22 avril 2009

EURORAMDAM

La "Tribune de Genève" a été désignée début février 2008 "Journal exclusif de la ville hôte" de l'Eurofoot par MediaMark Muller, Conseiller d'Etat en charge des constructions de fêtabeaufs à la Praille et dans les quartiers circonvoisins. Vu la manière dont la Julie a couvert depuis des années le feuilleton de la Praille, puis les préparatifs de l'Euro, et a servi de relais aux appels désespérés à la mobilisation de l'enthousiasme populaire défaillant à l'égard de la Praille comme de l'Euro, cette désignation est plus un constat qu'une mission. En tous cas, ça nous présageait (et on n'a pas été déçus) une couverture médiatique à venir, à la hauteur de la couverture médiatique déjà assurée sur le stade et l'Euro : toute tissée d'indépendance et farcie d'esprit critique. D'ailleurs, c'est pour manifester cette indépendance et assurer cet esprit critique que la Julie, toute fiérote, annonçait qu'elle avait "engagé des moyens exceptionnels" (une trentaine de personnes) pour couvrir l'événement. Et que, princièrement, et avec l'Etat, elle mettait au concours cent places pour les matches joués à Genève.

La megasuperteuf du foot à Plainpalais et au Bout du Monde va coûter au moins 2,6 millions, dont un million à la charge du canton -mais sans tenir compte des frais qu'elle va entraîner pour la Ville.
C'est la société (privée) d'un député radical au Grand Conseil, Frédéric Hohl, qui a été mandatée pour organiser les diverses manifestations annexes à l'Eurofoot, à Genève : sur la plaine de Plainpalais (écran géant, stands, animations, quelques concerts), au Bout du Monde (écran géant, stands, animations, concerts, camping). Et comme ladite société privée dudit député radical a le sens des vraies valeurs, elle avait prévu d'installer à Plainpalais, pour dominer la plèbe, une tour de trois étages pour les VIP, à qui étaient proposés (contre rémunération de 170 à 550 balles par jour et par personne) repas gastronomiques, consommations à discrétion, salon (pardon : "lounge")... et plus (au "Club o8" des Vernets) si affinités.

A Plainpalais, la "Fan zone" (pour laquelle on a déboulonné les jeux pour enfants -pendant l'Euro, la vie s'arrête...) fermait à minuit. Autant dire que les nuisances se poursuivaient jusqu'à l'ouverture des premiers bistrots du quartier, à 4 ou 5 heures. "Il y aura du bruit, la fête est à ce prix", se défendaient les organisateurs. Et les dommages collatéraux (vols, dégradations), se demandaient les habitants, qui savent que les assurances ne remboursent pas les dégâts dus à des "événements exceptionnels" ? ben... euh... l'Etat n'engage pas sa responsabilité civile, la Ville non plus, démerdez vous, répondaient les zautorités...
On se demande par ailleurs pourquoi la "Fan Zone" a été installée à Plainpalais, en pleine ville, pendant trois semaines, alors qu'on aurait pu la coller au calme au Bout-du-Monde (ça aurait évité au "Fan Village" qu'on y a établi de se transformer en zone tout court), ou dans le stade les jours où il n'était pas utilisé pour des matches...

Pour nettoyer les parcs à bestiaux, la Ville a dû faire appel à des entreprises privées, la Voirie ne pouvant à elle seule débarrasser ces espaces privatisés des détritus que les joyeux supporters laissaient derrière eux. Elle avait d'ailleurs fort à faire, la Voirie, avec le reste de la Ville : au maximum de sa capacité, elle avait même interdit à ses hommes de prendre des vacances en juin, et les avait prévenus qu'ils auraient sans doute à faire des heures supplémentaires. En revanche, elle n'avait pas prévu de rendre obligatoire l'utilisation de vaisselle réutilisable avec consigne, et laissait utiliser de la vaisselle jetable qui est partie gonfler la montagne de déchets expédier aux Cheneviers, faut bien rentabiliser cette usine... Et alors, vous n'avez tout de même pas cru une seconde que les grands discours sur l'écologie, le développement durable et autres Agendas 21 étaient autre chose, précisément, que de grands discours ?

Pour faire chier encore plus de monde, et la nuit, le Conseil fédéral a autorisé pendant l'Euro les vols nocturnes (entre 22 heures et 6 heures) au départ des aéroports de Genève, Berne et Zurich, pour évacuer les supporters les soirs de matches. Et emmerder les riverains des aéroports les nuits qui suivent.

Pour ne pas laisser souffrir ceux de leurs habitants allergiques aux réjouissances de l'Eurofoot, mais voisins des zones de ces réjouissances, Bâle et Berne avaient décidé de les aider à prendre des vacances et avaient entamé des négociations avec des régions de montagne en Valais et dans les Grisons. Aucune négociation n'a cependant été prévue avec la Chine pour offrir aux riverains des parcs à blaireaux de jolies vacances au Tibet.
Plusieurs villes de Suisse ont en outre tenté de limiter les débordements tribaux d'avant et après-matches : Berne a rappelé qu'il était interdit de tenir un drapeau hors de sa voiture, Neuchâtel et Nyon ont interdit les défilés automobiles dans certains secteurs.

A Berne, on a mis sur pied une campagne de préparation de l'accueil des supporters des équipes qui jouaient sur place, campagne devant théoriquement comporter un volet de "sensibilisation aux langues" des pays concernés. Sensibilisation "aux langues" (au pluriel) qui s'est finlement réduite en la distribution d'une feuille résumant les principales phrases d'accueil ("Bonjour", "c'est par là", "veuillez déposer vos bombes à la consigne", etc...) en hollandais et en roumain, outre le français et l'italien dont on rappellera qu'il s'agit de langues nationales et officielles de la Suisse. Mais pour tout le reste, la "sensibilisation aux langues", ça c'est résumé en un usage systématique du pidgin touristique anglo-américain.
Vivement les Chinois, qu'on se marre.

L'organisateur des parcs à bestiaux de l'Eurofoot, le député radical Frédéric Hohl, s'est pris une bûche de 12'400 francs pour avoir laissé entrer des mineurs dans le "Fan Club 08", la disco éphémère installée aux Vernets. Et il s'est plaint, Hohl, d'avoir dû subir "une leçon de morale très politisée par un adversaire de gauche", l'ancien syndicaliste du SIT Ismaïl Türker, responsable du service des autorisations du Département de la Santé et de l'Economie. C'est vrai qu'entendre un discours de gauche pendant l'Eurofoot, ça avait de quoi surprendre. Mais qu'on s'est finalement assez peu plaints, de notre côté, d'avoir dû subir pendant un an des "leçons de sport très commercialisées par des fétichistes du foot".

En novembre, un sondage effectué pour "Coopération" indiquait que 54 % des 500 personnes interrogées déclaraient ne pas s'intéresser à l'Euro (22 % pas à l'Euro proprement dit, et 32 % pas au football en général). 7 % se disaient déjà "dans la fièvre de l'Euro", et 39 % attendaient le début de la compet' pour s'en réjouir. Les autres attendaient la fin pour être soulagés.

