31 mai 2010

Genève : Nouvelle patinoire ou rénovation de l'ancienne ?

Hoquets sur glace

Emouvant tableau, ce 28 avril, à la Mairie de Piogre : magistrates et magistrats de gauche, du centre et de droite, de la Ville et du canton, communiaient dans l'obligatoire ferveur à laquelle tout politicien-ne de Genève était tenu à l'égard du club de hockey local. Concours de génuflexions ( « vous avez dépassé toutes les attentes et fait rêver toute une ville et un canton » - Manuel Tornare Dixit), exercice individuel et collectif de prosternation béate ( « vous avez amené quelque chose de magique dans le cité » - Charles Beer dixit), choeurs de louanges ( « le parcours des Aigles peut s'assimiler à une victoire » - Rémy Pagani dixit)... après quoi, puisqu'il faut bien passer aux choses sérieuses, promesses en vrac : on va rénover la patinoire des Vernets (qui le mérite, comme le mérite par exemple ,le stade de Frontenex), on va vous donner une autre patinoire, plus grande, plus belle, plus chère et plus vide, qu'on installera à l'Arena, ou à Plan Les Ouates, ou ailleurs, on ne sait pas où, mais peu importe, on paiera. Chaque année. Comme pour le stade de la Praille. On puisera dans les caisses publiques pour construire la chose, pour l'entretenir, pour l'administrer. On paiera pour la patinoire, on paiera pour le club, même s'il ne communique ses budgets qu'avec réticence et que ses comptes sont opaques. Le président du Servette Hoykey Club, Hugues Quennec, qui veut une patinoire d'au moins 10'000 places, exige des « garanties et des engagements » de la Ville, et menace : « Sans infrastructure adéquates, le coach et moi-même ferons nos valises ». Pour la Praille ?

Comique de répétition
Tout auréolé de sa défaite en finale du championnat, et tout sanctifié par le choeur des politiciens locaux (on est à un an des élections municipales, il ne fallait pas s'attendre à autre chose qu'au concours de démagogie dont nous avons été gratifié), le Genève-Servette Hockey Club veut des sous (il est en déficit de trois millions et veut des places VIP pour équilibrer ses comptes) et une nouvelle patinoire, plus grande, plus belle, plus chère... et tant pis si la Ville a déjà dépensé quinze millions pour rénover nos bons vieux Vernets (où murmure encore l'écho du « Gran Mitin » communiste espagnol que nos zautorités avaient autorisé à la condition, illusoire, que Dolorès Ibarruri et Santiago Carrillo s'y tiennent coite et coi...) Rénover la patinoire des Vernets, donc ? soit. D'autant qu'on a déjà commencé. Mais construire une nouvelle patinoire, par exemple à l'Arena, nous rejouer comme Mark Muller la partition calamiteuse du stade de la Praille en n'en changeant pas même le refrain (« il faut un écrin pour le club »), en remplaçant seulement le mot « stade » par le mot « patinoire » ? La prudence exprimée par le seul, ou presque, Rémy Pagani s'impose, et les grandes effusions rituelles passées, il serait bon que les «politiques» consentent à faire fonctionner leur cerveau plutôt que leurs calculettes électorales : d'un interlocuteur à l'autre le coût minimal d'une nouvelle patinoire passe du simple (50 millions) au triple (150 millions), le dernier des imbéciles sachant désormais que, comme à la Praille, à la fin de l'exercice, le coût réel de construction de ce genre de grand machin sportif atteint le double du coût initialement annoncé, que l'invocation du partenariat public-privé et la promesses d'un « business plan » ne sont que poudre aux yeux et que comme le sport (ou ce qui en tient lieu dans des enceintes du type de celle posée à la Praille ou projetée à l'Arena ou ailleurs) ne permet pas de rentabiliser les équipements dont on s'est doté en son nom, et qu'on a fait payer par les collectivités publiques, il faudra, année après année, pendant un demi-siècle, boucher les trous et combler les déficits. Ces rappels utiles tombent cependant mollement dans les oreilles obstruées de sourds volontaires. « Il s'agit aujourd'hui d'oublier les dissensions du monde politique pour retenir le rassemblement populaire derrière l'équipe » genevoise de hockey, a lancé Manu. Eh bien non, nous n'oublierons pas les « dissensions du monde politique », et s'il nous est donné de pouvoir les entretenir, nous les entretiendrons. Parce que le «rassemblement populaire», d'ailleurs bien plus modeste que sa proclamation médiatique, et surtout bien plus fugace que les pulsions bétonnières des amateurs de monuments à la gloire du sport professionnel, ne justifie pas n'importe quoi. Et surtout pas qu'à dix ans d'intervalle, on nous chante la même chanson, on nous produise les mêmes mensonges, pour commettre les mêmes erreurs, camouflées par les mêmes bricolages et niées par le même aveuglement.

