21 juin 2011

FC Servette et Stade de la Praille : De la mendicité des mammouths

Les hurlements de joie et les klaxons des supporters bourrés ne s'étaient même pas encore estompés, après le retour du FC Servette en ligue A, que le président dudit FC Servette, et désormais, en plus, exploitant du stade de la Praille, réclamait 2 millions et demi à la Ville et au canton. Sinon, lui, il ne paiera pas pour les investissements « nécessaires ». Na ! Il ne sait pas que la mendicité est interdite à Genève et que le chantage, c'est une mauvaise manière, Pishar ? Ou alors, en tant que mendiant millionnaire à la légèreté de «mammouth » pour reprendre l'expression de l'éditorialiste du « Matin Dimanche », il a acheté une dispense de respect de cette interdiction et une autorisation générale de paître dans les finances publiques ?

Les mammouths, les fantômes et le permafrost

A propos des « deux mammouths dans un magasin de porcelaine » que sont, selon elle (mais nous partageons ce constat paléontologico-économico-sportif), Majid Pishar, patron du FC Servette, et Bulat Chagaev, patron du Xamax, qui l'un et l'autre exigent des communes et/ou du canton dans lequel ils s'ébrouent qu'elles et ils leur fassent quelques petits cadeaux (2,5 millions pour Pishar, une pelouse pour Chagaev), Ariane Dayer se demandait dans le Matin Dimanche de dimanche dernier si c'est « le foot qui a besoin de la politique ou le contraire » ? Ben, les deux, ma colonelle, ou alors peut-être que tout dépend de quel foot et de quelle politique on parle... parce que si c'est du foot pognon de Pishar et Chagaev et de l'aplaventrissement des zautorités devant leurs clubs (dont on rappellera utilement au passage qu'ils sont des sociétés anonymes, pas des associations sans but lucratif), on se contentera de constater que l'un (le sport) se nourrit de la pusillanimité de l'autre (la politique)... Et qu'apparemment, il bouffe bien. Majid Pishar exige donc deux millions et demi de la Ville et du canton de Genève, sous peine de renoncer à assurer les « investissements nécessaires » pour rendre « compétitif » le club dont il est propriétaire. Et ces exigences, Charles Beer pour le canton, Sami Kanaan pour la Ville, en ont pris connaissance non de la bouche de Pishar (qui apparemment ne parle d'ailleurs toujours pas la langue du lieu -encore un problème d'intégration, que fait l'UDC ?), mais des colonnes de la Tribune de Genève, bulletin officiel des supporters du Servette, du stade, de Pishar et de tout ce qui va avec. Le montage que propose Pishar (qui demande aussi des sous aux milieux privés, mais qui sait qu'il les obtiendra plus facilement des «politiques ») est du même type que celui qu'ont proposé (et obtenu) les dirigeants de l'autre Servette, celui du Hockey : on ne subventionne pas le club, on subventionne ce que le club devrait subventionner, son centre de formation, ses juniors, sa « Maison du Servette » (puisque comme dirait Claudel, le foot,, y'a des maisons pour ça...) bref : tout ce qui fait joli dans le tableau panégyrique à la gloire du sport-qui-tisse-le-lien-social, et, surtout, tout ce qui permet au club de de ne plus avoir à payer pour ce que la Ville et le canton seraient d'accord de financer. Le résultat est le même, en moins compromettant politiquement, que si les collectivités publlques payaient directement : c'est deux millions et demi de plus pour le club, ou pour Pishar, qu'on les lui donne ou qu'on lui permette de les économiser. Est-ce que ça lui permettrait de payer le personnel de sa boîte, qu'il refuse de payer, ou de régler les factures du Servette ou du stade qui restent impayées depuis janvier, comme nous l'apprenait Le Temps du 11 juin ? Et le quotidien d'ajouter : «les fantômes du passé ressurgissent ». Parce que quelqu'un pensait sérieusement qu'ils avaient disparu ? qu'on les avait exorcisés ? Les fantômes n'ont-ils pas l'éternité pour eux, même lorsqu'ils hantent les stades de foot, la sébile à la main ? En attendant que les hurlements des fantômes de la Praille cessent de résonner dans les colonnes de la « Julie », on se réjouit d'avance d'apprendre par quel nouveau tour de passe-passe nos zautorités vont réussir à sortir les millions que réclame le patron du Servette, sans les soumettre à référendum populaire. En les intégrant purement et simplement aux budgets municipal et cantonal ? Parce que si Pishar astique sa sébile, nous, on pourrait dépoussièrer nos stands de récolte de signatures... sport pour sport, le nôtre coûte moins cher à la collectivité, n'engraisse aucun mammouth et, écologiquement responsable, sauvegarde le permafrost de la Praille.

12 juin 2011

Fédération internationale du foot-pognon (FIFA) : Circulez, y'a rien à voir...

