11 décembre 2014

Maroc, Oslo, Paris, le CIO, la FIFA : Petite chronique du sport mafieux


Le sport, vous dites ? Eh non, le pognon...

La Justice helvétique va devoir traiter une plainte déposée par la Coupole internationale du foot business, la FIFA, pour le « mauvais comportement présumé de cerrtaines personnes dans le cadre de l'attribution des Mondiaux » de foot 2018 et 2022 au Qatar et à la Russie. Le « mauvais comportement » en question, c'est l'achat, par les Qataris et les Russes, des voix nécessaires pour que leur soient attribués les jeux du cirque footballistique. Une enquête interne de la FIFA avait pourtant, tout en relevant des « irrégularités », permis à la Coupole de ne pas remettre en cause ces deux attributions, à deux puissances (l'une politique, l'autre financière) qu'elle n'avait pas du tout envie de titiller. Pour le foot continental, on note la défection, au motif ou au prétexte d'Ebola,, du Maroc pour organiser la Coupe d'Afrique. Et il y a aussi des trous dans les Jeux Olympiques, d'hiver et d'été. Et là, ce sont les défections de villes candidates qui ont été annoncées. Alors quoi, ça va mal pour le sport mondial ? Voui : l'essentiel est  menacé. L'essentiel vous dites ? Le sport ? Eh non, banane, le pognon...

«  Si elle imaginait sa propre existence, la connerie ne serait plus elle-même » (Georges Picard)

Premier épisode : Le Maroc ayant déclaré forfait pour l'organisation de la Coupe d'Afrique de foot, en raison de la peur d'une contamination des foules par le virus Ebola, la faîtière continentale de ballopied (la CAF) devait choisir un autre pays. On connaît les critères d'une parfaite rectitude qui guident les choix des faitières (continentales ou internationales) sportives en ce qui concerne la démocratie, les droits humains, la transparence financière, tout ça... Et on n'a pas été déçus : la CAF a choisi la Guinée équatoriale et son président, Teodoro Obiang Nguema, 72 ans dont 35 ans au pouvoir (après un coup d'Etat, forcément, contre son oncle), dictateur « népotique et prédateur » (dixit Le Monde) d'un pays où la violence à l'égard des opposants, de la société civile et de la presse est quotidienne, la corruption omniprésente et la misère massive. Le choix rêvé pour une «grande fête du foot» dont le clan au pouvoir, les entreprises qui lui sont liées et la faîtière continentale du foot profiteront plein pot, et que la plèbe regardera passer. Et paiera. La routine, quoi...

Deuxième épisode : Oslo a retiré sa candidature pour les JO d'hiver 2022 pour des raisons financières (la foire sportive des neiges coûte trop cher pour ce qu'elle vaut aux yeux des Norvégiens), mais « personne ne doit s'inquiéter pour les Jeux », a assuré le président du Comité International Olympique : il reste les deux candidatures de deux célèbres stations de sport d'hiver, Pekin et Almaty (Kazakhstan). Ouagadougou n'était pas candidate. Et à propos du respect des Droits de l'Homme, le CIO assure qu'il prend « très au sérieux l'application de la Charte Olympique durant les jeux ». Avant et après les Jeux, il s'en fout. On se sent très Norvégiens, du coup. Ou Parisiens : la Maire de Paris, Anne Hidalgo, a renvoyé dans les cordes François Hollande qui s'était déclaré « favorable » à ce que la Ville de Paris se porte candidate à l'organisation des Jeux Olympiques d'été de 2024, au prétexte que « ce sera un moment de ferveur », que ça fera « le plein d'équipements, d'emplois et d'industries qui pourront se montrer ». A quoi Hidalgo a fort pertinemment répondu que la « course au toujours plus » à laquelle se livrent les villes organisatrices leur laisse surtout des équipements surdimensionnés, et inutiles une fois les jeux passés.

Dernier épisode : la plainte de la FIFA auprès de la justice suisse, pour corruption (mais sans prononcer le terme) dans l'attribution des Mondiaux de foot 2018 et 2022 au Qatar (où les ouvriers tombent comme des mouches pour construire les stades) et à la Russie. Et elle est bien emmerdée, la justice suisse. Parce que si jamais la plainte devait aboutir à la confirmation officielle de ce que tout le monde sait, que des voix nécessaires au Qatar et à la Russie pour se voir attribuer chacun leur Mondial ont été achetées et que cette attribution est donc nulle et non avenue, on imagine la colère poutinienne et émirienne. Et c'est teigneux, la Russie. Et c'est très riche, le Qatar. Et ils dépensent du pognon, en Suisse, les oligarques et les émirs. Et les fédérations sportives internationales sont bien une soixantaine à avoir posé leur sièges et leurs comptes en banque en Suisse, où elles ont rapporté près d'un milliard et demi de francs à l'économie en 2011. Dès lors, les paris sont ouverts : la justice suisse ira-t-elle jusqu'au bout de son travail, ou enterrera-t-elle le dossier sous le gazon d'un stade?
Tiens, celui de Genève, par exemple, qui ne sert pas à grand chose, pourrait servir à cela. Avant que le canton qui veut le reprendre dans le cadre d'une nouvelle répartition des tâches entre lui et les communes ne s'aperçoive qu'en fait, il ne reprendrait qu'un terrain vague avec un trou au milieu et  des dizaines de millions déjà balancés dedans.

07 décembre 2014

Fonds de tiroir


Oslo a retiré sa candidature pour les Jeux Olympiques d'hiver 2022, pour des raisons financières (la foire sportive des neiges, un gouffre financier pour ses organisateurs mais un pactole pour le ComIté International Olympique, coûte trop cher pour ce qu'elle vaut aux yeux des Norvégiens), mais « personne ne doit s'inquiéter pour les Jeux », a assuré le président du Comité International Olympique : il reste les candidatures de deux célèbres stations de sport d'hiver, Pekin et Almaty (Kazakhstan). Ouagadougou n'était pas candidate. Et à propos du respect des Droits de l'Homme, le CIO assure qu'il prend « très au sérieux l'application de la Charte Olympique durant les jeux ». Avant et après les Jeux, il s'en fout. On se sent très Norvégiens, du coup.

