22 avril 2009

EURORAMDAM

La "Tribune de Genève" a été désignée début février 2008 "Journal exclusif de la ville hôte" de l'Eurofoot par MediaMark Muller, Conseiller d'Etat en charge des constructions de fêtabeaufs à la Praille et dans les quartiers circonvoisins. Vu la manière dont la Julie a couvert depuis des années le feuilleton de la Praille, puis les préparatifs de l'Euro, et a servi de relais aux appels désespérés à la mobilisation de l'enthousiasme populaire défaillant à l'égard de la Praille comme de l'Euro, cette désignation est plus un constat qu'une mission. En tous cas, ça nous présageait (et on n'a pas été déçus) une couverture médiatique à venir, à la hauteur de la couverture médiatique déjà assurée sur le stade et l'Euro : toute tissée d'indépendance et farcie d'esprit critique. D'ailleurs, c'est pour manifester cette indépendance et assurer cet esprit critique que la Julie, toute fiérote, annonçait qu'elle avait "engagé des moyens exceptionnels" (une trentaine de personnes) pour couvrir l'événement. Et que, princièrement, et avec l'Etat, elle mettait au concours cent places pour les matches joués à Genève.

La megasuperteuf du foot à Plainpalais et au Bout du Monde va coûter au moins 2,6 millions, dont un million à la charge du canton -mais sans tenir compte des frais qu'elle va entraîner pour la Ville.
C'est la société (privée) d'un député radical au Grand Conseil, Frédéric Hohl, qui a été mandatée pour organiser les diverses manifestations annexes à l'Eurofoot, à Genève : sur la plaine de Plainpalais (écran géant, stands, animations, quelques concerts), au Bout du Monde (écran géant, stands, animations, concerts, camping). Et comme ladite société privée dudit député radical a le sens des vraies valeurs, elle avait prévu d'installer à Plainpalais, pour dominer la plèbe, une tour de trois étages pour les VIP, à qui étaient proposés (contre rémunération de 170 à 550 balles par jour et par personne) repas gastronomiques, consommations à discrétion, salon (pardon : "lounge")... et plus (au "Club o8" des Vernets) si affinités.

A Plainpalais, la "Fan zone" (pour laquelle on a déboulonné les jeux pour enfants -pendant l'Euro, la vie s'arrête...) fermait à minuit. Autant dire que les nuisances se poursuivaient jusqu'à l'ouverture des premiers bistrots du quartier, à 4 ou 5 heures. "Il y aura du bruit, la fête est à ce prix", se défendaient les organisateurs. Et les dommages collatéraux (vols, dégradations), se demandaient les habitants, qui savent que les assurances ne remboursent pas les dégâts dus à des "événements exceptionnels" ? ben... euh... l'Etat n'engage pas sa responsabilité civile, la Ville non plus, démerdez vous, répondaient les zautorités...
On se demande par ailleurs pourquoi la "Fan Zone" a été installée à Plainpalais, en pleine ville, pendant trois semaines, alors qu'on aurait pu la coller au calme au Bout-du-Monde (ça aurait évité au "Fan Village" qu'on y a établi de se transformer en zone tout court), ou dans le stade les jours où il n'était pas utilisé pour des matches...

Pour nettoyer les parcs à bestiaux, la Ville a dû faire appel à des entreprises privées, la Voirie ne pouvant à elle seule débarrasser ces espaces privatisés des détritus que les joyeux supporters laissaient derrière eux. Elle avait d'ailleurs fort à faire, la Voirie, avec le reste de la Ville : au maximum de sa capacité, elle avait même interdit à ses hommes de prendre des vacances en juin, et les avait prévenus qu'ils auraient sans doute à faire des heures supplémentaires. En revanche, elle n'avait pas prévu de rendre obligatoire l'utilisation de vaisselle réutilisable avec consigne, et laissait utiliser de la vaisselle jetable qui est partie gonfler la montagne de déchets expédier aux Cheneviers, faut bien rentabiliser cette usine... Et alors, vous n'avez tout de même pas cru une seconde que les grands discours sur l'écologie, le développement durable et autres Agendas 21 étaient autre chose, précisément, que de grands discours ?

Pour faire chier encore plus de monde, et la nuit, le Conseil fédéral a autorisé pendant l'Euro les vols nocturnes (entre 22 heures et 6 heures) au départ des aéroports de Genève, Berne et Zurich, pour évacuer les supporters les soirs de matches. Et emmerder les riverains des aéroports les nuits qui suivent.

Pour ne pas laisser souffrir ceux de leurs habitants allergiques aux réjouissances de l'Eurofoot, mais voisins des zones de ces réjouissances, Bâle et Berne avaient décidé de les aider à prendre des vacances et avaient entamé des négociations avec des régions de montagne en Valais et dans les Grisons. Aucune négociation n'a cependant été prévue avec la Chine pour offrir aux riverains des parcs à blaireaux de jolies vacances au Tibet.
Plusieurs villes de Suisse ont en outre tenté de limiter les débordements tribaux d'avant et après-matches : Berne a rappelé qu'il était interdit de tenir un drapeau hors de sa voiture, Neuchâtel et Nyon ont interdit les défilés automobiles dans certains secteurs.

A Berne, on a mis sur pied une campagne de préparation de l'accueil des supporters des équipes qui jouaient sur place, campagne devant théoriquement comporter un volet de "sensibilisation aux langues" des pays concernés. Sensibilisation "aux langues" (au pluriel) qui s'est finlement réduite en la distribution d'une feuille résumant les principales phrases d'accueil ("Bonjour", "c'est par là", "veuillez déposer vos bombes à la consigne", etc...) en hollandais et en roumain, outre le français et l'italien dont on rappellera qu'il s'agit de langues nationales et officielles de la Suisse. Mais pour tout le reste, la "sensibilisation aux langues", ça c'est résumé en un usage systématique du pidgin touristique anglo-américain.
Vivement les Chinois, qu'on se marre.

L'organisateur des parcs à bestiaux de l'Eurofoot, le député radical Frédéric Hohl, s'est pris une bûche de 12'400 francs pour avoir laissé entrer des mineurs dans le "Fan Club 08", la disco éphémère installée aux Vernets. Et il s'est plaint, Hohl, d'avoir dû subir "une leçon de morale très politisée par un adversaire de gauche", l'ancien syndicaliste du SIT Ismaïl Türker, responsable du service des autorisations du Département de la Santé et de l'Economie. C'est vrai qu'entendre un discours de gauche pendant l'Eurofoot, ça avait de quoi surprendre. Mais qu'on s'est finalement assez peu plaints, de notre côté, d'avoir dû subir pendant un an des "leçons de sport très commercialisées par des fétichistes du foot".

En novembre, un sondage effectué pour "Coopération" indiquait que 54 % des 500 personnes interrogées déclaraient ne pas s'intéresser à l'Euro (22 % pas à l'Euro proprement dit, et 32 % pas au football en général). 7 % se disaient déjà "dans la fièvre de l'Euro", et 39 % attendaient le début de la compet' pour s'en réjouir. Les autres attendaient la fin pour être soulagés.

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