12 août 2010

Fonds de tiroir

Qualifié pour l' « Europa League », le club de foot de Lausanne, résidant d'un stade qui contrevient aux normes de la bureaucratie du foot-pognon (l'UEFA, donc), a cherché et obtenu, par tous les moyens, à ne pas devoir jouer dans le stade de Genève. M'enfin, qu'est-ce qu'il a, notre trou de la Praille ? Il est pas beau ? il sent le pâté ? Frédéric Hohl veut pas organiser les pince-fesses annexes ?

La Fédération internationale du foot-pognon (la FIFA) lance des « journées du fait-play ». Elle est bienl placée : la FIFA retirera 3 milliards (exemptés d'impôts) du dernier Mondial, alors que l’Afrique du Sud est confrontée à une perte nette de 2,8 milliards de francs. Les partenaires financiers de la FIFA s'en sont également mis plein les poches, alors que les commerçants locaux ont été exclus des périmètres des stades et que 20'000 personnes ont, en outre, été expulsées de leur logement et littéralement parquées dans des bidonvilles. Vive le foot, quoi !


Au Cap, pour faire de la place au nouveau stade accueillant le Mondial de foot, 7000 habitants ont été déplacés dans un quartier de relégation créé ex nihilo, Blikkiesdorp, à vingt kilomètres du centre-ville, entre un aéroport et une autoroute, où ils vivent dans des baraquements en tôle, sans droit de propriété. Déjà en 2008, pour les Jeux Olympiques de Pékin, un million et demi de personnes avaient été expulsées. Pour les prochains Jeux du Commonwealth, en Inde, on compte déjà 35'000 déplacés. Vive le sport. Surtout la marche à pied des pauvres de la périphérie de la ville à son centre.

La Fédération internationale du foot-bizness, la FIFA, veut interdire aux joueurs toute expression religieuse (objets, signes, postures etc...) dans les stades lors des compétitions qu'elle organise ou supervise. On pourrait s'en indigner, surtout quand on mesure la place prise par la publicité marchande dans lesdits stades, et même sur les joueurs, et en tout cas dans le financement de la milliardaire FIDA par ses sponsors. Mais au fond, la FIFA est logique, monothéiste et cohérente : il n'y de Dieu que celui du marché du foot professionnel, la FIFA est sa prophétesse et son église, et ni le Dieu unique ni sa prophétesse ni son église n'aiment la concurrence.


Après que l'Union européenne de foot ait refusé au club français Evian.Thonon-Gaillard le droit de jouer comme à domicile au stade de Genève, et l'ait contraint à jouer à Annecy, le président de la fondation dudit stade, Benoît Genecand, fort marri, explique que « vu d'avion, il n'y a aucun sens à faire jouer le club à Annecy ou à construire un nouveau stade à deux pas de celui de Genève». Ouais. Vu de satellite non plus, ça n'a aucun sens. Mais ça n'en avait pas plus de construire un stade de 30'000 places à Genève pour qu'il reste vide, alors qu'on aurait pu rénover les Charmilles et les remplir un peu plus... alors tant qu'à faire dans l'insensé, autant y rester...

Le président sud-africain Jacob Zuma voit dans le Mondial de foot le plus grand événement pour le pays depuis la fin de l’apartheid. Pretoria avait misé sur le Mondial pour relancer l’économie du pays, durement touchée par la crise financière. Mais la facture risque d’être lourde et le réveil difficile pour le contribuable sud-africain. Le gouvernement a entrepris de vastes efforts pour l’occasion. Des stades surdimensionnés ont été construits ou réhabilités, des autoroutes ont été élargies ou prolongées, le pays s’est doté d’un nouvel aéroport à Durban, un train luxueux et rapide desservant les quartiers chics de Johannesbourg, le Gautrain, a vu le jour, les télécommunications ont été améliorées… Au total, les pouvoirs publics ont déboursé 3,5 milliards d’euros, bien plus que les 230 millions d’euros sur lesquels le gouvernement tablait au départ. Le ministère des finances a révisé à la baisse les retombées de la compétition sur la croissance. Ces dernières étaient évaluées à 1 % ; le chiffre a été divisé par deux et pourrait bien être encore plus bas. Le coût total des neuf stades, par exemple, était estimé à 120 millions d’euros ; la facture définitive se monte à un milliard d’euros, soit dix fois plus que celle envisagée initialement. Certains experts prévoient que le gouvernement fera des coupes drastiques dans les comptes publics pour amortir les dépenses, dont la rentabilité à court terme sera dérisoire. L’argent économisé, qui correspond au budget affecté à la construction de logements pendant dix ans, aurait notamment permis de loger 250 000 personnes à Johannesbourg, une ville frappée par la pauvreté et où les bidonvilles et les sans-abris sont légion. Pretoria a préféré procéder à des expulsions massives à travers le pays, comme au Cap, où vingt mille personnes ont été déplacées de force pour « embellir » la ville.