Hier, on félicitait chaudement les Norvégiens pour avoir renoncé à porter Oslo candidate à l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver 2022. Aujourd'hui, on félicite tout aussi chaudement la Maire de Paris, Anne Hidalgo, pour avoir renvoyé dans les cordes François Hollande qui s'était déclaré «favorable» à ce que la Ville de Paris se porte candidate à l'organisation des Jeux Olympiques d'été de 2024, au prétexte que « ce sera un moment de ferveur », que ça fera « le plein d'équipements, d'emplois et d'industries qui pourront se montrer». A quoi Hidalgo a fort pertinemment répondu que « les Jeux, ça coûte cher, y compris la candidature en soi » et que la « course au toujours plus » à laquelle se livrent les villes organisatrices leur laisse surtout des équipements surdimensionnés, et inutiles une fois les jeux passés. Eh ouais, François, des fois, c'est utile de réfléchir avant de parler, ça évite de dire des conneries et de se faire tacler par ses propres camarades de parti...

Le Maroc ayant déclaré forfait pour l'organisation de la Coupe d'Afrique de foot, en raison de la peur d'une contamination des foules par le virus Ebola, la faîtière continentale de ballopied (la CAF) devait choisir un autre pays. On connaît les critères d'une parfaite rectitude qui guident les choix des faitières (continentales ou internationales) des sports qui rapportent, en ce qui concerne la démocratie, les droits humains, la transparence financière, tout ça... Et ben on a pas été déçus : la CAF a choisi la Guinée équatoriale et son président, Teodoro Obiang Nguema, 72 ans dont 35 ans au pouvoir (après un coup d'Etat, forcément, et en famille, contre son oncle), dictateur « népotique et prédateur » (dixit « Le Monde ») d'un pays où la violence à l'égard des opposants, de la société civile et de la presse est quotidienne, la corruption omniprésente et la pauvreté massive (la moitié de la population n'a pas accès à l'eau potable, un enfant sur cinq meurt avant l'âge de cinq ans...). Le choix rêvé pour une « grande fête du foot » dont le clan au pouvoir, les entreprises qui lui sont liées et la faîtière continentale du foot profiteront plein pot. La routine, quoi...

22 octobre 2014

Il y a trois mois, le Mondial de foot brésilien... et le pire reste à venir...


    
L'équipe nationale suisse de foot a donc battu celle de Saint Marin. Le Vatican et Andorre restent à portée de pénalty. Monaco et le Liechtenstein en sont plus loin, mais Hopp Sviss quand même. Et c'est là qu'on se dit « comme le temps passe vite »... il y a trois mois, on poussait un gros soupir de soulagement : le Mondial de foot se terminait. On en résume le coût : 12 milliards de francs (au moins) claqués pour organiser la fête à neuneu, par un Brésil en manque d'infrastructures scolaires, sanitaires et de transports publics efficaces, avec à la clef l'expulsion des vendeurs ambulants pour complaire aux sponsors, la déportation, pour faire place aux stades, à leurs voies d'accès et à leurs parkings, de 200'000 personnes à la périphérie la plus lointaine possible des villes accueillant des matches, une explosion de la spéculation immobilière, la répression des manifestations dénonçant gaspillages et corruption... Le foot-pognon et ses mafias dans toutes leurs splendeurs, quoi. Et ce sera pire encore en 2018 en Russie et en 2022 au Qatar.


La reconnaissance de Medor envers qui lui sert sa pâtée

Si le Mundial avait pu être mis en échec par ses opposants brésiliens, un précédent historique aurait été créé, qui aurait contraint la FIFA à repenser complètement non seulement le mode d'attribution des compétitions qu'elle organise (et fait payer par les pays organisateurs), mais sans doute aussi leur mercantilisation et tout ce qui l'accompagne, de la corruption aux épurations sociales et urbanistiques menées à grands renforts policiers dans les villes qui accueillent les matches et les infrastructures qu'ils rendent nécessaires. Las ! Les manifestations brésiliennes n'ont pas entravé, ni perturbé, les jeux du cirque. En 2013, pourtant, un mouvement populaire de protestation contre le prix et l'inefficacité des transports publics avait rapidement débouché sur une contestation massive des ressources consacrées au Mundial (et de la corruption les accompagnant), comparées à celles qui manquent aux infrastructures essentielles. Un an plus tard, cette contestation s'était essoufflée, dispersée en revendications sectorielles. Et dès que les Jeux du Cirque se sont ouverts, ils ont recouvert les critiques -mais n'est-ce pas à cela, aussi, qu'ils servent, depuis toujours ?

La concurrence entre les pays candidats à l'organisation du spectacle mondial de ballopied pousse à l'inflation de son coût, dans une sorte de course au gigantisme à laquelle ne peuvent participer que les pays les plus riches (mais pas forcément les plus démocratiques). Le Mondial brésilien de 2014 aura coûté au moins 15 milliards de dollars, le double du Mondial sud-africain de 2010. Le budget global du Mondial russe de 2018 devrait lui aussi atteindre le double de son prédécesseur, et dépasser les 30 milliards. Et l'ascenseur du gaspillage somptuaire devrait encore prendre de l'altitude ensuite, pour atteindre carrément les 200 milliards de dollars en 2022, au Qatar. Où déjà les ouvriers népalais tombent comme des mouches pour construire les infrastructures de la Coupe du monde que l'émirat a obtenue en achetant pour cinq millions les votes nécessaires au sein de la FIFA, après quoi les parrains de la FIFA, Sepp Blatter en tête (« petit caudillo de la FIFA, qui s'est autominéralisé sur son trône pour mieux instituer le football universel arrangeur et juteux » (Christophe Gallaz), ont pu se payer le luxe de faire les dégoûtés et d'exclure le représentant quatari au sein du Comité exécutif de la Coupole du foot-pognon.  Parce qu'il y a eu corruption ? Non : parce que cela s'est su. 

Aujourd'hui, au Brésil, les ressources publiques manquent pour les écoles, les hôpitaux, les transports publics, mais la FIFA aura engrangé au moins quatre milliards de francs des droits TV... Le vainqueur (allemand) de cette compétition exécrable comme tous les autres participants (suisses, entre autres), et comme le gouvernement (de gauche) brésilien étaient forcément complice de tout ce qu'elle a nécessité -et complices de cette complicité les supporters de ce vainqueur comme ceux de toutes les équipes participantes, comme tous les media faisant écho à cette exhibition.

Elle est là, la grande victoire de la FIFA, au-delà de l'abrutissement des foules et de la connification des masses, au-delà des profits qui en sont retirés : dans la reconnaissance du chien de Pavlov envers qui lui sert sa pâtée.

