21 mai 2014

Fonds de tiroir

La Ville de Genève a confirmé pour le Mondial de foot l'interdiction faite aux bistrots sur tout le territoire municipal de coller des écrans de télé sur les terrasses. Et ça râle dans les bistrots et chez les supporters -comme s'ils manquaient de lieux pour s'ébrouer devant les matches. Ou comme si n'avoir pas, pendant qu'on sirote peinard son jaja à la terrasse d'un rade,  à se farcir des troupeaux d'abrutis beuglants et bourrés (et le cas échéant équipés de klaxons, de feux de Bengale et de pétards, était une revendication exorbitante... Et qu'on ne nous dise pas qu'on est des antisportifs primaires (même si c'est vrai qu'on l'est) : la retransmission en  direct des Mondiaux de pétanque ou des tournois d'échecs sur des écrans de télé à la terrasse des bistrots, on serait même plutôt pour...

13 mai 2014

Mondial de foot au Brésil : Ordem e lucro !



Le 12 juin s'ouvrira le Mondial de foot, organisé au Brésil à  coup de milliards (20 à 30 milliards de francs investis pour le Mondial et les JO de 2016, dont au moins 13 milliards pour le seul Mondial) consacrés à la construction d'infrastructures (stades, routes et aéroports), et au financement des actions d'épuration sociale (expulsions des habitants des favelas, interdiction des marchands de rue, notamment) entamées pour donner du Brésil l'image d'un pays « propre en ordre ». « Ordem e progresso », proclame la devise du Brésil. « Ordem », l'ordre, sans doute. Mais pendant le Mondial, pour nourrir la coupole internationale du foot professionnel, en laissant le peuple du pays organisateur du Mondial en payer la facture ce sera plutôt « Ordem e lucro »... 


« Quand les mouettes suivent un chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va leur jeter des sardines » 


Le Mondial brésilien de foot va coûter plus cher que ses trois prédécesseurs en Corée du sud et au Japon, en Allemagne et en Afrique du sud. Coûter à qui ? Evidemment pas à la coupole internationale du foot professionnel, la Fifa. Coûter au Brésil. C'est-à-dire aux Brésiliens. Comme les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi ont été payés (50 milliards de francs)  par la Russie, c'est-à-dire les Russes, et comme la Coupe du monde de foot va coûter 100 milliards au Qatar (et a déjà été payée de la mort de 400 travailleurs immigrés employés à la construction des infrastructures de la « grande fête du foot» -d'ailleurs, au Brésil aussi, gouvernement de gauche ou pas, 25'000 ouvriers s'épuisent pour des salaires ridicules, sans paiement des heures supplémentaires, dans un absolu mépris des lois sur le travail et des normes de sécurité, à construire des stades pour la place desquels des milliers de personnes ont été expulsées de leur logement.
Ces délires pharaoniques ont été vendus à grands coups de promesses aux peuples qui vont finalement les payer  : vous allez en profiter, ça va créer des emplois, générer des revenus, développer des activités, et tout cela dans la durée... résultat ? Le Mondial de foot en Afrique du Sud a accouché d'une dette de 2,8 milliards de francs, que les contribuables sud-africains vont devoir éponger et qui entraîne des restrictions budgétaires dans des domaines aussi essentiels que la santé et l'éducation. Mais la Fifa, elle, y a gagné près de deux milliards et demi, et les entreprises de construction près d'un milliard et demi... Au Brésil, l'engagement financier pour le Mondial a eu pour effet une réduction massive des ressources allouées au services publics -quant aux stades construits grâce à des fonds publics ils seront ensuite privatisés -comme les six principaux aéroports rénovés pour l'occasion.

En juin dernier, près d'un million de Brésiliens manifestaient contre l'augmentation des tarifs des transports publics, leur incapacité à assurer leur service au public, la déshérence des systèmes de santé et d'éducation et le manque de moyen accordés aux infrastructures sociales indispensables alors que des milliards sont dilapidés pour les infrastructures nécessaires au Mondial. « Le Brésil, faites un effort pendant un mois, calmez-vous » implore Michel Platini, président de la coupole européenne du foot professionnel (l'UEFA). Calmez-vous pendant le Mondial, et payez ensuite pendant des décennies ce qu'il aura coûté. Et le parrain mondial du parrain européen, Sepp Blatter, président de la Fifa, a dit sa conviction que « le football est plus fort que l'insatisfaction des gens». Mais moins que l'autosatisfaction de Blatter. « Quand on a un homme fort à la tête d'un Etat qui peut décider, comme pourra le faire Poutine en 2018 (le prochain Mondial se fera en Russie), c'est plus facile pour nous », susurre le secrétaire général de la Fifa...
Aux crapuleuses âneries des Blatter, Platini et autres représentants des coupoles mondiales et régionales du foot-pognon, on s'autorisera à préférer de loin les aphorismes frapadingues d'Eric Cantona. Comme son célèbre « Quand les mouettes suivent un chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va leur jeter des sardines ». Et quand les mouettes brésiliennes à qui la Fifa et le gouvernement du Brésil ont promis des sardines s'aperçoivent que celles qu'on leur a jetées sont avariées, qu'est-ce qu'elles font, toutes fan de foot qu'elles soient ? D'abord elles dégueulent, ensuite elles manifestent. Pour leurs droits, pas pour le foot.