09 avril 2009

… et delendum stadium…

Un nouvel instrument financier : le trou rentier
Nème épisode d'un feuilleton répétitif, celui du stade de la Praille : Accroché au trou de la Praille comme une huître à son pieu, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil un projet de loi (PL 10433) attribuant à la fondation (privée) (1) du stade une subvention annuelle de l'ordre de plus de deux millions chaque année pendant quatre ans (2), subvention renouvelable mécaniquement pendant toute la durée de vide du stade, soit encore au moins quarante ans. On vous laisse faire vous même la multiplication (quarante fois deux millions, ou plus si entente) pour obtenir le total final de ce nouveau racket des fonds publics. En pleine crise économique et financière, le gouvernement genevois invente un nouvel instrument financier : le trou rentier. A deux millions par an pendant un demi-siècle. C'est beau comme du Madoff. Surtout quand on lit les " conditions " que le Conseil d'Etat fait mine de poser à la fondation :

- d'abord, " la fondation s'engage à restituer la part non utilisée de l'aide financière mise à disposition par l'Etat ", comme si, dans l'état financier où se trouve la fondation, une quelconque part de cette aide allait être " non-utilisée "… de toute façon, " la fondation conserve 25 % de son résultat annuel ", le solde revenant à l'Etat, comme si, à moins de tripatouiller les comptes, le résultat annuel allait être autre chose qu'un déficit;
- ensuite, " la fondation s'engage à ce que les objectifs qu'elle poursuit et les actions qu'elle entreprend s'inscrivent dans une perspective de développement durable " (art. 8 du projet de contrat de prestation ). Il faudra bien qu'on nous explique comment on peut inscrire " dans une perspective de développement durable " la gestion, l'exploitation et l'entretien d'un stade de 30'000 places pour 5000 spectateurs potentiels et 1500 spectateurs réels (dont au moins un quart ne paient pas leur place). Le seul " développement durable " dans lequel puisse s'inscrire le stade a été jusqu'à présent celui du racket des fonds publics.
- enfin, la fondation " s'engage à être le bénéficiaire direct de l'aide financière " de l'Etat (ce qui suggère, pour le moins, l'existence d'un doute à ce sujet ) et à signaler à l'Etat tout " événement exceptionnel et prétéritant la poursuite des objectifs de la fondation ou la réalisation " du contrat de prestation. Il va de soi que l'insolvabilité de la fondation, pas plus que le surdimensionnement du stade. ne peuvent être considérés comme des " événements exceptionnels ", puisqu'ils sont la norme de cet équipement et que, depuis plus de dix ans, ils rendent impossible la réalisation du moindre des objectifs de la fondation et la respect de la moindre des conditions que le Conseil d'Etat fait mine de poser à l'octroi d'une subvention pérenne à la fondation.

Des précautions rhétoriques
Au projet de loi est annexé un projet de contrat de prestation, qui prend quelques précautions au cas où la fondation bénéficiaire des largesses de l'Etat prendrait, elle, quelques libertés (3) avec les conditions qui lui sont posées pour qu'elle puisse en bénéficier. Une décennie d'expérience nous convainc cependant que ces précautions sont purement rhétoriques : quoi qu'ait fait la fondation jusqu'à présent (4), les collectivités publiques ont toujours casqué pour payer les pots cassés. Et ça n'a pas suffi : en juin 2008, un cabinet d'avocat (Mo Costabella Pirkl) mandaté par la fondation décrit en ces termes la situation d'une fondation en état " d'insolvabilité durable " :
- " le coût des travaux final du stade (...) a failli entraîner (la) faillite " de la fondation;
- " le paiement en avance des rentes dues par La Praille S.A. Centre commercial et de loisirs (pour le droit de superficie) a pour effet de priver la FSG d'une source de liquidités indispensable à son fonctionnement " ;
- " l'Event center a été loué à des conditions dictées par l'intérêt de son utilisateur actuel " (le centre commercial);
- les faillites du Servette et de la Société d'exploitation du stade ont eu " pour effet que les nouveaux engagements liés à l'exploitation du stade ont été conclus au nom " de la fondation, qui a également repris totalement ou partiellement certains engagements de la société d'exploitation, mais selon des critères " pas documentés ";
- les liens entre la fondation, les pouvoirs publics et le Crédit Suisse sont à l'origine d'une manière " peu claire de comptabiliser certaines écritures "; faute de documentation, on ne sait par exemple si l'apport, sans contrat, du Fonds d'équipement communal pour régler la dette à l'égard d'Implenia et satisfaire les exigences de l'UEFA doit être considéré comme un prêt, une avance ou une donation. Même remarque pour le paiement par les pouvoirs publics de dettes d'exploitation (droit de superficie aux CFF, taxe d'eau, etc.) ;
- la fondation est " vulnérable, n'a aucune autonomie financière et ne peut pas assurer le paiement de ses charges de base ";
- " il n'y a pas de perspective d'amélioration des revenus d'exploitation ";
- la référence dans la loi du 26 avril 1996 à des " engagements financiers de l'Etat " comme moyen d'assurer " au besoin " la couverture des frais financiers et d'exploitation du stade " ne constitue pas une garantie de passifs ou de subventionnement des pouvoirs publics claire et exécutable au profit de la fondation ";
- " la faillite de la Fondation pourrait être prononcée si d'aventure les dettes d'exploitation, même insignifiantes, ne pouvaient pas être acquittées ". Or on y est : à la date (24 juin 2008) du rapport du cabinet d'avocat, il était " indiscutable que (la) fondation (était) insolvable ". N'importe quelle entreprise privée se trouvant dans la situation actuelle de la fondation du stade serait mise en faillite. Mais on n'a pas affaire à n'importe quelle entreprise (privée ou publique) : on a affaire à un fétiche, à un totem, devant lequel on se prosterne et au pied duquel on dépose comme une offrande tous les fonds publics qu'on arrive à pomper.

Des promesses illusoires
Le prétexte du projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, et contre lequel nous lancerons un référendum si, comme probable, il est accepté par un Grand Conseil dansant depuis dix ans autour du totem de la Praille la danse de la pluie de subventions publiques, est donné dans son article 5 : " permettre à la Fondation du stade de Genève de poursuivre l'exploitation du stade de Genève et de le maintenir dans un bon état d'entretien ". Prétexte formalisé dans un " contrat de prestation " par lequel la fondation s'engagerait, les belles promesses rendant les fous joyeux, à
- " optimiser l'utilisation du stade " par l'accueil d'un club résident (dont les matches n'attirent que 1500 personnes au plus, et généralement moins de mille), l'organisation d'autres matchs de football (qui ne remplissent pas plus le stade, sauf événements exceptionnels du genre Euro, qu'on ne reverra plus à Genève avant la disparition du stade, que celle-ci se fasse ou non au terme de sa durée de vie théorique de cinquante ans) et l'organisation d'événements (concerts et locations) qui dans le meilleur des cas ne rempliront le stade que deux ou trois fois par an;
F assurer un accueil optimal du public lors de manifestations - il est vrai que l'accueil sera d'autant plus " optimal " (et coûteux) que le public sera rare (et les rentrées financières congrues);
- améliorer le résultat d'exploitation de la FSG selon un plan financier quadriennal, que la FSG est hors d'état de tenir quel qu'en soit le contenu.