31 juillet 2014

Fonds de tiroir

Comme on sait que vous avez suivi avec passion les matches de la Coupe du Monde de balopied, on vous donne quelques nouvelles de là ousqu'elle fut organisée : au Brésil, donc. Et le Brésil, c'est pas que le foot : c'est aussi le troisième producteur agricole mondial, où le secteur de l'agriculture pèse 40 % des exportations. Et où un milliard de litres d'agrotoxiques (engrais et fertilisants chimiques, pesticides, herbicides, fongicides, acaricides, amérindienicides...) sont répandus chaque année, ce qui fait plus de cinq litres par habitant. Un tiers des denrées alimentaires ingérées par les Brésiliens en sont infectées, ce qui fait d'eux les plus gros consommateurs au monde de ces saloperies -donc certaines, comme le Paraquat (Gramoxone), commercialisé par l'entreprise suisse Syngenta, sont interdits dans le pays de leur invention (depuis 25 ans, dans ce cas) mais utilisés sans problème chez les rastaquouères -d'autant que leur importation au Brésil est exemptée d'impôts. Ouala, c'était notre rubrique « sous les stades de foot, la merde »...

06 juillet 2014

Fonds de tiroir


Petit rappel, puisé dans « Gauche Hebdo », du contexte social brésilien au moment de l'ouverture du Mundial : à Fortaleza,  la nouvelle ligne de métro construite pour l'occasion à provoqué l'expulsion de 10'000 personnes de leur logement, et la destruction de 3000 logements. Dans l'ensemble du pays, ce sont 250'000 personnes qui ont été expulsées de chez elles pour les chantiers des infrastructures du Mundial. Pour faire propre, on a aussi visé les enfants des rues : des milliers d'entre eux ont été victimes d'exactions policières. Voilà, c'était notre rubrique sportive. Paraît qu'il en faut une.

On observe avec satisfaction que pendant le Mundial de foot, les poubelles de la Ville sont équipées de sacs aux couleurs de l'équipe de Suisse, avec le slogan « Hop Suisse ! ». Et on se dit qu'en effet, la poubelle est la destination idéale de l'intérêt porté au Mundial, au foot, à l'équipe de Suisse et à toutes les autres équipes..

Petite chronique du foot-pognon : on vous rappelle que Sepp Blatter n'est pas le seul Blatter qui sévit dans le milieu -son neveu Philippe est directeur d'une société qui gère la moitié des droits télévisuels du Mundial, et a des participations dans une entreprise mexicaine qui contrôle la vente des billets et les loges « VIP » dans les stades. Et comme on ne connaît pas toute la famille Blatter,  on n'exclut pas qu'il y en ait d'autres membres qui profitent du parrainage du padrino de 78 ans, qui vient de réussir à convaincre une majorité des délégués de la FIFA de renoncer à placer une limite d'âge ou de mandats successifs à qui voudrait la présider. Mais il va de soi que c'est par pure conviction personnelle et choix éthiques que les délégués ont ouvert la voie à un cinquième mandat présidentiel de Sepp Blatter, qu'aucun d'entre eux n'a subi de pression ou n'a été acheté, et qu'il n'y a eu aucun marchandage. Promis, juré, cochon qui s'en dédit. Et ceux qui doutent ne sont rien que des mauvaises langues, comme l'ancien président de la fédération anglaise de foot, David Triesman, qui a « bien peur que la FIFA ne se conduise comme une famille de mafieux. Elle possède une longue tradition  de pots-de-vin, de magouilles et de corruption ». Sans blague ? C'est probablement pour éviter de s'en rendre compte officiellement que le parlement fédéral suisse s'apprête à poubelliser un projet de loi déposé par le socialiste genevois Carlo Sommaruga, qui proposait de poursuivre d'office (sans attendre une plainte) les cas de corruption dans le secteur privé, et donc dans le secteur des grandes organisations sportives internationales genre FIFA, incapables de s'autoréguler -à supposer même qu'elle en aient le début du commencement d'une vague intention. La Suisse abrite une soixantaine de fédérations sportives internationales, dont le CIO, la FIFA et l'UEFA. Toutes officiellement « sans but lucratif », bien entendu...  Or la FIFA a annoncé la semaine dernière un chiffre d'affaire de 1,4 milliard de dollars, des réserves de 1,43 milliard de dollars et un bénéfice 72 millions. Alors, hein, les gauchistes, on touche pas l'arrosoir... 

