qui n'accueille en moyenne que vingt fois moins de spectateurs qu'il n'en peut contenir... Espérons que le feuilleton qui commence à propos de la nouvelle patinoire dont rêve le GSHC fera remonter à la surface de la conscience politique locale quelques bribes de mémoire. Parce que la trame du feuilleton de cette patinoire est la même que celle du Stade de la Praille. Et que nos démangeaisons référendaires, elles aussi, sont les mêmes. Y compris contre le crédit demandé par le Conseil administratif pour rénover les boxes à sponsors des Vernets -et à plus forte raison lorsqu'il s'agira de se prononcer sur le moindre soutien financier apporté par la Ville (ou le canton) au projet de nouvelle patinoire, et la moindre autorisation de la construire -pour autant qu'un référendum soit alors possible.