Ces engagements valent ceux, quasi identiques, pris par la fondation depuis bientôt une décennie, et qu'elle n'a jamais été capable de tenir.
Quant au cabinet d'avocat mandaté par la fondation pour lui formuler des propositions " visant à (son) assainissement ", il a en effet, en juin 2008, suggéré quelques mesures, en posant comme condition d'évidence (mais on a vu depuis dix ans que cette évidence a besoin d'être rappelée) le " respect des dispositions légales et statutaires ", dont le constat officiel de l'insolvabilité durable de la fondation, la production d'un bilan intermédiaire crédible (et donc sincère) (5) , et d'un rapport de révision. Les mesures proposées par le consultant sont, notamment, les suivantes :
- racheter (avec quel argent ?) le contrat Event center et les loges, constituer une nouvelle société d'exploitation, élaborer un plan d'exploitation du stade et s'assurer une disponibilité garantie de fond. On peut être certain que ni la fondation actuelle, ni une éventuelle fondation de droit public, ne soit en état de concrétiser de telles propositions sans une aide publique accrue, c'est-à-dire une ponction accrue, et durable, dans les caisses publiques ;
- vendre ou transférer le stade à un tiers ou à l'Etat, après liquidation de la fondation (6). Le transfert à un tiers suppose qu'on trouve ce tiers et la vente du stade qu'on lui trouve un acheteur (même au prix " cassé " de 17 millions, qui est celui que suggérait une étude de 2004 en cas de vente forcée, on ne voit pas le chaland se précipiter); le transfert à l'Etat n'aboutit qu'à faire reprendre le Titanic par un autre armateur : ça n'évite pas le naufrage, ça le fait seulement totalement assumer par la collectivité publique...
- assainir la situation en recomposant totalement les fonds propres afin de payer tous les créanciers (y compris l'Etat et les communes), ou en s'engageant dans une procédure concordataire aboutissant au paiement d'un dividende (soit une partie des dettes, ou encore mettre la fondation en faillite, ce qui ne serait que le constat de sa situation actuelle). Ces deux solutions impliquent la réalisation, plus ou moins forcée, des actifs de la fondation, la nomination d'un organe désigné par un tribunal et une publicité désagréable pour les responsables, privés ou publics, du désastre -on comprend donc qu'ils n'y tiennent guère ;
- conclure un concordat extrajudiciaire en négociant séparément chaque dette, tout en respectant un minimum d'égalité de traitement entre les créanciers.

Une fondation en état de cessation de paiement
La cause réelle du projet de loi est claire, et simple : le stade, et la fondation supposée l'exploiter et l'entretenir, sont en état de cessation de paiement (l'organe de révision a constaté en décembre 2008 que les dettes de la fondation ne sont pas couvertes par ses biens, que ceux-ci soient estimés à leur valeur d'exploitation ou à leur valeur de liquidation, et que la fondation est donc " manifestement surendettée "). Cette situation, dans laquelle la fondation se trouve depuis des années, et qui ironiquement ressemble beaucoup à celle dans laquelle se trouvait le FC Servette au moment de son rachat par Marc Roger, a été camouflée tant qu'on a pu, mais on ne peut plus : " C'est la faillite ou la subvention cantonale ", clament en chœur les stadolâtres, les zautorités et la Tribune de Genève. En réalité, on n'en est plus là : le stade n'est pas " menacé " de faillite, le stade est une faillite. Et on ne met pas une faillite en faillite, sinon pour la constater, et pemettre aux collectivités publiques de se débarrasser, aux enchères ou de gré à gré, du boulet qu'elles traînent à la Praille. Encore que plane une menace : que l'Etat mise lui-même et rachète le stade -acte contre lequel, toutefois, un référendum est possible, comme d'ailleurs contre la transformation de l'actuelle fondation de droit privé en fondation de droit publique, qui ne peut être créée que par une loi contre laquelle nous ne manquerions pas de lancer un référendum, cette substitution en apparence formelle d'un statut public à un statut privé (lui-même purement formel, dès lors que ne siègent plus au Conseil de fondation, en violation de ses statuts, que des représentants de pouvoir publics, et que la fondation ne surnage financièrement que grâce aux apports de fonds publics) ayant pour principal effet de rendre les collectivités publiques mécaniquement responsables des pertes de la fondation, et donc de faire payer, au sens le plus trivial du terme, par les contribuables l'irresponsabilités des scénaristes (privés et publics) de ce triste feuilleton.

Un stade qui vaut dix fois moins que ce qu'il a coûté
Le stade de la Praille a déjà coûté plus de 150 millions de francs; sa construction a coûté 121 millions, dont 102 pour le stade lui-même. En 2004, sa valeur en cas de vente forcée n'était évaluée qu'à 17 millions. En d'autres termes, aujourd'hui, le stade, qui a coûté plus de deux fois plus que prévu, vaut dix fois moins que ce qu'il a coûté. Et son seul maintien en l'état coûte déjà chaque année plus de deux millions de francs, et coûtera de plus en plus cher, au fur et à mesure que le temps fera son effet sur l'état de l'ouvrage, et le renchérissement sur les coûts de son entretien.

Qui a payé ?
Du côté des collectivités publiques :
- Le canton, la Ville de Genève et la Ville de Lancy ont doté ensemble la fondation d'un capital en espèces de 26 millions de francs (vingt millions par l'Etat, trois millions par la Ville de Genève, trois millions par celle de Lancy), plus cinq mille francs chacun ;
- La Confédération a contribué pour cinq millions à la construction du stade ;
- Le fonds d'équipement communal a assuré, pour onze millions, le paiement de la dette de la fondation à l'égard de Zschokke-Implenia, puis, pour neuf millions, la mise en conformité du stade aux exigences de l'UEFA ;
- L'Etat a en outre mis gratuitement à disposition de la fondation les terrains nécessaires à la construction du stade, et a pris à sa charge la rente de droit de superficie à verser aux CFF pour la parcelle mise à disposition du stade.
Au total, la majorité des fonds engloutis dans la construction, l'aménagement, l'équipement et l'adaptation du stade proviennent, à raison d'environ 80 millions de francs (sans compter les mises à disposition et prises en charge gratuites), des collectivités publiques, alors que le stade était supposé ne rien leur coûter.