25 juin 2014

Des vertus intégratives supposées du football : Nati sauce multiku

  Ce soir, on saura qui de la Suisse ou du Honduras (mais c'est où, ça, le Honduras ? Comment peut-on être Hondurien ?) aura passé le cap des éliminatoires du Mundial de foot pour se retrouver en huitième de finale, et qui prendra, comme les Italiens, les Anglais, les Espagnols (pour ne citer que ceux-là) le charter du retour. Avouons d'emblée qu'on s'en fout un peu, de savoir qui des Suisses ou des Honduriens restera au Brésil. En revanche, quelque chose qu'on nous serine depuis le début du Mundial à propos de l'équipe de Suisse commence assez sérieusement à nous chauffer les oreilles : l'ode au « multiculturalisme » de cette équipe, mesuré par l'origine nationale de ses joueurs, et à son exemplarité positive.  Les équipes de foot, et le spectacle qu'elles donnent, auraient ainsi des vertus intégratives particulières... Question : ces vertus supposées ne seraient-elles pas communes à toutes les pratiques collectives dans une société, « multiculturelle » par définition... L'équipe de Suisse qui gagne, c'est  « notre Nati » La même qui perd, c'est le FC Prishtinë Sur les 23 membres de la sélection suisse de foot pour le Mundial brésilien, la majorité sont nés à l'étranger ou de parents étrangers. Et alors ?  Souvenez-vous de l'équipe de France «Black-Blanc-Beur» championne du monde en 1998 et du portrait de Zidane balancé par laser sur l'Arc de Triomphe... combien de temps a-t-il fallu pour passer de cette euphorie « multiculturelle » à la promotion tribale de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle ? Et combien de temps entre le vote du 9 février dernier contre l'« immigration massive » et la promotion de la « Nati » comme fer de lance de l'intégration des immigrants ? « les immigrés sont là pour le pays et ensuite on vote contre eux », se désole, dans Le Monde,. un dirigeant du club amateur genevois FC Kosova. Il en va sans doute ainsi de l'équipe nationale de balopied :  le joueur d'origine «étrangère» qui marque un but contre l'équipe adverse sera un héros et un symbole d'intégration. Il sera un traître et un métèque s'il commet un autogoal. Tant que l'équipe gagne, elle est un modèle, un étendard. Dès lors qu'elle perd, elle n'est plus qu'une équipe faillie. Si la Suisse se qualifie ce soir, son équipe sera « notre Nati ». Si elle se fait sortir par le Honduras, a même équipe ne sera plus que le FC Prishtinë. En  outre, il y a quelque chose de profondément pervers à mettre en exergue l'origine nationale, géographique, « ethnique » des membres d'un collectif (une équipe nationale de foot, par exemple...) pour proclamer les hautes vertus intégratives de ce collectif, comme si cette différence là, celle des origines géographiques, était plus importante, ou plus menaçante a priori, qu'une différence de milieu social. Toute société est, par définition, multiculturelle. C'est ce qui la distingue de la communauté. Mais cette «multiculturalité» n'est pas réductrice à la pluralité des origines nationales, et il y a plus loin d'un paysan de montagne appenzellois à un instituteur genevois qu'entre un instituteur genevois et un instituteur algérien... Puisque toute société est multiculturelle par définition, toute manifestation sociale, tout groupement social, le sont aussi, et cela vaut pour le sport comme pour le théâtre, pour une équipe de foot comme pour un orchestre... 40 % des licenciés de football en Suisse sont étrangers, 60 % des joueurs des équipes juniors sont binationaux ? Y voir autre chose que le reflet, non pas arithmétique mais pour ainsi dire synthétique de la société suisse relève soit de l'autosuggestion, soit de l'apologie publicitaire : ce sont les pratiques collectives qui sont « intégratives », le sport comme les autres, et pas plus que les autres. Une partouze ou une émeute le sont au moins autant, sinon plus, qu'un match de foot, et mériteraient autant que lui que l'on chantât leur louange à l'aune de leur « multiculturalité ». Dès lors, regardons (si nous y trouvons quelque intérêt) les matches du Mundial pour ce qu'ils sont, et pas pour ce qu'on voudrait en faire, et que ceux qui veulent y vibrer y vibrent, comme on peut le faire devant un spectacle qu'on aime, parce que ce n'est rien que cela : ni une cérémonie religieuse, ni une glorification de la patrie, ni une célébration du «multiculturalisme . Un spectacle, rien de plus. Et donc, comme Malraux le disait du cinéma, par ailleurs, aussi, une industrie. Aussi, ou désormais surtout.. Sur ce, pour entendre moins de conneries et de klaxons :  Hopp Honduras !

12 juin 2014

Mundial de foot : C'est parti pour un mois de purge


      Voilà, c'est parti, pour un mois de purge. Une majorité des Brésiliens, selon les sondages, estiment désormais qu'organiser le Mundial fut une erreur, que les milliards gaspillés dans cette organisation, l'édification de ses infrastructures spécifiques et son encadrement sécuritaire auraient du être consacrés à autre chose, de plus essentiel : la requalification des services publics. Ajoutez à cela la destructions des quartiers pauvres, l'expulsion de leur population dans une périphérie la plus lointaine possible, l'épuration sociale, la corruption, les violences policières, les morts et blessés dans la construction des stades et la main-mise des multinationales sponsorisant l'événement sur les lieux où il se produit, vous aurez l'arrière-plan, le décor, le contexte, de la « grande fête du foot ». Et on sait bien qu'on ne pourra pas la gâcher, la « grande fête du foot », avec nos états d'âmes tiermondistes de gauche.. Mais si on pouvait y arriver, à la gâcher, on le ferait ... et si la plèbe brésilienne des sans logis, des sans emplois, des sans soins, des sans terre, pouvait le faire, on y applaudirait...

Quel geste pouvons-nous adresser au Mundial et à tous ceux à qui il importe ?

A quoi servent les jeux, dans le duo «panem et circenses », sinon à faire oublier le manque de pain ? A faire dériver la colère populaire vers autre chose que ce sur quoi, et ceux contre qui, elle devrait porter ? Qu'ils le veuillent ou non, l'acceptent ou s'en défendent, tous ceux qui vont orgasmer devant le spectacle du Mundial et les prouesses de leur équipe favorite se rendent complices de tout ce que ce spectacle suppose (de la corruption à l'exploitation, du gaspillage des ressources à la crétinisation des masses) et que ces équipes cautionnent. Le supporter qui braille après le but marqué par « son » équipe ne dit rien d'autre à l'organisateur du spectacle que « continuez à faire ce que vous faites, comme vous le faites »...

En attendant, le Brésil l'a déjà gagné, le Mundial. Du moins un certain Brésil, et un certain Mundial: le Brésil des pauvres, et le Mundial du refus du pouvoir du fric. Le Brésil qui est descendu en masse dans les rues des villes du pays pour dénoncer l'orgie financière de la manifestation, et en délégitimer les organisateurs, la Coupole mafieuse du foot mondial en tête, la FIFA, et ses chefs, les Blatter et autres Platini, en exergue. Ce qui n'empêche d'ailleurs pas Blatter d'être candidat à sa propre succession : parrain, c'est un boulot stable, auquel on ne renonce que les pieds devant.
La corruption est au coeur du système de la FIFA. Elle règne au moment de l'attribution de la compétition mondiale à tel ou tel pays (l'émirat du Qatar a ainsi littéralement acheté les votes nécessaires pour qu'il obtienne le Coupe du Monde de foot en 2022), elle règne dans ce pays ensuite. L'univers de la FIFA est, résume l'expert « anticorruption » Mark Pieth, « dominé par les jeux de pouvoir, le patronage et les patriarches, installés depuis des décennies ». A quoi il faut évidemment ajouter, comme moteur du système, l'argent. Le blé. Le pognon. L'oseille. Le grisbi. La FIFA génère des milliards (de francs, d'euros, de dollars, de livres sterling, au choix) de bénéfices, qu'elle redistribue aux pays, aux organisations sportives, aux membres de son comité, dans une opacité presque absolue, favorisée par le fait qu'elle est une association de droit suisse sur laquelle la Suisse refuse d'exercer un droit de regard suffisant pour la contraindre à un peu plus de transparence.
Les questions politiques, les droits humains ? la FIFA s'en fout. C'est pas son problème. Son problème, c'est de se faire un maximum de pognon dans un minimum de temps. Ainsi peut-elle décider de la marque de bière vendue dans les stades et autour, mais refuse-t-elle de demander la moindre garantie de respect des droits fondamentaux (ceux des populations des pays qui vont organiser les compétitions qu'elle patronne et amorcer la pompe à fric qu'elle siphonne, et ceux des travailleurs qui vont construire les infrastructures nécessaires à ces compétitions).

