23 octobre 2011

Fonds de tiroir

« Neuchâtel Xamax est maintenu sous perfusion pour des raisons sportives », titre « Le Matin Dimanche » de dimanche dernier, en nous annonçant que la « Swiss Football League » (la coupole nationale du foot) a payé à la place du club des factures impayées par son impayable président, Bulat Chagaev. Des factures de la société Syconcept, qui gère les écrans géants dans le stade de la Maladière. Ecrans géants qui permettent de passer les pubs de la SFL. Pubs qui rapportent du pognon à la SFL, et ecrans qui paraît-il sont indispensables à la tenue de matches dans un stade de foot. Nous, on croyait que pour jouer au foot, il fallait un ballon, deux fois onze joueurs et des arbitres. On apprend maintenant qu'il faut aussi des écrans. Et des pubs. Et que ce sont là les « raisons sportives » pour lesquelles les factures du club ont été payées (mais en puisant dans un compte alimenté par les droits télé des matches joués par Xamax) par la Souisse Fottball Ligue. Ce qui a fait râler les autres créanciers de Bulat Chagaev, qui, eux, attendent d'être payés. Et ouala. Bulat Chagaev, ça doit être un nom d'emprunt : enlève ton masque, Marc Roger, on t'a reconnu.

Début septembre, une rencontre de 4ème ligue de foot, entre les FC vaudois Le Talent et Cugy, a fini en bagarre générale, après que deux joueurs se soient castagnés et qu'une vingtaine de supporters aient envahis le terrain de Saint-Barthélémy (le premier qui dit que c'était un nom prédestiné est un antisportif huguenot primaire). L'un des joueurs a été blessé par une arme de poing ou un objet contondant et l'entraîneur de l'une des équipes a abreuvé les joueurs de l'autre d'injures racistes. Bon, bref, vive le sport école de civilité, quoi...

Le président du FC Sion, Christian Constantin, vire à gauche. Si, si. Bon, c'est pas par conviction politique, c'est parce qu'il a une dent contre les faîtières du foot mondial, l'UEFA et la FIFA, qui ont beau engranger des milliards (2,3 milliards d'euros prévus en 2001-12 pour l'UEFA) mais ne paient pas un fifrelin d'impôt fédéral (et, pour l'UEFA, pas plus d'impôt cantonal) au prétexte qu'elles sont « d'utilité publique ». Constantin en veut à la FIFA d'avoir sanctionné son club pour l'engagement d'un gardien étranger dans des conditions contraires aux réglements de la FIFA, qui comme chacun sait s'imposent aux lois nationales. Et du coup, il rejoint la gauche dans sa revendication d'assujettir la FIFA (et l'UEFA, et toutes les autres faîtières sportives) à l'impôt, comme de vulgaires entreprises commerciales -qu'elles sont. La FIFA, qui ne paie ue les impôts cantonaux et municipaux à Zurich, en a payé pour un peu plus de trois millions en quatre ans (2007-2010), alors que si elle avait été traitée pour ce qu'elle est, elle aurait dû en payer soixante fois plus. La FIFA ne paie pas non plus d'impôts dans les pays où elle organise la Coupe du Monde, et qu'elle laissent se charger des infrastructures nécessaires pendant qu'elle encaisse les benefs (2,3 milliards pour la Coupe du Monde en Afrique du Sud). Voilà, voilà... mais c'est marrant, quand même : on peut peut plus parler de sport sans parler aussi de pognon... fatalitas...

Le samedi 10 septembre, à l'aube du jour du match entre Servette et Bâle à la Praille, trois supporters du Servette ont été interpellés par la police : ils venaient de planquer dans les chiottes des engins pyrotechniques pour foutre un peu de feu à la partie. Un quatrième supporter sera interpellé après le match pour avoir effectivement bengalisé son coin de tribunes. Aucun supporter bâlois, en revanche, n'a été surpris en train de franchir les limites du bon goût sportif -dont on sait qu'elles sont assez larges. Quant au match, Servette s'est fait éclaffer en prenant quatre buts sans en marquer aucun. Résumé des courses : 4:0 pour Bâle au football, 4:0 pour Servette au bengale. Un match nul comme un autre, quoi.

« Autant l'affirmer sans ambage, la saga de Bulat Chagaev à la tête du Neuchâtel Xamax, ça suffit ! Il faut que le sulfureux Tchètchène s'en aille, et vite ! », implore l'édito du « Courrier » du 12 septembre. En rappelant qu'à l'arrivée de Chagaev, une seule opposition s'était manifestée: celle du professeur Patrick Vincent. Et qu'à l'exception des Verts, personne ne l'avait écoutée, cette voix. Du moins tant qu'on croyait qu'il avait du pognon, Chagaev. Mais maintenant, on a des doutes : il a été viré d'un club de foot pour non respect de ses engagements financiers, à Neuchâtel ses fournisseurs ne sont pas payés... alors là, on s'inquiète. Parce qu'un butor riche, on supporte. Mais un butor fauché, c'est plus rien qu'un butor. Tchetchène, en plus. Résultat : le « club des amis » du Xamax, qui réunissait 160 personnes la saison dernière (chacune paie 10'000 balles pour soutenir le club) n'en réunissait plus que 25 l'été dernier. Du coup, Chagaev, qui les soupçonnait d'être amis du club sans l'être de son président, leur a interdit l'entrée du stade. A notre avis, ça a plutôt dû les soulager, les amis du club, de ne plus pouvoir mettre les pieds, ni le reste, au stade de Grozneuche...