18 mai 2012

Mondial 2014 de foot : Main basse sur le Brésil


Comme nul n'est censé l'ignorer, la prochaine coupe mondiale de foot, le « Mondial » (comme s'il était évident que ce machin résumait la planète) se déroulera et déroulera ses fastes, son fric et sa dope, au Brésil. Et le Brésil s'y prépare, sous la houlette tout sauf désintéressée de la coupole du foot professionnel international, la Fédération internationale de football (FIFA) et de son parrain haut-valaisan, Sepp Blatter. « Le Brésil s'y prépare », cela signifie : évacuation des habitants de quartiers entiers, violation des droits humains et des droits syndicaux, surexploitation des travailleurs, coupes dans les budgets sociaux pour financer les infrastructures sportives et touristiques... Il paraît que le Brésil a un gouvernement (et une présidente) de gauche. Face au foot-pognon mondialisé, il apparaît surtout que la gauche est aussi veule que la droite. 

Des chômeurs regarderont à la télé des millionnaires courant après un ballon

Souvenez-vous du Mondial 2010, en Afrique du Sud : ce fut une véritable opération de pillage des caisses publiques du pays par les organisateurs des joutes, leurs sponsors et les media. L'Afrique du Sud y avait perdu près de trois milliards de francs, la Coupole du foot (la FIFA, donc) y avait gagné plus de trois milliards de francs. Un transfert modèle, sur le dos des travailleuses et des travailleurs sud-africains, surexploités pendant tout le temps où ils mettaient sur pieds et sur béton toute l'infrastructure nécessaire à la « grande fête du sport ». Eh bien, pour le Mondial brésilien de 2014, l'histoire bégaie : sur les chantiers du Mondial, les salaires versés sont inférieurs au minimum vital. Les syndicats demandent un salaire minimum de 1100 reals par mois (environ 635 US$) mais le salaire minimum réel plafonne à 650 reals (environ 400 US$), et pour s'assurer que l'impudente revendication de pouvoir vivre de son travail ne perturbera pas les réjouissances fotballeuses, le droit de grève sera drastiquement limité pendant les trois mois précédant la compétition, et pendant toute la durée de celle-ci -il ne faudrait pas que les spectateurs et les téléspectateurs soient informés de la situation réelle des gens qui ont travaillé pour le spectacle... Enfin, le Mondial va déloger plus de 150'000 personnes des zones où sévira la fièvre du ballon rond et des favelas qui font tache dans le paysage touristique qu'on veut présenter, et il va de plus priver les marchands de rue (qui habitent ces favelas) de leur gagne-pain (en plus de leur logement) afin d'assurer le respects des droits exclusifs des sponsors de la FIFA.

« La FIFA met le Brésil en coupe réglée », résume Solidar Suisse (l'ex Oeuvre suisse d'entraide ouvrière, OSEO), qui lance une campagne pour exiger de la Coupole qu'elle fasse respecter les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs brésiliens et des populations locales, victimes à la fois de la rapacité de la FIFA elle-même, de celle des sponsors et de l'incroyable veulerie des autorités brésiliennes. Il y a sans doute quelque feinte naïveté dans une campagne qui demande aux organisateurs d'une calamité de « promouvoir le fair-play à l'égard de la population locale » frappée par cette calamité, mais il y a surtout la volonté de mettre la FIFA face à ses propres discours sur le fair-play et la grande fraternité du sport, et à sa propre pratique : l'organisation «sportive» est en fait une multinationale qui va engranger des milliards de francs, ou de dollars, ou d'euros, grâce au Mondial et grâce à l'exploitation de ceux qui vont le rendre possible sur place, mais cette multinationale ne paie pas, et ne veut pas payer d'impôt, ni au Brésil où elle va sévir, ni en Suisse où elle siège.

Les milliards que le Brésil va consacrer à l'organisation du Mondial, pour les beaux yeux de la FIFA, de ses sponsors et des chaînes télés qui retransmettront les matches en faisant exploser les tarifs des publicités qui encadreront et farciront les retransmissions, ces milliards de dépenses somptuaires seront compensés par des coupes dans des programmes sociaux autrement plus urgents et plus essentiels que des joutes organisées dans les moindres détails par la FIFA, et se résumant en cette formule : « des chômeurs regardant à la télé des millionnaires courant après un ballon ».

Il y a 50 millions de pauvres au Brésil. Il y en aura encore plus après le Mondial. Mais ils auront pu croire leur pays devenu le centre du monde, alors qu'il n'aura été qu'un champ mis en coupe réglée par la FIFA.

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