Quant à nous, pour qui les plus beaux gestes footballistiques resteront longtemps « la main de Dieu » de Maradona, le coup de boule de Zidane et la prune de Cantona sur un supporter, quel autre geste pouvons-nous adresser au Mundial, à la Fifa, à Blatter et à tous ceux pour qui cet « événement » importe plus que l'état du monde, qu'un doigt d'honneur ?



10 juin 2014

POUR EN FINIR AVEC LE SPORT-POGNON




POUR EN FINIR AVEC LE SPORT-POGNON
















Comité de citoyens et citoyennes contre tout nouveau crédit pour le stade de la Praille
Case postale 2003
1211 Genève 2
Compte de chèques postaux : 17-403303-2






courriel : troubles@infomaniak.ch




forum de discussion et archives des bulletins : http://groups.yahoo.com/group/lapraille




Brèves


On a eu chaud, dis donc : le 18 mai, à Zurich, une initiative de la Croix-Bleue proposant l'interdiction totale de la publicité pour des boissons alcoolisées (bière comprise) dans les stades et sur les maillots des sportifs, était soumise au vote, et les sondages la donnaient gagnante. D'où mobilisation de masse des milieux «sportifs », des sponsors, des clubs, du gouvernement et du parlement contre une mesure «disproportionnée». C'est vrai, quoi, si on peut plus se pinter dans les stades et si les sportifs ne peuvent plus faire de la pub pour de la bibine, où va-t-on ? La brasserie Feldschlösschen ne consacre pas 70 % de ses engagements de sponsor au sport (essentiellement le foot et le hockey) pour des prunes... L'Association zurichoise pour le sport sonnait le tocsin : si l'initiative est acceptée, « les clubs subiront des pertes financières massives, de nombreuses manifestations devront être annulées et les cotisations devront être augmentées ». Enfer et damnation ! Pourtant, certains sports ont déjà renoncé à la pub alcoolophile et ne s'en portent pas plus mal (la course à pied, le ski), mais ça pas doit être de vrais sports. Finalement, au vote, l'initiative a été repoussée, et la mobilisation des sponsors et des milieux du sport professionnel (foot et hockey en tête) a gagné. Les vraies valeurs ont été sauvées. C'est bon, de savoir que de grandes mobilisations pour de grands objectifs éthiques peuvent encore gagner. Vous avez dit de grands objectifs éthyliques ? Non, crétin, éthiques ! Ah bon. Mais ça veut dire quoi, « éthique » ?

Déclarations sur le stade de la Praille dans le « Matin Dimanche »  du 11 mars  : « Pour Servette, la Praille, ce beau stade sans âme, n'a jamais fait oublier les Charmilles »  (Michel Zen-Ruffinen, ex-membre de la FIFA)... « Thoune fait tout juste (...) Le stade, par exemple, avec ses 8000 places, est parfaitement adapté »  (Jean-Claude Donzé, « Swiss Football League » ). Voilà , voilà ... on en fait quoi, maintenant, de notre « beau stade sans âme » quatre fois trop grand ?

   

05 juin 2014

Mundial de foot : sous les stades, la plèbe

Piqûre de rappel social dans les « fan zones »

Avant les matchs du Mundial brésilien, sur le site de la « Fan Zone » des Vernets, un clip de Solidar Suisse sera diffusé, passant en revue les « fautes » les plus exemplaires commises lors des précédentes compétitions internationales, pour en arriver, sous le slogan « stop aux tacles sociaux », à un « tacle » du patron de la coupole internationale du foot professionnel (la FIFA), Sepp Blatter, sur un petit vendeur de rue brésilien. Le Mundial brésilien, il est vrai, est passé comme un rouleau compresseur sur le petit peuple des villes où se joueront les matchs, dans des stades rénovés ou construits flambant neufs, à coups de milliards dans un pays où les infrastructures sociales les plus essentielles sont en déshérence.  Si nous étions animés de quelque mauvais esprit, nous souririons de cette caresse à nos bonnes consciences de gauche (qui, il est vrai, on bien besoin d'un peu de tendresse en ce moment), mais n'étant animés de rien qui ressemble à du mauvais esprit, nous saluons cette piqûre de rappel social, « contextualisation » indispensable des jeux du cirque.


« Si tu n’espères pas l’inespéré, tu ne le trouveras pas » (Héraclite, fragment XVIII)

Les spectateurs des matchs du Mundial de foot au Brésil ne seront pas gênés par la réalité sociale des villes ou ces matchs se dérouleront, et il n'y aura pas de concurrence artisanale faite aux multinationales qui sponsorisent le tournoi : Près de 300'000 petits vendeurs de rue sont visés par les exigences d'épuration sociale posées par la FIFA aux autorités brésiliennes : des zones d'exclusion commerciale s'étendant jusqu'à deux kilomètres autour des stades ont été instaurées, où les vendeurs « non  agréés » seront interdits. Les fameuses « retombées financières » du grand raout footballeux, ce sont les entreprises de construction des stades (qui ont surfacturé leurs services et fait ainsi quadrupler les coûts de construction ou de modernisation des stades) et les sponsors de la FIFA qui vont, après déduction de la corruption, les engranger, pas la plèbe brésilienne. Elle, la plèbe, sera tenue à l'écart des zones de non-droit que seront les stades et leurs alentours, comme elle a été expulsée de ses logements détruits pour faire place aux infrastructures centrales et périphériques du Mundial.