16 mai 2010

Vous avez aimé le stade de la Praille ? Vous adorerez le centre sportif de Plan-les-Ouates !

Le déclassement de 58 hectares du secteur dit « Les Cherpines – les Charrotons » dans la Plaine de l’Aire, sur les communes de Confignon et Plan-les-Ouates, a été accepté la semaine dernière par la Commission parlkementaire cantonale de l'aménagement, contre l'opposition de l'UDC et des Verts, les socialistes étant divisés (pas opposés au déclassement en principe, mais très critiques sur le projet qu'il rend possible). Le Grand Conseil devra encore se prononcer, mais à vue de nez, et sans prendre trop de risques, une majorité est prête à voter ce déclassement nécessaire à la réalisation, entre l'Aire, la route de Base et l'autoroute de contournement, d'un projet comportant, théoriquement, 2000 logements, mais aussi un projet de centre sportif (sur Plan-les-Ouates) regroupant tous les sports possibles et imaginables. A croire que la calamiteuse expérience du stade de la Praille n'a rien appris aux fétichistes du bétonnage à prétexte « sportif » .

Cardons le cap

La commission du Grand Conseil a donné le premier feu vert au déclassement des Cherpines et des Charrottons, le Grand Conseil devrait suivre, mais sans que l'on sache précisément ce qui poussera sur ces terres maraîchères à la place du cardon, et ce qui y remplacera l'agriculture de proximité qui s'y est installée. On sait cependant que la commune de Plan-Les-Ouates (c'est-à-dire sa majorité politique) souhaite y implanter un centre sportif maousse agrémenté d'une patinoire, de terrains de foot et de rugby, d'aires de tir à l'arc et d'équitation etc... le tout garni de restaurants, d'un hôtel, de commerces, de bureau et d'un parking Certes, il est également prévu d'implanter dans cette zone 2000 à 3000 logements, et des services publics (une école, notamment), mais l'ensemble du «paquet», et son artistique ficelage, ne peut que rappeler à notre souvenir un exercice du même genre, à la Praille. Avec des conséquences financières qui, logiquement, devraient être les mêmes : engager des collectivités publiques dans le financement interminable d'un projet surdimensionné. Urbaniser la zone du nord-est de l'autoroute de contournement est une chose. L'urbaniser n'importe comment, en particulier sans réflexion réelle sur les conséquences en termes de circulation, en est une autre. L'espace concerné se prêterait parfaitement à la création d'un véritable écoquartier, intégrant des parcelles agricoles, reprenant des projets en lice les espaces et les services publics qu'ils proposent, mais se gardant de répéter à Plan-Les-Ouates les erreurs, pour user d'un terme prudent, commises à la Praille -mais jamais reconnues par ceux qui non seulement les ont commises, mais les ont imposées à la population. Pour parer à ce risque, un comité référendaire s'est mis sur pied* : il devrait agir dès le vote du projet de loi de déclassement. Assez tôt, espérons-le, pour qu'émerge un contre-projet répondant, lui, à des besoins réels et qu'on évite aux collectivités publiques de devoir payer pendant des décennies les conséquences d'une erreur d'autant moins pardonnable qu'elle ne serait qu'une récidive dans l'aveuglement volontaire.
* http://www.plainedelaire.ch/

11 mai 2010

Un carton jaune pour le foot-pognon ?