Unique candidat restant à sa propre succession (« un couronnement sans opposant, c'est comme un mandat frauduleux », estimait le président de la fédération anglaise de foot, qui a vainement plaidé pour un report de l'élection), le Suisse Sepp Blatter a donc été réélu pour un quatrième mandat (le dernier, a-t-il promis, juré) à la présidence de la Fédération internationale du foot-pognon, la FIFA, avec un score nord-coréen (186 suffrages sur 203 votants) malgré les accusations de corruption dont cette coupole sportive fait l'objet. Lui s'en est sorti (« il est intouchable car il n'a jamais touché, mais il sait qui a touché », commente un ancien cadre de la FIFA) , pas le Quatari Mohammed Bin Hammam, qui a dû se retirer de la course à la présidence. Les deux candidats avaient fait campagne en promettant de restaurer l'éthique sportive et d'en finir avec la corruption. Personne ne les a cru, l'un des deux a été éjecté de la course, l'autre, dans l'appareil depuis bientôt quarante ans et à sa tête depuis vingt ans comme secrétaire général, puis directeur exécutif puis président, a été réélu. « C'est une journée formidable pour la FIFA car elle a démontré l'unité de notre famille », a résumé le padrino réélu. Circulez, y'a rien à voir, sport-business as usual.

La FIFA : Milliardaire, corrompue... et « d’utilité publique »...

Les principaux « partenaires économiques » (les sponsors, quoi) de la Fédération Internationale de football «amateur» (amateur de quoi ? de pognon ?) ne sont pas contents : l'image de la FIFA se dégrade au fur et à mesure que tombent comme à Gravelotte les révélations sur ses dirigeants (10 d'entre eux, sur 24, sont soupçonnés de corruption) et sur les achats de votes de représentants de fédérations nationales -mais soyons clairs : ce n'est pas la corruption qui gène Visa, Coca-Cola. Adidas, Sony, Hyundai, ou Emirate, c'est qu'elle s'étale au grand jour. D'ailleurs, aucun des ces aimables philanthropes n'a menacé de retirer ses billes financières de la FIFA. C'est d'ailleurs grâce à eux que les revenus quadriennaux de la FIFA ont dépassé les quatre milliards de dollars. Et comme on peut légitimement douter que ces multinationales soutiennent cette autre multinationale pour l'amour du sport, on se dit qu'elles trouvent leur intérêt à poursuivre ce soutien intéressé. Le porte-parole de Coca-Cola, lié à la FIFA depuis 1978, la joue pourtant alarmiste : « les allégations actuelles (de corruption) sont angoissantes et très mauvaises pour le sport ». Le président de la ffédération danoise de foot, au nom de tous les pays scandinaves, a réclamé la création d'une commission indépendante chargée de faire la lumière sur ces allégation. Ces Scandinaves croient au Père Noël ? la FIFA n'a aucun intérêt à « faire la lumière » sur ses propres pratiques et celles de ces dirigeants. Certes, elle va, comme l'y invitait Micheline Calmy-Rey, « prendre au sérieux » les accusations de corruption -mais c'est parce qu'elle sait qu'elles ne sont pas sans fondement, et qu'il importe de tout faire pour qu'elles ne perturbent pas le business du foot. Il faudra rassurer les sponsors et les chaînes de télévision qui achètent les droits de retransmission des jeux du cirque. Et on s'en tiendra là : « faire le ménage » au sein de la coupole du foot, ce serait tuer le foot business... or les dirigeants de la FIFA, et la FIFA elle-même, en vivent, du foot business, et ils ne sont pas du genre à égorger la poule aux oeufs d'or avant qu'elle ait pondu tout ce qu'elle peut pondre. « Ne laissez pas l'argent abimer votre idéal », plaidait Micheline Calmy-Rey -mais l'argent n'abime pas l'idéal du foot, il l'achète, et un idéal qui s'achète, c'est bien un idéal qui se vend, au plus offrant. Sepp Blatter, bottant en touche, a fait accepter le principe de l'attribution des coupes du monde non plus par le comité exécutif de la FIFA, mais par son assemblée générale (ou le délégué d'une île pacifique de quelques milliers d'habitants, dont 50 footballeurs, pèse autant que celui du Brésil et de ses millions de footballeurs amateurs et professionnels). Et après ? ça fera simplement plus de votants à corrompre, ça coûtera un peu plus cher, mais le jeu continuera à en valoir la chandelle, et la triche. Milliardaire et corrompue, se souciant comme de son dernier maillot des droits de la personne humaine (elle vient d’attribuer la Coupe du monde 2022 au Qatar, un pays où les femmes et les migrants sont traités comme des citoyens de seconde zone, où l’homosexualité est punissable et qui ne connaît ni la liberté de la presse ni la liberté d’opinion), la FIFA continue de jouir dans notre pays, puisqu'elle y est installée comme n'importe quel évadé fiscal, d'un statut d'organisme « d’utilité publique ». Cette belle oeuvre charitable à engrangé un bénéfice de 2,35 milliards de francs lors de la Coupe de monde de football en Afrique du Sud, et a versé plus de 50 millions de francs de bonus à Sepp Blatter (dont le salaire annuel dépasse le million de francs) et ses autres dirigeants, alors que l'organisation de la Coupe a creusé un trou de 3 milliards dans les finances de l’Etat sud-africain, dont 40% des habitants vivent dans une pauvreté absolue. Le même destin attend le Brésil, qui accueillera la Coupe du monde en 2014. Le statut « d’utilité publique » de la FIFA lui a permis de ne payer entre 2007 et 2010 que soixante fois moins d'impôts (3 millions au lieu de 180 millions) que ce qu'elle aurait dû payer si elle avait été taxée comme une entreprise lucrative, ce qu'elle est. Voilà pourquoi Solidar Suisse et la Jeunesse socialiste suisse lancent une pétition qui invite le Conseil fédéral et le Parlement à « mettre fin aux privilèges fiscaux (allègements et exonérations) accordés à la Fédération de football association (FIFA)» : Signez la pétition! (www.solidar.ch/petition-fifa.html)