Notre ministre des sport, Sami Kanaan, rappelle que depuis l'Euro 2008, la Ville tente de. « sensibiliser la population aux problèmes des droits humains lors des grands rassemblements sportifs »; vaste programme, mais quelle population veut-on sensibiliser? celle qui l'est déjà ? ou celle qui va « communier » lors de la « grand-messe » du foot ? On a les religions qu'on mérite, et si athée et anticlérical qu'on soit, on en vient  facilement à préférer à celle dont la célébration va s'ouvrir en juin, celles dont nous nous sommes si souvent gaussés.
Outre la diffusion du clip de Solidar Suisse, la Ville a permis l'installation de stands d'information de plusieurs associations de défense des droits humains dans la « Fan Zone ». Sami Kanaan assume, au nom de la Ville de Genève le contenu critique du travail d'information des associations qui tenteront de faire passer au public un message de solidarité et de responsabilité, et affirme que ce message est, sur le fond, partagé par la Ville. On ne pourra évidemment, ici, que saluer cet engagement : si inaudible que soit une parole de vérité dans une foire comme celle qui va s'ouvrir, il convient tout de même de la proférer. On ne se fera pourtant pas beaucoup d'illusions quant à l'efficacité de cette présence critique pour attirer l'attention du public des « fan zones » sur les conséquences sociales de l'organisation du Mundial brésilien : en période footballeuse, et le Mondial est probablement la pire de toute, le supporter est totalement inaccessible à toute espèce de discours à peu près rationnel. C'est d'ailleurs précisément sur cette infirmité intellectuelle que comptent le gouvernement brésilien et la FIFA : au coup d'envoi du match, le cerveau s'arrête, les tripes prennent la relève et la protestation sociale qui avait soulevé le Brésil contre le gaspillage de 10 milliards de francs pour le Mundial dans un pays où écoles, transports, système de santé sont en déréliction, est recouverte par le spectacle « sportif » : «combien d'hôpitaux, d'écoles, de logements aurait-on pu construire avec l'argent dépensé dans les stades ? » demandaient les manifestants de juin 2013... et que fera-t-on de certains de ces stades, surdimensionnés pour le public de villes comme Brasilia ou Manaus ?

Mais sait-on jamais : peut-être qu'avant l'orgie tripale et tribale, ou après (en laissant passer le temps du deuil hébété pour les supporters des perdants et de l'exsudation orgasmique pour ceux des gagnants), des bribes de réalité peuvent se frayer un chemin dans les neurones mis en veille.
Il faut espérer l'inespérable, nous enseigne le vieil Héraclite...

21 mai 2014

Fonds de tiroir

La Ville de Genève a confirmé pour le Mondial de foot l'interdiction faite aux bistrots sur tout le territoire municipal de coller des écrans de télé sur les terrasses. Et ça râle dans les bistrots et chez les supporters -comme s'ils manquaient de lieux pour s'ébrouer devant les matches. Ou comme si n'avoir pas, pendant qu'on sirote peinard son jaja à la terrasse d'un rade,  à se farcir des troupeaux d'abrutis beuglants et bourrés (et le cas échéant équipés de klaxons, de feux de Bengale et de pétards, était une revendication exorbitante... Et qu'on ne nous dise pas qu'on est des antisportifs primaires (même si c'est vrai qu'on l'est) : la retransmission en  direct des Mondiaux de pétanque ou des tournois d'échecs sur des écrans de télé à la terrasse des bistrots, on serait même plutôt pour...

13 mai 2014

Mondial de foot au Brésil : Ordem e lucro !



Le 12 juin s'ouvrira le Mondial de foot, organisé au Brésil à  coup de milliards (20 à 30 milliards de francs investis pour le Mondial et les JO de 2016, dont au moins 13 milliards pour le seul Mondial) consacrés à la construction d'infrastructures (stades, routes et aéroports), et au financement des actions d'épuration sociale (expulsions des habitants des favelas, interdiction des marchands de rue, notamment) entamées pour donner du Brésil l'image d'un pays « propre en ordre ». « Ordem e progresso », proclame la devise du Brésil. « Ordem », l'ordre, sans doute. Mais pendant le Mondial, pour nourrir la coupole internationale du foot professionnel, en laissant le peuple du pays organisateur du Mondial en payer la facture ce sera plutôt « Ordem e lucro »... 


« Quand les mouettes suivent un chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va leur jeter des sardines » 


Le Mondial brésilien de foot va coûter plus cher que ses trois prédécesseurs en Corée du sud et au Japon, en Allemagne et en Afrique du sud. Coûter à qui ? Evidemment pas à la coupole internationale du foot professionnel, la Fifa. Coûter au Brésil. C'est-à-dire aux Brésiliens. Comme les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi ont été payés (50 milliards de francs)  par la Russie, c'est-à-dire les Russes, et comme la Coupe du monde de foot va coûter 100 milliards au Qatar (et a déjà été payée de la mort de 400 travailleurs immigrés employés à la construction des infrastructures de la « grande fête du foot» -d'ailleurs, au Brésil aussi, gouvernement de gauche ou pas, 25'000 ouvriers s'épuisent pour des salaires ridicules, sans paiement des heures supplémentaires, dans un absolu mépris des lois sur le travail et des normes de sécurité, à construire des stades pour la place desquels des milliers de personnes ont été expulsées de leur logement.
Ces délires pharaoniques ont été vendus à grands coups de promesses aux peuples qui vont finalement les payer  : vous allez en profiter, ça va créer des emplois, générer des revenus, développer des activités, et tout cela dans la durée... résultat ? Le Mondial de foot en Afrique du Sud a accouché d'une dette de 2,8 milliards de francs, que les contribuables sud-africains vont devoir éponger et qui entraîne des restrictions budgétaires dans des domaines aussi essentiels que la santé et l'éducation. Mais la Fifa, elle, y a gagné près de deux milliards et demi, et les entreprises de construction près d'un milliard et demi... Au Brésil, l'engagement financier pour le Mondial a eu pour effet une réduction massive des ressources allouées au services publics -quant aux stades construits grâce à des fonds publics ils seront ensuite privatisés -comme les six principaux aéroports rénovés pour l'occasion.

En juin dernier, près d'un million de Brésiliens manifestaient contre l'augmentation des tarifs des transports publics, leur incapacité à assurer leur service au public, la déshérence des systèmes de santé et d'éducation et le manque de moyen accordés aux infrastructures sociales indispensables alors que des milliards sont dilapidés pour les infrastructures nécessaires au Mondial. « Le Brésil, faites un effort pendant un mois, calmez-vous » implore Michel Platini, président de la coupole européenne du foot professionnel (l'UEFA). Calmez-vous pendant le Mondial, et payez ensuite pendant des décennies ce qu'il aura coûté. Et le parrain mondial du parrain européen, Sepp Blatter, président de la Fifa, a dit sa conviction que « le football est plus fort que l'insatisfaction des gens». Mais moins que l'autosatisfaction de Blatter. « Quand on a un homme fort à la tête d'un Etat qui peut décider, comme pourra le faire Poutine en 2018 (le prochain Mondial se fera en Russie), c'est plus facile pour nous », susurre le secrétaire général de la Fifa...
Aux crapuleuses âneries des Blatter, Platini et autres représentants des coupoles mondiales et régionales du foot-pognon, on s'autorisera à préférer de loin les aphorismes frapadingues d'Eric Cantona. Comme son célèbre « Quand les mouettes suivent un chalutier, c'est qu'elles pensent qu'on va leur jeter des sardines ». Et quand les mouettes brésiliennes à qui la Fifa et le gouvernement du Brésil ont promis des sardines s'aperçoivent que celles qu'on leur a jetées sont avariées, qu'est-ce qu'elles font, toutes fan de foot qu'elles soient ? D'abord elles dégueulent, ensuite elles manifestent. Pour leurs droits, pas pour le foot.