« Non à l’exploitation lors de Coupes du monde de football »

L’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) a lancé hier a pétition « Hor$jeu – Un carton jaune pour Sepp Blatter! ». La pétition* exige de la Fédération internationale du foot-pognon (la FIFA) qu’elle s’engage activement contre l’exploitation et pour le respect des droits humains lors de Coupes du monde de football. La FIFA devrait imposer aux sponsors et aux entreprises de construction des stades et autres équipements induits par les mondiaux de foot qu'ils et elles versent des salaires suffisants pour vivre et respectent les normes fondamentales du travail. Les pays et entreprises qui ne sont pas disposés à remplir ces conditions ne devraient plus pouvoir organiser de Coupe du monde ou assumer de travaux en lien avec cette dernière. Et après les jeux du cirque, une fois les télés parties, la FIFA gavée et les supporters décuités, la plèbe locale retourne à la normalité de l'exploitation ?

* La pétition peut être signée sur
www.horsjeu-afriquedusud.ch/

Panem et circenses

Pour la prochaine Coupe du monde de football, en Afrique du Sud, la FIFA n'a rien laissé au hasard. Elle régit tout: de la hauteur du gazon à la diagonale d’écran règlementaire pour les diffusions publiques. Ce contrôle du moindre détail permet à la FIFA de s’assurer un bénéfice prévu de deux milliards de francs suisses. La FIFA ne laisse rien au hasard. Rien de ce qui pourrait lui rapporter, du moins. Car elle serait, selon les dires de son président, le Suisse Sepp Blatter, impuissante à faire respecter les droits du travail et les droits humains. Or « la Coupe du monde ne profitera malheureusement pas à tout le monde. L’Afrique du Sud a investi 4,5 milliards de francs en vue du Mondial. Ces investissements massifs n’ont cependant rien apporté aux 20 millions de pauvres que compte l’Afrique du Sud. 43 % de la population restera par conséquent hors jeu », rappelle le président de l’Oeuvre Suisse d'Entraide Ouvrière, Hans-Jürg Fehr, qui poursuit : « Les ouvriers ont construit les stades pour des salaires de misère et des quartiers pauvres ont été rasés, pour des raisons d’image. Les nouvelles maisons promises aux personnes chassées n’ont pas été construites, faute d’argent ». Quoi qu'elle en dise, en tant qu’organisatrice de la Coupe du monde, la FIFA a la possibilité d’exercer une pression sur ses mandataires et de leur imposer des conditions sur le plan social. L’OSEO exige par conséquent le respect des droits humains lors d’événements organisés par la FIFA – une exigence d’autant plus essentielle que le prochain Mondial aura lieu au Brésil. Les exigences de l’OSEO sont simples :
. Des conditions de travail équitables pour les ouvriers de la construction et autres employés,
• Les quartiers pauvres ne doivent plus être démolis.
• Pas de muselière pour les journalistes accrédités.
« Les pays et les entreprises qui violent les droits humains et pratiquent l’exploitation ne doivent plus pouvoir, à l’avenir, organiser de Coupe du monde ou assumer de travaux en lien avec cette dernière », conclut Hans-Jürg Fehr. Il convient sans doute de traduire cette phrase au conditionnel, mais il convient aussi de dire, d'écrire, de faire savoir, que nous sommes encore quelques uns et quelques unes à ne pas avoir été totalement décérébrés par la récurrence du vieux précepte « donnez à la plèbe du pain et des jeux, elle nous foutra la paix ».