12 juin 2011

Fédération internationale du foot-pognon (FIFA) : Circulez, y'a rien à voir...

Unique candidat restant à sa propre succession (« un couronnement sans opposant, c'est comme un mandat frauduleux », estimait le président de la fédération anglaise de foot, qui a vainement plaidé pour un report de l'élection), le Suisse Sepp Blatter a donc été réélu pour un quatrième mandat (le dernier, a-t-il promis, juré) à la présidence de la Fédération internationale du foot-pognon, la FIFA, avec un score nord-coréen (186 suffrages sur 203 votants) malgré les accusations de corruption dont cette coupole sportive fait l'objet. Lui s'en est sorti (« il est intouchable car il n'a jamais touché, mais il sait qui a touché », commente un ancien cadre de la FIFA) , pas le Quatari Mohammed Bin Hammam, qui a dû se retirer de la course à la présidence. Les deux candidats avaient fait campagne en promettant de restaurer l'éthique sportive et d'en finir avec la corruption. Personne ne les a cru, l'un des deux a été éjecté de la course, l'autre, dans l'appareil depuis bientôt quarante ans et à sa tête depuis vingt ans comme secrétaire général, puis directeur exécutif puis président, a été réélu. « C'est une journée formidable pour la FIFA car elle a démontré l'unité de notre famille », a résumé le padrino réélu. Circulez, y'a rien à voir, sport-business as usual.

La FIFA : Milliardaire, corrompue... et « d’utilité publique »...

Les principaux « partenaires économiques » (les sponsors, quoi) de la Fédération Internationale de football «amateur» (amateur de quoi ? de pognon ?) ne sont pas contents : l'image de la FIFA se dégrade au fur et à mesure que tombent comme à Gravelotte les révélations sur ses dirigeants (10 d'entre eux, sur 24, sont soupçonnés de corruption) et sur les achats de votes de représentants de fédérations nationales -mais soyons clairs : ce n'est pas la corruption qui gène Visa, Coca-Cola. Adidas, Sony, Hyundai, ou Emirate, c'est qu'elle s'étale au grand jour. D'ailleurs, aucun des ces aimables philanthropes n'a menacé de retirer ses billes financières de la FIFA. C'est d'ailleurs grâce à eux que les revenus quadriennaux de la FIFA ont dépassé les quatre milliards de dollars. Et comme on peut légitimement douter que ces multinationales soutiennent cette autre multinationale pour l'amour du sport, on se dit qu'elles trouvent leur intérêt à poursuivre ce soutien intéressé. Le porte-parole de Coca-Cola, lié à la FIFA depuis 1978, la joue pourtant alarmiste : « les allégations actuelles (de corruption) sont angoissantes et très mauvaises pour le sport ». Le président de la ffédération danoise de foot, au nom de tous les pays scandinaves, a réclamé la création d'une commission indépendante chargée de faire la lumière sur ces allégation. Ces Scandinaves croient au Père Noël ? la FIFA n'a aucun intérêt à « faire la lumière » sur ses propres pratiques et celles de ces dirigeants. Certes, elle va, comme l'y invitait Micheline Calmy-Rey, « prendre au sérieux » les accusations de corruption -mais c'est parce qu'elle sait qu'elles ne sont pas sans fondement, et qu'il importe de tout faire pour qu'elles ne perturbent pas le business du foot. Il faudra rassurer les sponsors et les chaînes de télévision qui achètent les droits de retransmission des jeux du cirque. Et on s'en tiendra là : « faire le ménage » au sein de la coupole du foot, ce serait tuer le foot business... or les dirigeants de la FIFA, et la FIFA elle-même, en vivent, du foot business, et ils ne sont pas du genre à égorger la poule aux oeufs d'or avant qu'elle ait pondu tout ce qu'elle peut pondre. « Ne laissez pas l'argent abimer votre idéal », plaidait Micheline Calmy-Rey -mais l'argent n'abime pas l'idéal du foot, il l'achète, et un idéal qui s'achète, c'est bien un idéal qui se vend, au plus offrant. Sepp Blatter, bottant en touche, a fait accepter le principe de l'attribution des coupes du monde non plus par le comité exécutif de la FIFA, mais par son assemblée générale (ou le délégué d'une île pacifique de quelques milliers d'habitants, dont 50 footballeurs, pèse autant que celui du Brésil et de ses millions de footballeurs amateurs et professionnels). Et après ? ça fera simplement plus de votants à corrompre, ça coûtera un peu plus cher, mais le jeu continuera à en valoir la chandelle, et la triche. Milliardaire et corrompue, se souciant comme de son dernier maillot des droits de la personne humaine (elle vient d’attribuer la Coupe du monde 2022 au Qatar, un pays où les femmes et les migrants sont traités comme des citoyens de seconde zone, où l’homosexualité est punissable et qui ne connaît ni la liberté de la presse ni la liberté d’opinion), la FIFA continue de jouir dans notre pays, puisqu'elle y est installée comme n'importe quel évadé fiscal, d'un statut d'organisme « d’utilité publique ». Cette belle oeuvre charitable à engrangé un bénéfice de 2,35 milliards de francs lors de la Coupe de monde de football en Afrique du Sud, et a versé plus de 50 millions de francs de bonus à Sepp Blatter (dont le salaire annuel dépasse le million de francs) et ses autres dirigeants, alors que l'organisation de la Coupe a creusé un trou de 3 milliards dans les finances de l’Etat sud-africain, dont 40% des habitants vivent dans une pauvreté absolue. Le même destin attend le Brésil, qui accueillera la Coupe du monde en 2014. Le statut « d’utilité publique » de la FIFA lui a permis de ne payer entre 2007 et 2010 que soixante fois moins d'impôts (3 millions au lieu de 180 millions) que ce qu'elle aurait dû payer si elle avait été taxée comme une entreprise lucrative, ce qu'elle est. Voilà pourquoi Solidar Suisse et la Jeunesse socialiste suisse lancent une pétition qui invite le Conseil fédéral et le Parlement à « mettre fin aux privilèges fiscaux (allègements et exonérations) accordés à la Fédération de football association (FIFA)» : Signez la pétition! (www.solidar.ch/petition-fifa.html)

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