11 avril 2014

Fonds de tiroir

« Genève est paré pour la finale de la Coupe » de Suisse de foot, «Genève est prêt pour accueillir la finale de la Coupe de Suisse » titre (deux fois, au cas où on n'aurait pas compris) la «Tribune de Genève » de samedi (qui oublie au passage que Genève est un nom propre féminin). Explication : les « débordements » des supporters lors de la finale de la Coupe, traditionnellement accueillie au Stade de Suisse à Berne, ont incité la ville de Berne à renoncer à accueillir cette « grande fête du foot », de la bière et de la connerie. Et comme Genève dispose d'un stade de 30'000 places dont elle ne sait pas quoi foutre, le Conseil d'Etat (Maudet en tête) et le fondation du stade de la Praille (dit « Stade de Genève ») se précipitent pour poser leur candidature et conclure un «partenariat» avec l'Association suisse de football pour la répartition des coûts de sécurité de l'opération. Voilà pour le prétexte. Mais derrière, il y a aussi, pour ne pas écrire « surtout », l'occasion de demander du fric aux collectivités publiques. Parce que la fondation du stade, elle a besoin de fric pour remettre son stade aux normes de l'ASF. Elle utilise donc le prétexte pour avancer sa sébile : il lui faut, paraît-il, six millions de francs pour « mettre le stade à niveau, et notamment améliorer l'accueil des VIP ». Qui ne sauraient évidemment être accueillis comme de vulgaires spectateurs. Bon, ben on fait déjà chauffer le référendum ou on attend que ça se décante ? 


Le 22 février, à Sao Paulo, une manifestation d'opposition au Mondial de Football organisé, à un coût astronomique, par le Brésil, a dégénéré en violence et en saccage, et en répression brutale. Des dizaines de manifestants ont été arrêtés, ainsi que cinq journalistes. On compte des blessés dans les rangs des manifestants comme dans ceux de la police. Des agences bancaires ont été mises à sac, des barricades ont été érigées. Le 12 juin, c'est précisément à Sao Paulo que devrait se tenir le match d'ouverture du Mondial. Les manifestants dénonçaient, sous le slogan « Le Mondial pour les riches, la mortadelle pour les pauvres »,  le gaspillage, par milliards (de dollars ou d'euros) pour cette manifestation, alors que les services publics, les infrastructures utiles à la population et les prestations sociales sont dans un état lamentable, des écoles aux hôpitaux en passant par les transports. Des manifestations semblables, et dénonçant également le Mondial et le gaspillage qui l'accompagne,  avaient déjà eu lieu, plus massives, lors de la Coupe des confédérations de football, en juin 2013. Au total, le Brésil aura investi 11 milliards de dollars dans l'organisation du Mondial et la construction des stades. Le vieux mot d'ordre romain « panem et circensens » est toujours d'actualité : « du pain et des jeux ». Mais encore faudrait-il qu'il y ait vraiment du pain et pas seulement des jeux de cons. Ah oui, on allait oublier : le présidente et le gouvernement brésiliens sont de gauche. Du Parti des Footballeurs -pardon : du Parti des Travailleurs.

06 mars 2014

Jeux Olympiques de Sotchi et de Poutine : Derrière le décor du village Potemkine

Une semaine après que les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi se fussent ouverts, on en avait déjà plus que marre, d'être sommés de hurler de plaisir après une « victoire suisse » (vive la libre circulation des champions...) ou de pleurer de désespoir après une plantée helvétique, de devoir se passionner pour des compétitions dans des disciplines dont on ne connaissait même pas l'existence, de saluer des « exploits » dont on se contrefout et de s'intéresser à la statistique des médailles par pays. On nous rétorquera que « si on n'aime pas ça, faut pas en dégoûter les autres » -le problème est que « ça », il est presque impossible d'y échapper (et d'échapper à Poutine) en ce moment dès qu'on ouvre un journal, qu'on allume une radio ou une télé ou qu'on facedebouquise. Il n'est donc pas interdit de rappeler à quoi ressemble la réalité russe derrière le décor du village Potemkine olympique...

La défense des droits humains n'est pas une discipline olympique. La chasse au pognon, si.

Les J.O. de Sotchi, les plus chers de l'histoire des JO d'hiver, auront coûté à la Russie 46 milliards de francs (suisses, les francs, pas CFA...). On comprend dès lors mieux l'exercice de génuflexion auquel le patron du CIO, Thomas Bach, s'est livré devant Poutine : « sans votre implication personnelle, tout cela n'aurait pas été possible». On connaît l'« implication personnelle » de Poutine dans les jeux du cirque d'hiver, mais on n'aurait garde d'oublier celle, bien plus rude, des 70'000 personnes taillées et corvées à merci pour qu'ils se tiennent, ces jeux.
« Sport et politique sont inséparables », reconnaissait, dans le Matin Dimanche d'il y a dix jours, l'un de nos gourous, l'ancien Conseiller fédéral Adolf Ogi. On n'aura donc garde non plus d'oublier ce qui, derrière le rideau du village Potemkine olympique (Poutine serait-il flatté d'être la Grande Catherine de cette opération ?) fait la réalité politique de la Russie poutinienne : les lois discriminatoires, la répression violente de manifestations pacifiques, les restrictions à la liberté d'expression et à la liberté d'association, les arrestations arbitraires (même suivies de libérations médiatiques), la corruption, les pratiques des forces de sécurité, culminant dans celle de la torture et des exécutions extra-judiciaires, l'obsession homophobe, le retour des camps de travail et de la chasse aux «parasites », c'est-à-dire les sans-papiers et sans domicile, que l'on propose de conduire de force dans d'anciens kolkhozes transformés en lieux de «redressement» social. Tout cela correspond pleinement à l'idéologie exprimée par l'ancien lieutenant-colonel du KGB devenu adepte du discours identitaire : en septembre dernier, il exposait sa doctrine, un mélange de religion orthodoxe, de tsarisme messianique, de référence à la « civilisation chrétienne », d'autoritarisme, de machisme et d'homophobie, face à une Europe en «perte d'identité due à la perte des valeurs chrétiennes» et au renoncement « à ses racines, à son idéologie traditionnelle, culturelle, religieuse, et même sexuelle »...