Du côté des privés :
- le Crédit Suisse a accordé un prêt, sans intérêts mais remboursable en 80 ans à raison de 250'000 francs par an, de 20 millions. Ce prêt doit être remboursé par la Fondation (privée). Si celle-ci est transformée en fondation de droit public, ce sont les caisses publiques qui seront ponctionnées pour le remboursement du prêt. En novembre 2008, le Crédit Suisse s'est déclaré d'accord de " post poser " sa créance de vingt millions, à condition que le canton s'engage à contribuer aux frais de fonctionnement de la Fondation " à hauteur de 900'000 FS par an au moins et pour dix ans au moins ". Petit chantage entre amis, auquel le Conseil d'Etat propose donc que le canton se soumette, en y mettant même un peu du sien puisque le gouvernement propose que le canton s'engage non pour 900'000 francs par an pendant dix ans au moins, mais pour un peu plus de deux millions par an pendant quatre ans au moins -le terme de la proposition du Conseil d'Etat étant finalement le même que celui du chantage du Crédit Suisse : la durée de vie du stade, soit encore, en gros, un demi-siècle. ;
- une souscrpiton pulbique a apporté quatre millions ;
- la Fondation Hippomène (Hentsch) a fait " don à la collectivité ", par le biais de la société immobilière du Servette, des terrains du Stade des Charmilles pour qu'ils soient transformés en parc public (qu'on attend toujours), après un échange de bien-fonds entre l'Etat et la Ville, le premier devenant propriétaire des terrains de la Praille et la Ville des terrains des Charmilles.

L'amortissement du coût de la construction du stade se monte en gros, sur cinquante ans (la durée de vie du machin) à deux millions par an. Soit ce que le Conseil d'Etat propose sous forme de subvention cantonale, le stade étant incapable de payer lui-même l'amortissement de sa propre construction. La fondation se sait insolvable, et sait n'avoir échappé à la faillite que grâce à la complaisance des autorités. Au 31 décembre 2007, la Fondation était en découvert de plus de 5,6 millions de francs. L'organe de révision des comptes de la fondation du stade, la fiduciaire Gestoval, décrit assez clairement la situation dans son rapport de septembre 2008 sur les comptes 2007 (et la situation n'a pas changé, sauf à empirer, depuis) :
" La Fondation du stade de Genève reste confrontée à d'énormes difficultés de trésorerie et se considère comme insolvable (...); elle ne pourra satisfaire à ses engagements à court et moyen terme que si les fonds nécessaires notamment destinés au règlement de ses dettes à court terme sont effectivement mis à disposition et qu'à la condition que son exploitation génère des cash-flows suffisants pour faire face aux engagements de la Fondation. Ces conditions n'étant actuellement pas remplies, la poursuite de l'exploitation est dès lors très fortement menacée. S'il ne devait pas être possible de mettre en place un assainissement avec pour corollaire de nouvelles sources de financement, la continuation de l'exploitation de la Fondation deviendrait impossible et les comptes devraient être établis sur la base des valeurs de liquidation ". Valeurs non précisément estimées dans son rapport par la fiduciaire, puisque en septembre 2008, la Fondation n'avait pas encore, contrairement à ce qui lui impose le Code civil, établi un bilan intermédiaire fondé sur la valeur vénale des biens. Elle le fera quelque temps plus tard, mais en produisant un bilan intermédiaire que l'organe de révision des comptes se refusera à cautionner sans réserves (5) .

Trois piliers fragiles
L'exploitation du stade de Genève doit reposer sur trois piliers, rappelle le Conseil d'Etat. Or les trois piliers sont fragiles, sinon pourris :
- " la présence d'un club résident " ? Le FC Servette a plongé de l'élite du foot suisse en division inférieure, et est menacé de tomber encore plus bas. De toutes façons, le club n'a jamais eu plus de 5000 supporters à Genève depuis la fin des années soixante, même lorsqu'il était champion suisse : ça justifie un stade de 15'000 places, ça remplissait parfois les Charmilles, ça ne les laissait jamais vides, mais ça laisse en moyenne la Praille vide à 90 %:
- " des matchs de football supplémentaire " (équipe de Suisse, matches internationaux) : de toutes façons, ces matches sont en nombre largement insuffisant pour permettre autre chose qu'un " remplissage " exceptionnel, et aléatoire, du stade;
- " d'autres manifestations ", comme les concerts -mais il est parfaitement illusoire d'en attendre autre chose qu'un apport accessoire.
En clair, il est totalement exclu que l'exploitation du stade puisse être rentable, et qu'il finisse par se justifier un jour d'avoir planté à la Praille une enceinte de 30'000 places.

Tais-toi et paie ?
" Le canton a voulu ce stade et il faut le payer ", affirme le Conseiller d'Etat Mark Muller. Le canton a voulu ce stade, vraiment ? Le Conseil d'Etat peut-il nous dire quand les citoyennes et les citoyens du canton se sont-ils prononcés ? ils ne l'ont jamais pu, ni sur le déplacement du stade des Charmilles à la Praille, ni sur le volume du stade (30'000 places, quand la moitié suffisait), ni sur l'aplaventrissement des autorités devant les désirs d'une organisation privée, l'UEFA, qui a imposé des modifications au stade, pour un coût de plusieurs millions. Seules et seuls les citoyennes et citoyens de la Ville ont pu se prononcer. Et quand ils l'ont pu, ils ont dit clairement (à trois contre un...) qu'ils ne voulaient pas payer un machin qui a été posé à la Praille sans que jamais l'avis du "peuple souverain" ait été sollicité. Au point, d'ailleurs, que quand le "peuple souverain" aurait pu se prononcer, sur initiative ou par référendum populaires, tout a été fait, et réussi, pour l'en empêcher...

Nous sommes de ceux qui depuis dix ans annoncent que le stade, d'abord projeté, puis construit, inauguré, mis en service et, aujourd'hui, pratiquement déserté, ne serait jamais, ne pourrait jamais être rentable : un stade de 30'000 places pour un canton de 480'000 habitants, et pour 4500 supporters, relève de l'absurdité -et d'une absurdité durable. Là où un stade de 15'000 places suffisait largement, on en a construit un deux fois plus grand. Qui reste donc vide à 90 % lorsqu'il est utilisé, sauf événements exceptionnells (lesquels n'ont pas besoin du stade pour se dérouler). Le plan financier initial prévoyait un stade rentable à raison de 20 matches du club résident (Servette), vingt matches internationaux et vingt concerts à guichets fermés : du pur Madoff. Le club résident ne remplissait déjà par les Charmilles, il pouvait d'autant moins remplir la Praille qu'il est tombé en division plébéienne (et ne paie que 9000 francs au stade par match qu'il y joue, devant généralement moins d'un millier de spectateurs); les matches internationaux se comptent sur les doigts d'une main et les concerts sur les doigts de l'autre (7).

