27 octobre 2013

Fonds de tiroir

Ouverte en 1958, la patinoire genevoise des Vernets est à bout de souffle. Depuis six ans, les collectivités publiques (la Ville de Genève, essentiellement) ont consacré plus de vingt  millions à la maintenir à peu près en état (son dernier lifting a coûté 7,5 millions), mais elle ne remplit plus les exigences catégoriques de la Ligue Nationale de hockey, qui exige (de quel droit, au juste) que ces exigences soient respectés d'ici à la saison 2015-2016 : l'éclairage et l'affichage doivent être remplacés, la salle des media déplacée, les bancs de pénalités et les vestiaires agrandis... il faudrait mettre 15 à 20 millions pour satisfaire ces exigences. Ou 30 millions pour construire une nouvelle patinoire. Qui va les mettre, ces millions ? Le club résident, le Servette Hockey Club, ne veut évidemment pas payer. Et s'adresse aux collectivités publiques. Sur lesquelles attendent les « partenaires privés ». Le canton, lui renvoie tout financement à 2018, la Ville de Lancy n'a pas les moyens de payer, la Ville de Genève a déjà payé (et le projet de nouvelle patinoire n'est pas implanté en Ville...). Voila. Les mendiants du sport font la manche pendant que les collectivités publiques rabotent tous leurs budgets, et on se dit qu'on est assez bien partis pour être témoinf d'un «feuilleton patinoire» ressemblant comme deux cristaux de glace au feuilleton du Stade de Genève...

On se sert un grand verre de Champagne pour saluer le refus par les Zurichois (de la Ville), même à une courte majorité, du projet de nouveau stade de foot de 19'000 places, pour 216 millions, à l'emplacement du défunt stade du Hardturm. Y'a des votes, comme ça, qui vous consolent de la victoire des saucisses à Lüscher... et vous inspirent pour le sort à réserver à l'étron de la Praille.

Bonne question du «  Temps » de samedi  : «Combien de morts sont-ils acceptables pour assurer le plein succès d'une Coupe du monde de football ? »... à Qatar, où doit avoir lieu en 2022 la Coupe du Monde de football, on fait travailler dur les ouvriers, par des températures jusqu'à 50°, sur les chantiers des infrastructures nécessaires à la fête à neuneu. On les fait même travailler si dur, les ouvriers (immigrants, les ouvriers : pas fous, les qataris ne font pas ce genre de boulots...), qu'il en meure un à deux par jour. Rien qu'en juillet, 32 ouvriers népalais sont morts, 119 depuis le début de l'année -les Népalais forment l'un des gros contingents des travailleurs immigrants exploités (salaires de misères, conditions d'hygiène scandaleuses, absence de droits syndicaux et même de droit du travail...) pour le Mondial de foot). Avec 80 Indiens, morts aussi depuis le début de l'année, plus de 200 ouvriers d'autres pays. A raison d'un à deux ouvriers morts par jour jusqu'en 2022, on en sera à 4000  le jour du premier match. La coupole du foot-pognon international, la FIFA, s'inquiète. Pas de la santé ou de la vie des ouvriers qui construisent les stades, mais du confort des joueurs et du public. Elle envisage donc de déplacer la coupe en hiver mais la fédération anglaise de foot s'y oppose, elle a son championnat à vendre pendant cette période et elle en attend 3,5 milliards pour la saison; opposition également du Comité international olympique, qui ne veut pas de concurrence avec les Jeux d'hiver qui lui rapportent deux milliards; opposition aussi de la chaîne télé américaine Fox Sports, qui ne veut pas d'une concurrence entre le foot à la mondiale et le foot américain. Pour les travaux, qui vont continuer toute l'année pendant encore huit ans, elle dit rien, la FIFA. Les ouvriers vont donc continuer à bosser en plein été qatari. Et à tomber comme des mouches. Le foot ressemble de plus en plus à l'armée : on savait déjà qu'il rendait con et que le fric qui y circule puait. On sait désormais qu'il tue aussi...