La défense des droits humains n'est pas une discipline olympique. Ni d'été, ni d'hiver. Ni à Sotchi, ni ailleurs. En revanche, la course au pognon l'est -mais n'y concourent que le Comité international olympique et ses sponsors :  la cérémonie d'ouverture (pharaonique) des JO d'hiver 2014, à Sotchi, n'avait pas encore déroulé ses premiers fastes (staliniens) que le Comité international olympique annonçait la bonne nouvelle -celle qui lui importe bien plus, puisqu'elle pèse d'un poids financier, que les résultats sportifs des JO : Panasonic a signé un contrat d'exclusivité avec le CIO jusqu'en 2014. On ne sait pas combien Panasonic va payer, puisqu'une clause de confidentialité exclut de rendre ce montant public, mais cela doit au moins, selon des sources crédibles, atteindre les 100 millions de dollars, et peut-être les 200 millions. Pour n'être que « partenaire local » (brésilien) aux JO d'été 2016, Nissan aurait dépensé 250 millions de dollars, et cinq contrats passés avec le comité d'organisation brésilien avaient déjà rapporté 570 millions de dollars en 2012. « Le prix pour être partenaire principal (du CIO) doit refléter les conditions du marché », explique le CIO. On ne saurait mieux dire que ce sont ces conditions-là, celles de la compétition entre sponsors, et pas celles des compétitions sportives, qui sont déterminantes.
Cela dit, nous, on aime bien le curling : ça nous rappelle la pétanque. Et du coup, on se demande pourquoi la pétanque et la boule lyonnaise ne sont pas disciplines olympiques. Et Ricard sponsor officiel des Jeux Olympiques (d'été).

13 janvier 2014

2014, grande cuvée sportive : Décervelage intensif au programme

Coupe du monde de foot, Jeux Olympitres de Sotchi, sans oublier les récurrences (Tour de France, championnats nationaux, derbies divers et variés) : l'année 2014 s'annonce comme l'une des meilleures cuvées du crétinisme sportif. On a déjà, ici, évoqué les délires financiers et bétonniers et l'exploitation négrière de travailleurs pour construire les arènes des jeux du cirque.  Mais on ne saurait oublier que toutes ces pathologies supposent une idéologie et proposent un spectacle, et que pour comprendre l'impact mondial du décervelage par le sport il est aussi utile de lire Guy Debord que les comptes de la FIFA ou du CIO...

La plus réussie de toutes les entreprises de crétinisation de masse...

Deux petites informations prises en vrac dans les journaux de ces derniers jours nous serviront d'introduction : D'abord, 37'000 policiers et militaires vont être mobilisés par la Russie poutinienne pour « sécuriser » les Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi (sans pour autant annihiler la menace « terroriste »).  Ensuite, la coupe du monde de foot, attribuée au Qatar pour de sordides raisons policito-financières, devra être déplacée de l'été à l'hiver, parce qu'il est difficile d'envisager faire jouer des matches par 50 degrés (celsius) à l'ombre dans un désert bétonné de stades à peu près aussi utiles au Qatar que des pistes de courses de chameaux dans l'Oberland bernois....

Le sport s'est mondialisé, et le monde s'est « sportivisé » : les sports, en particulier les sports d'équipe, se sont professionnalisés, codifiés, marchandisés -et en même temps que se développaient les sports les plus rentables économiquement et médiatiquement, les sports traditionnels et locaux, se folklorisaient -ce qui permet d'ailleurs d'en parfaire la fonction identitaire, à l'image des fêtes suisses de lutte ou de gymnastique. Les calendriers sportifs, devenus universels pour les plus importants d'entre eux (les mondiaux de foot, les Jeux Olympiques...) sont de plus en plus resserrés dans le temps (les moments de « pause sportive » ne sont plus exceptionnels, ils sont devenus illusoires si l'on tient compte des calendriers de tous les sports qui comptent), et de plus en plus encombrants pour toutes les autres activités sociales, y compris pour les calendriers politiques et culturels, qu'ils finissent par contraindre à se caler sur eux pour ne pas perdre du public. On échappe de plus en plus difficilement au lavage sportif de cerveau : le sport s'étale dans la presse, à la télévision, sur internet, dans les bistrots, sur les places publiques. Et, glouton, il consomme des ressources financières publiques de plus en plus considérables, pendant que les coupoles internationales du sport professionnel, qui n'assument aucune des charges financières de construction des infrastructures nécessaires à leurs jeux du cirque, s'engraissent en vendant pour des sommes astronomiques le sponsoring et la transmission télévisée de ces jeux. On est dans un spectacle mondial qui prend des allures de pandémie, inéradicable.
Les records, les performances, les résultats sont portés aux nues, et mythifiés, et  les « champions » donnés pour exemples comme naguère la vie des saints ou les exploits des dieux -le dopage, la violence, le « tous les moyens sont bons pour gagner », le racisme des supporters ne comptent pas, ou pour beurre allégé. Le commentaire sportif est à l'unisson du vide sidéral de ce qu'il commente, mais imprègne d'autant plus facilement le langage d'autres champs sociaux, à commencer par la politique, que les mots y sont rares, les idées courtes et les phrases simples : la bêtise est  plus efficace que l'intelligence, et l'inculture plus compréhensible que la culture -des imbéciles parlant d'imbéciles n'auront jamais aucune peine à se faire comprendre par un public rendu imbécile par cela même dont on lui parle et envieux de ceux dont on lui parle et dont le mode de vie parasitaire et le langage décérébré deviennent référentiels, parce que ceux-là, les champions, sont riches à millions quand ceux qui s'extasient devant eux sont souvent pauvres -mais prêts à trouver indécent le salaire d'un ministre quand le revenu de leur idole sportive en est le centuple...

2014 s'annonce ainsi sous les pires auspices : on va nous farcir les media de grands discours sur les « valeurs éternelles du sport », les « exemples pour la jeunesse », la « grande fraternité des sportifs de toute provenance ». Ces conneries, on les entend certes puis un siècle, mais elles se sont depuis répandues comme une marée noire  : c'est poisseux, gluant, ça se colle partout, ça étouffe toute critique -et ça recouvre tout ce que le sport est réellement, aujourd'hui comme lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936,  de Moscou en 1980, de Séoul en 1988, de Pékin en 2008, de Sotchi en 2014 : la plus réussie et la plus rentable, politiquement et financièrement, de toutes les entreprises de crétinisation des masses.
La plus réussie, et donc la plus dangereuse.