Financièrement, ce stade est un gouffre : il l'est dès sa création (ce que reconnaît le Conseil d'Etat, qui rappelle que "le coût des travaux du stade a failli entraîner sa faillite" -on ne l'a évitée qu'en ponctionnant le fonds d'équipement communal pour payer les factures), il l'est resté (malgré le paiement en avance des rentes de droit de superficie dues par le centre commercial) et le restera tant qu'on ne l'aura pas vendu ou détruit (ce que le Conseil d'Etat admet également, implicitement) : il a déjà coûté au moins 150 millions au lieu des 68 millions prévus; explication de la "Tribune" : c'est parce qu'il est plus grand que prévu (le seul fait de passer d'un stade de 25'000 places, tel qu'initialement prévu, et déjà surdimensionné, à un stade de 30'000 places, a alourdi l'ardoise de douze millions)... mais à qui la faute, sinon à ceux qui, comme la "Tribune", se sont acharnés à défendre l'idée, puis à soutenir la construction, d'un stade de 30'000 places là où 15'000 suffisaient ? Résultat : le mammouth, a englouti, outre les dizaines de millions de fonds publics qu'on y a balancé, la totalité du droit de superficie dû par Jelmoli (ce qui a pour effet, soupire le Conseil d'Etat, "de priver (la fondation) d'une source de liquidités indispensables à son fonctionnement") et du prix des concessions des stands et des buvettes. Financièrement, le stade est un gouffre, architecturalement, un étron; sportivement, un terrain vague. Le meilleur sort qu'on puisse le réserver serait de le vendre pour un fanc symbolique, à qui en voudra, Marc Roger ou Bernard Madoff, peu importe. Mais il vaudrait encore mieux pour tout le monde qu'il soit détruit (une "option trop absurde pour qu'on s'y arrête, selon la "Tribune", qui s'est arrêtée une fois pour toutes à une option encore plus absurde : l'acharnement thérapeuthique et financier). Sinon, qu'en faire ? Une friche post-industrielle ? Un musèe des imbécilités politiques ? Une annexe à Champ-Dollon ? Ou plus raisonnablement, en faire ce à quoi il sert présentement : rien.

Chronologie
Le 26 avril 1996, le Grand Conseil adopte une loi ouvrant un crédit de 20 millions FS pour la reconstruction ou la rénovation du Stade des Charmilles et du Centre sportif de Balexert. Un peu plus d'un an plus tard, le 19 juin 1997, le même Grand Conseil transfère le crédit (et le stade) des Charmilles à la Praille : c'est l'erreur initiale -tout le reste va suivre, de mal en pis.

En février 1998 est constituée la Fondation privée du Stade de Genève. Elle a pour but de " favoriser la pratique et le développement et général de tous les sports athlétiques dans le canton de Genève, et plus particulièrement ceux pratiqués par le Servette Football Club ", d'acquérir les biens et droits immobiliers nécessaires à la construction et à l'exploitation du stade de Genève et à la réhabilitation du Centre sportif de Balexert, d'assurer la construction, le financement, la gestion et l'exploitation du stade " dans l'intérêt général ", et à cet effet de rechercher le financement du projet et d'établir la couverture des frais financiers et d'exploitation " au besoin avec des engagements financiers éventuels de l'Etat ".

Le 27 mai 1999, le Grand Conseil adopte une loi créant une zone de développement 3 affectée à des activités commerciales et administratives, sur laquelle sera implanté le stade, le centre commerciual et le bâtiment de liaison. Le plan localisé de quartier est adopté par le Conseil d'Etat le 8 septembre 1999.

Le 13 mars 2000, nous lançons une initiative populaire cantonale (IN 118) " Pour un projet de stade raisonnable ". Elle aboutit avec 11'000 signatures et est déposée le 12 juillet.

Le 5 octobre 2000, trois mois après l'aboutissement de l'initiative, le DAEL autorise la construction du stade, du centre commercial et du bâtiment de liaison. Les travaux (de démolition) débutent le 20 novembre 2000.

Le 29 mars 2001, la première pierre du stade est posée, six mois après l'aboutissement et le dépôt de l'initiative populaire " pour un stade raisonnable " (de 15'000 places). Mais il aura suffi aux promoteurs du stade et à leurs porte-valise de faire traîner l'examen parlementaire de l'initiative jusqu'au début des travaux, pour pouvoir dire ensuite que l'initiative n'avait plus d'objet et la faire annuler, le 17 avril 2002, par un TF aux ordres, alors que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil l'avaient déclarée valide en avril et juin 2001.

En décembre 2002, le Groupe Canal+ se retire de la Société d'exploitation du stade (il en était l'actionnaire majoritaire) et cesse d'être l'opérateur de cette exploitation. La Fondation décide de reprendre le capital action et de prolonger l'existence de la Société d'exploitation.

Le 13 novembre 2003, le Centre commercial est ouvert, quatre mois avant le stade (premier match : le 16 mars 2003). Ce qui illustre l'importance respective du souk et des arènes : les secondes n'étaient qu'un adjuvant au premier.

Le 21 février 2004, la Fondation reprend à sa charge le passif de la Société d'exploitation et la vend à Marc Roger, pour un franc symbolique. A ce moment, le coût de la construction du stade a déjà atteint les 120 millions, mais sa valeur en cas de vente forcée ne dépasse pas les 17 millions de francs.

Le 28 février 2004, Marc Roger acquiert, pour un franc symbolique, 87 % des actions de la S.A. du Servette. Un mois plus tard, il entre au Conseil d'administration et, en juin, en devient le président. Christian Luscher, Alain Rolland et Olivier Carrard quittent le navire.

Le 25 octobre 2004, la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil rend un rapport constatant que la fondation a une dette de 10 millions de francs à l'égard de l'entreprise Zschokke, et qu'en octobre 2000 déjà, avant même que la construction du stade ait commencé, la fondation souffrait d'un manco de 2,7 millions de francs.

Le 1er février 2005, la Fondation prend directement en charge l'exploitation du stade, trois jours avant la dissolution par faillite de la Société d'exploitation.

Le 4 février 2005, la faillite du FC Servette est prononcée. Un mois plus tard, Marc Roger est arrêté.

Le 24 avril 2005, les électrices et électeurs de la Ville de Genève refusent (à trois contre un) une proposition de prêt de 2,5 millions de la Ville à la Fondation du stade.

Le 8 juin 2006, le Grand Conseil modifie les statuts du fonds d'équipement communal, pour permettre (mais apparemment sans le savoir) qu'il soit ponctionné pour payer les dettes de la fondation du stade.

Le 11 décembre 2006, le Fonds d'équipement communal verse, malgré l'opposition de la Ville de Genève, onze millions à la fondation pour lui permettre de régler sa dette à l'égard de Zschokke-Implenia. Une année plus tard, le même fonds est mêmement ponctionné, toujours malgré l'opposition de la Ville de Genève, de 8,8 millions de francs, pour payer à la place de la fondation la mise en conformité du stade aux " exigences " de l'UEFA, dont on apprend au passage qu'elles ont force de loi.

Le 22 décembre 2008, l'organe de révision des comptes constate, ou plutôt confirme, que la fondation est surendettée et, objectivement, en état de cessation de paiement. Un mois auparavant, le Crédit Suisse se déclarait d'accord de "post poser" sa créance de vingt millions, à condition que l'Etat casque au moins 900'000 francs par an pendant au moins dix ans.