« La différence entre le football et d'autres empires gagnés par la conquête, c'est qu'il n'existe pas de puissance dominante capable d'imposer sa volonté aux autres », déclare, dans« Le Matin Dimanche », Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques... « Pas de puissance dominante » ? Tu parles... et la FIFA alors ?

Après la défaite de l'équipe de Suisse face au Chili, au Mondial de foot, « les fans suisses se vengent de l'arbitre» sur internet, et notamment via l'encyclopédie en ligne « Wikipedia », signale « 20 Minutes » du 23 juin. C'est vrai, quoi, de quel droit un arbitre arabe peut-il expulser un joueur de l'équipe de Suisse (même un peu « arabe » d'origine, sur les bords) ou ratifier l'entrée d'un ballon chilien dans les buts suisses ? Hein, de quel droit ? D'ailleurs, un arbitre saoudien, ça devrait même pas exister, ou alors seulement pour les courses de dromadaires dans le désert.

11 août 2010

Football : quand les Bleus méritent toute notre gratitude

Allumeeeez, le feuuuuuu !

Dès le coup de sifflet final de l'ultime match livré (clef en main) par l'équipe de France au Mondial sud-africain, ça a commencé. Comme à Gravelotte, c'est tombé sur les Bleus, de toutes parts Puis c'est remonté, de tout en bas, de tout au fond, là d'où débondent les égoûts médiatiques. ça avait déjà un peu suinté chez nous après la défaite de l'équipe de Suisse face à celle du Chili (la faute à l'arbitre, forcément), ça dégouline désormais un peu partout, ici et en France, en France sur le mode malin des pontifiantes certitudes à la Finkelkraut, et ici sur le mode bénin de l'ordinaire francophobie crapoteuse qui s'est étalée, après la défaite de l'équipe de France, dans les forums internet, sur Facebook et Twitter, dans les discussions de bistrot où les beaufs locaux, après s'être pris pour Francis Drake en clamant entre deux bières « on a battu l’Espagne », se sont pris ensuite pour les vengeurs de Marignan en exsudant leur francophobie...

Coq hardi

De quoi les Bleus sont-ils le nom ? des années Sarkozy -les années de l'immortel auteur du célèbre « casse-toi pauvre con », qui sermonne aujourd'hui les joueurs de l'équipe nationale de foot pour l'image qu'ils donnent de la France. La même que celle qu'il en donne lui-même depuis son élection : celle du fric et du trépignement infantile. Et à Sarkozy, la nomenklatura française fait écho : « Nous sommes la risée du monde », a sangloté le président de la fédération française de foot, un certain Escalettes. La risée du monde ? Plutôt son sel, l'ingrédient qui révèle et relève le goût. Et si le brave Escalettes poursuit en sanglotant encore : « j'ai 50 ans de valeurs morales qui se sont écroulées en un wekk-end », c'est peut-être qu'à mettre ses valeurs morales dans le foot, on finit par les perdre aussi sûrement qu'un épargnant son bas de laine placé chez Madoff. Parce qu'enfin, il conviendrait, plutôt que de s'en prendre aux joueurs (qui sont après tout les seuls dont un match de foot ait besoin...), de s'en prendre à un système qui a a multiplié par vingt depuis 1982 les dotations de la Coupe du Monde aux équipes nationales et aux clubs dont sont membres les joueurs de ces équipes, qui distribuera en 2010 420 millions de dollars aux participants aux jeux du cirque sud-africain... et qui paie trois millions d'euros l'entraîneur de l'équipe d'Italie, un million trois quart celui de l'équipe de Suisse, jusqu'à 8,8 millions celui de l'équipe d'Angleterre... mais 560'000 misérables euros le bouc-émissaire officiel de tous les malheurs de la France, Raymond Domenech. Honneur et reconnaissance aux Bleus, donc, d'avoir révélé ce que suscite le spectacle mondialisé du foot-pognon : non la critique de ce spectacle, ou de la transformation d'un sport en pompe à fric, mais la remontée des remugles racistes, l'ouverture de la chasse au bouc-émissaire, la confusion, soigneusement entretenue politiquement, entre le sort d'une équipe de foot et l'« honneur » d'un pays (et Sarkozy de réclamer la tenue d'« Etats Généraux du football français »... on a les Etats Généraux qu'on mérite, 221 ans après ceux de la Révolution...). Et le reste est à l'avenant, d'Alain Finkelkraut qui hoquète « On a rêvé avec la génération Zidane, aujourd’hui on a plutôt envie de vomir avec la génération caillera. L’équipe de France (est) une équipe de voyous à la morale de mafia qui se foutent de la France », à François Coppé, petit caporal de l'UMP, qui scrongneugneuse « Il est temps qu’on restaure la culture du commandement ». Le dernier des politicard peut bien se prendre pour Danton : avec leur incontestable talent de fouteurs de merde, les Bleus ont mis à nu l'âme du foot spectacle, du foot pognon, du foot drapeau, tel qu'il se donne à voir dans les stades mégalomanes imposés par la FIFA à l'Afrique du Sud. Qu'ils en soient ici remerciés.