" Jusqu'à présent, tout a été fait en sorte pour que l'on évite d'en arriver (...) à dire que les subventions sont nécessaires ", observe (dans la "Tribune" du 7 février) un courageux membre anonyme du Conseil de fondation du stade. Tout, en effet. Tout et n'importe quoi : des prêts qui finissent par devenir des dons, des droits de superficie sur cinquante ans dont on encaisse le loyer semi-séculaire en une seule fois, et l'utilisation à deux reprises en deux ans, pour vingt millions de francs au total) du fonds d'équipement communal pour balancer, en privant les citoyennes et citoyens du droit de lancer un référendum populaire, des millions supplémentaires dans le trou de la Praille : une première fois pour payer les factures de sa construction, une seconde fois pour le mettre " aux normes de l'UEFA ", comme si une collectivité publique était tenue de suivre les ordres d'une organisation privée (par ailleurs milliardaire, mais ne payant pas un sou d'impôt). " Si les synergies pouvant exister entre l'UEFA et le stade de Genève n'ont pas encore toutes été développées, il n'en demeure pas moins que ce potentiel existe ", plaide le Conseil d'Etat à l'appui de son projet de subvention annuelle de deux millions à la fondation du stade. Les " synergies " déjà " développées " entre l'UEFA et le stade ayant déjà coûté au moins onze millions aux collectivités publiques, leur développement ultérieur promet...

Un trou financier durable
Le stade de la Paille ne sera jamais, financièrement, qu'un trou : il est illusoire d'attendre qu'un stade de 30'000 places puisse être autre chose à Genève. Même si Servette redevenait champion suisse (mais l'équipe est plus proche de la chute en ligue inférieure que de l'ascension en ligue supérieure) les 5000 supporters locaux du club local, à supposer qu'il soit " résidant " du stade, ne pourraient peupler celui-ci qu'au sixième de sa capacité. Et on ne le remplira pas non plus en faisant venir Céline Dion une fois par mois. Même pour nous chanter la chanson du film " Titanic " dans un stade en naufrage.

Un stade deux fois trop grand, trois fois trop cher, aux trois quarts vide et ne valant plus que le dixième de ce qu'il a coûté
On se retrouve donc avec un stade deux fois trop grand, trois fois trop cher, vide à 80 % et ne valant que le dixième de ce qu'il a coûté, géré par une fondation surendettée, parfaitement incapable de remplir le rôle que ses statuts lui assignent :
- " favoriser la pratique et le développement en général de tous les sports athlétiques dans le canton de Genève, et plus particulièrement ceux pratiqués par le Servette Football Club ". En fait, les seuls sports athlétiques dont le stade de la Praille " favorise la pratique et le développement en général " sont le lancer de bouée de sauvetage financier, la course d'obstacles démocratiques (avec contournement des obstacles), le saut dans le vide budgétaire, la natation synchronisée en eaux troubles et la pêche aux subventions;
- " acquérir les biens et droits immobiliers nécessaires à la construction et à l'exploitation du stade de Genève et à la réhabilitation du Centre sportif de Balexert ". Dans la réalité, la fondation du stade n'a jamais pu acquérir quoi que ce soit par elle-même, et a toujours dû s'en remettre à la générosité intéressée d'investisseurs et prêteurs privés, et plus encore à la générosité aveugle des collectivités publiques;
- assurer " la construction, le financement, la gestion et l'exploitation (du stade) dans l'intérêt général ", en établissant " que la couverture des frais financiers et d'exploitation est assurée, au besoin avec des engagements financiers éventuels de l'Etat ". En fait, la fondation n'a jamais rien pu assurer de ce qu'elle devait assurer, les engagements financiers " éventuels " de l'Etat ont toujours été rituels, ceux des communes (non prévus aux statuts) s'y sont ajoutés, et la fondation s'est révélée dès le début de son existence parfaitement incapable d'établir la couverture des frais financiers et d'exploitation de son stade. Ce qui a conduit le Conseil de fondation à admettre non seulement l'évidence qu'un " assainissement " est nécessaire, mais qu'il ne pouvait prendre que deux formes : la faillite, ou le concordat. Pour éviter la faillite, et donc obtenir un concordat, le Conseil d'Etat propose de pérenniser, et de légitimer, l'intervention du canton. Parallèlement, le Crédit Suisse " postposerait " (en clair : reportait aux calendes grecques l'exigence de son remboursement) sa créance de 20 millions, la Ville de Lancy ferait une croix sur le remboursement de son prêt de 3 millions et la société Compass, propriétaire et exploitante des buvettes, accepterait le rachat de sa créance, moyennant un abattement. En revanche, il est peu vraisemblable que la fondation puisse bénéficier d'une remise d'impôt : en mai 2008, le Conseiller d'Etat David Niler l'informait en effet qu'elle ne remplissait pas les conditions légales pour pouvoir en bénéficier, compte tenu des actifs " disponibles et réalisables importants qui figurent dans ses états financiers " (une valeur de construction du stade de 55 millions, une valeur de vente forcée de 17 millions).

Fondation de droit privé ou de droit public, blanc bonnet (d'âne) et bonnet blanc
La Fondation du stade est actuellement insolvable, et ne pourra jamais par ses propres forces assumer les tâches que ses propres statuts lui assignent. Que cette fondation reste de droit privé ou devienne de droit public, en quoi certains rêvent de la transformer (le Conseil d'Etat l'avait d'ailleurs proposé en 2005), ne changera rien à cette situation. D'abord parce que même " de droit privé ", la fondation est à la fois totalement dépendante du financement public, et totalement dirigée par des représentants des collectivités publiques (le canton, la Ville de Genève et celle de Lancy) : les privés s'en sont courageusement retirés à temps, en 2003 déjà, contrairement d'ailleurs à ce que les statuts de la fondation prévoient -il devrait y avoir un représentant du Crédit Suisse, un représentant de Jelmoli et un représentant de la fondation Hippomène (Hentsch) au Conseil de fondation. La question se pose d'ailleurs de savoir si une fondation incapable de constituer ses organes conformément à ses statuts ne se trouve pas hors-la-loi et en situation objective de dissolution, et en tous cas hors d'état de recevoir une subvention, régulière ou unique de la part d'une collectivité publique.
En 2004, la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil, décrivant la situation calamiteuse de la Fondation du stade, recommandait sa réorganisation rapide, par exemple sous forme d'une société anonyme de droit public, comme si un changement de statut juridique allait changer les réalités. Surtout, et plus dangereusement, la commission recommandait de " formaliser le fait que le stade est une infrastructure en mains publiques " et d'assurer par les collectivités publiques " le contrôle effectif des opérations ". Or c'est la dernière chose à faire, à moins que l'on veuille (et c'est précisément ce que les partisans du stade veulent) enchaîner les collectivités publiques au béton du stade, comme les mafiosi lestent de béton les pieds de leurs ennemis avant de les balancer à la flotte.Dans tous les cas envisagés par la commission de contrôle de gestion en 2004, le préalable est le même : liquider la fondation de droit privé (avec ou sans faillite) pour la transformer soit en société anonyme de droit public, soit en fondation de droit public, à qui transférer le patrimoine transférable de l'actuelle fondation. Ce préalable est intéressant, parce qu'il suppose l'adoption d'une loi par le Grand Conseil (le Conseil d'Etat a d'ailleurs un projet sous le coude depuis 2005). Et donc la possibilité de lancer un référendum. Possibilité dont nous pouvons d'ores et déjà annoncer que nous ferons usage.

Il ne reste donc à notre sens que deux solutions acceptables : la vente du stade au plus offrant (si on trouve un offrant) et donc sa reprise par des privés, ou sa démolition pure et simple. A l'une ou l'autre de ces conditions, il y a une précondition : la mise en faillite de la Fondation actuelle, et sa dissolution (8), conformément à l'art. 19.g de ses statuts, qui donne au Conseil de fondation l'attribution de requérir " pour de justes motifs " cette dissolution (qui peut également être prononcée de plein droit par l'autorité de surveillance, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, sur requête éventuelle " de toute personne intéressée "). Les statuts de la fondation précisent que celle-ci devrait être dissoute au cas où elle " ne pourrait plus continuer son activité et si les événements ou les circonstances le justifient " (on admettra qu'une faillite entre dans ce cadre). En cas de dissolution, l'actif de la fondation, si actif il y a, doit être affecté en premier lieu à la couverture du passif (c'est-à-dire essentiellement le remboursement des dettes) puis, s'il reste un reliquat, ce à quoi même les stadolâtres les plus optimistes ne s'attendent guère, celui-ci serait dévolu au canton.
On notera, incidemment, que le code civil stipule (art. 55 al.3) que les fautes éventuellement commises, dans l'exercice de leurs fonctions, par les responsables d'une personne morale (en l'occurrence, la fondation), engagent " la responsabilité personnelle de leurs auteurs ", et que les victimes d'un dommage peuvent s'en prendre directement à ceux qui les ont causé, si c'est de manière illicite (comme tel serait le cas, y compris pénalement, s'ils concluaient de nouveaux engagements financiers au nom de la fondation, en sachant qu'ils ne pourraient être honorés, ou qu'ils n'avaient pas la capacité de les prendre, ce qui pourrait être le cas d'une fondation dont le Conseil n'est pas constitué conformément à ses statuts). On comprend peut-être mieux certaines réticences, pour user d'un euphémisme, à accepter la mise en faillite de la fondation.

" Il est rapidement apparu aux membres du conseil de fondation (du stade de Genève) que les revenus propres de la fondation ne suffisaient pas à financer l'exploitation et les investissements relatifs à la gestion et à l'exploitation du stade de Genève ", écrit en février 2009 le Conseil d'Etat dans l'exposé des motifs du projet de loi pérennisant le racket des fonds publics à raison de plus de deux millions supplémentaires par an versés dans le trou du stade pendant un demi-siècle pour couvrir le déficit d'exploitation prévu... On aime beaucoup l'usage de l'adverbe " rapidement " pour qualifier une prise de conscience aussi tardive que celle-là : on savait avant même l'inauguration du stade que celui-ci serait incapable de payer ne serait-ce que son propre entretien... Et qu'on ne nous fasse pas croire, comme tente de le faire le Conseil d'Etat, que si le stade est, dans tous les sens du qualificatif, impayable, la faute en incomberait au Servette FC, coupable de n'être pas assez " performant " et d'être tombé en ligue inférieure : même avec un Servette en division d'élite (c'est l'objectif, illusoire, que la fondation et le Conseil d'Etat se donnent pour la saison 2010-11, alors que Servette se traîne encore dans les tréfonds d'une ligue inférieure et est menacé de tomber encore un peu plus bas), le stade de la Praille serait un gouffre. La bonne jauge, pour un stade de foot à Genève, c'était celle des Charmilles : " Avait-on réellement besoin à Genève d'un stade capable d'accueillir un habitant sur quinze, nouveaux-nés et grabataires compris ? ", interrogions nous les Genevois en 2005 ? La réponse officielle a toujours été " oui ". Et le reste. La nôtre a toujours été " non ". Et le reste, la situation actuelle nous donne amplement raison. Au printemps 2005, nous prévenions : " si un coup d'arrêt n'est pas donné au racket des finances publiques, on verra chaque anée les pèlerins de la Praille se présenter devant les collectivités publiques, sébile en main et pleurant famine, pour quémander quelques petits millions supplémentaires ". On croyait la majorité du Grand Conseil décidée à interdire la mendicité à Genève ? Celle des Rroms qui quémandent une piécette devant la Migros, peut-être; celle de la fondation d'un stade vide qui pompe des millions chaque année dans les caisses publiques, après y avoir pompé des dizaines de millions depuis dix ans, certainement pas. Nous ne demandons finalement que l'application à tous les mendiants de la loi contre la mendicité.

Malgré toutes les raisons objectives que le Grand Conseil aurait de refuser le projet de loi qui lui est soumis par le Conseil d'Etat, nous avons besoin qu'une majorité l'accepte. Parce que nous avons envie de lancer un référendum, donnant ainsi, pour la première fois, aux citoyennes et aux citoyens de tout le canton l'occasion de se prononcer sur le stade de la Praille, son présent, et son avenir -à supposer qu'il en ait un.

Notre démangeaison référendaire ne peut être satisfaite que si nous pouvons lancer un référendum ; et nous ne pouvons lancer un référendum que contre un projet de loi accepté par le Grand Conseil. Et nous souhaitons pouvoir lancer ce référendum le plus tôt possible. Une campagne référendaire avant les élections cantonales nous satisferait pleinement.

Delendum stadium !


Groupe Facebook "Stade de la Praille : Qu'on en finisse !" : http://www.facebook.com/group.php?gid=52474317486


(1) La Fondation du stade de Genève (FSG) a été créée par le Grand Conseil le 29 janvier 1998, en application d'une loi (N° 7263 du 26 avril 1996) ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale pour la reconstruction d'un stade de football aux Charmilles, subvention transformée l'année suivante par une autre loi (7568) en subvention à la construction d'un stade à la Praille.
Le capital de la fondation comprend une dotation immobilière constituée par la cession en droit de superficie des parcelles sur lesquelles il est construit, ainsi que le centre commercial et le bâtiment de liaison, à Lancy, et par les parcelles formant le centre sportif de Balexert, à Vernier. La fondation a en outre bénéficié d'une rente de droit de superficie versée par le centre commercial (mais cette rente, qui aurait dû être versée année après année pendant cinquante ans, a déjà été entièrement versée).
Les buts statutaires de la fondation sont d' " assurer la construction, le financement, la gestion et l'exploitation dans l'intérêt général " du stade de Genève (seul le premier de ces buts, la construction, a été atteint) " et, à cet effet, de rechercher le financement du projet et d'établir que la couverture des frais financiers et d'exploitation est assurée, au besoin avec des engagements financiers de l'Etat ".
La fondation a été créée conjointement par le canton, la Ville, le Crédit Suisse et la fondation Hippomène, du banquier Hentsch. Selon ses statuts, le Conseil de fondaton était composé de dix membres : quatre représentants du canton, désignés par le Conseil d'Etat, un représentant de la Ville de Genève et un représentant de la Ville de Lancy, désignés par leurs Conseils administratifs, deux représentants de la fondation Hippomène, un représentants du Crédit Suisse et un représentant du groupe Jelmoli. Le premier Conseil de fondation a ainsi été composé du directeur financier du Département cantonal de l'Aménagement, nommé Secrétaire du Conseil, du directeur général des Finances du canton, du Conseiller administratif André Hediger, nommé président de la Fondation, d'un représentant du Crédit Suisse, nommé vice-président, et d'un représentant de la Fondation Hippomène, Eric Lehmann. Au moment où nous écrivons, et sauf erreur ou omission, le Conseil de fondation ne se compose plus, en violation de ses statuts, que de cinq personnes : Benoît Genecand (président), Serge Bednarczyk (vice-Président), Michel Bonnefous, Pascal Chobaz et Sami Kanaan. Son secrétaire est le directeur de la Fondation, non-membre du Conseil, Olivier Carnazzola.

(2) (2,360 millions en 2009, 2,330 millions en 2010, 2,180 millions en 2011 et 2,110 millions en 2012, dont chaque année 310'000 en part non monétaire. Cet apport financier de l'Etat correspond au déficit d'exploitation annuel maximum fixé comme objectif. Et si cet objectif n'est pas atteint, on fait quoi ? On tripatouille les comptes pour faire semblant de l'avoir atteint ? On commence en tous cas par des prévisions très optimistes : le produit de la location du stade à des tiers est ainsi supposé augmenter de 55 % en quatre ans...

(3) Le Conseil d'Etat peut, théoriquement, très théoriquement, résilier le contrat de prestation pour la fin d'un mois et exiger la restitution de tout ou partie de l'aide financière si celle-ci n'est pas utilisée " conformément à l'affectation prévue " ou versée " sur la base d'un état de fait inexact ou incomplet ".

(4) L'histoire se répète : "Le Temps" du 5 septembre 2008 écrivait, rendant compte du procès de Marc Roger et de la faillite du Servette : " L'expert judiciaire mandaté pour examiner les comptes du Servette et de la holding de Marc Roger a expliqué que tous les moyens comptables avaient été trouvés pour sortir du surendettement, et cela en violation des principes de périodicité et de prudence. Des principes qui ne semblent pas avoir été appliqués avec plus de rigueur sous l'ancienne administration (celle de Luscher, Carrard & Co, qui aurait du) déposer un avis de surendettement début 2003 déjà au lieu d'attendre la fin de cette même année "… Chacun pourra juger à quel point les pratiques du Servette de 2003 et 2004 ressemblent à celles de la Fondation du stade de Genève : " tous les moyens comptables " utilisés pour " sortir du surendettement ", " violation des principes de périodicité et de prudence ", surendettement et situation objective de faillite dont on reporte constamment la conclusion logique (la faillite, précisément)...comme si on n'avait rien appris, ou ne voulait rien apprendre…

(5) Un tel bilan, arrêté au 30 septembre, a été présenté, mais la fiduciaire agissant en tant qu'organe des comptes a estimé, le 22 décembre 2008, qu'elle n'était en mesure de se prononcer ni sur la valeur d'exploitation des immobilisations corporelles (elles se montent, au bilan, à près de 62 millions de francs -c'est la valeur théorique du stade), compte tenu de l'incapacité de la fondation à générer des " cash-flows suffisant pour faire face à ses engagements ", ni sur la valeur de liquidation de ces immobilisations (50 millions), cette valeur n'ayant pu être démontrée. La fiduciaire constate en outre que les dettes ne sont pas couvertes par les biens, que ceux-ci soient estimés à leur valeur d'exploitation ou à leur valeur de liquidation, et que la fondation est donc " manifestement surendettée ".

(6) Le Code civil (art. 8.a) indique la procédure : en cas de surendettement ou d'insolvabilité vraisemblables, le Conseil de fondation doit dresser un bilan intermédiaire (voir note précédente) fondé sur la valeur vénale des biens, le soumettre à l'organe de révision ou directement à l'autorité de surveillance, qui ordonne au Conseil de fondation de prendre les mesures nécessaires, ou les prend elle-même si le Conseil de fondation ne les prend pas. Au 30 septembre 2008, les valeurs d'exploitation de la fondation se montaient théoriquement à 67 millions de francs, les valeurs de liquidation à 55 millions.

(7)"Lorsque les collectivités publiques subventionnent le Grand Théâtre, personne ne s'en offusque", croit intelligent de proférer un Conseiller d'Etat. Qui oublie que depuis des années, la gauche (une partie d'entre elle, du moins), "s'en offusque", et que le parti du Conseiller d'Etat en question est le premier à se battre pour que chaque demande de subvention, ordinaire, supplémentaire, extraordinaire ou masquée, pour le Grand Théâtre soit acceptée, et que jusqu'à présent, "la gauche" a été bien seule (mais pas très unie) à proposer que le financement du Grand Théâtre passe à la charge du canton. Le Conseiller d'Etat oublie d'ailleurs de préciser que la subvention cantonale pour le Grand Théâtre se monte, princièrement... à 50'000 francs par an. Il oublie surtout d'ajouter que le statut et le rôle du Grand Théâtre n'ont rien à voir avec ceux du stade, et que si dans le premier cas on paie pour une institution qui fonctionne à plein régime, même quand elle est en crise, dans le second on claque des dizaines de millions pour rien :
. Le GTG est propriété publique de la Ville, qui, quand elle paie pour son fonctionnement et son entretien, paie pour quelque chose qui lui appartient; le stade est propriété privée d'une fondation privée;
. Le GTG est une institution qui déploie une activité autonome, qui produit ses propres spectacles, et qui fonctionne en permanence; le stade est un lieu qui ne produit rien, qui ne fait qu'accueillir de temps à autre (une fois par semaine quand tout va bien) des spectacles ou des matches;
. Le GTG est rempli, en moyenne annuelle, à 80 %; le stade est vide, en moyenne annuelle, bisannuelle, quadriennale et bientôt décennale, à 80 %.
- Un spectacle donné au GTG y attire en moyenne 5'000 personnes s'il s'agit d'un ballet, 10'000 s'il s'agit d'un opéra. Un match à la Praille n'attire en moyenne que 1'000 à 1'500 personnes.
. Le GTG emploie 300 personnes à plein temps toute l'année (plus de 400 si on inclut les temporaires et les auxiliaires); le stade en emploie moins d'une dizaine;
. Pour un franc investi dans le GTG, deux reviennent dans les caisses publiques, directement ou indirectement; pour un franc balancé dans le trou de la Praille, les gestionnaires du trou en réclament un autre, à jeter dans le même trou.

(8) En cas de surendettement ou d'insolvabilité vraisemblables, le Conseil de fondation doit dresser un bilan intermédiaire (6) fondé sur la valeur vénale des biens, le soumettre à l'organe de révision ou directement à l'autorité de surveillance, qui ordonne au Conseil de fondation de prendre les mesures nécessaires, ou les prend elle-même si le Conseil de fondation ne les prend pas. Au 30 septembre 2008, les valeurs d'exploitation de la fondation se montaient théoriquement à 67 millions de francs, les valeurs de liquidation à 55 millions.