15 avril 2015

FC Servette et Stade de la Praille : Ben y'en a qui manquent pas d'air

Le Servette Football club est en cessation de paiement, les salaires des joueurs n'ont pas été payés en mars, les fournisseurs non plus, le spectre rigolard de la faillite, qui avait déjà survolé le trou de la Praille à plusieurs reprises, y refait un petit tour, il manque 400'000 balles pour mars, quatre millions et demi pour la saison, le club risque de ne pas obtenir sa licence pour la saison prochaine et de se retrouver en ligue plébéienne, son président (qui est aussi le président de la société d'exploitation du stade) sonne le tocsin et en appelle aux fonds publics, comme d'hab'... Et il faudrait qu'on s'émeuve ? On est plutôt enclins à ricaner, là... surtout quand on lit dans la "Julie" ce titre : "Le SOS de Servette agace le pouvoir politique" (sauf Gominator, qui est prêt à siphonner les caisses publiques de tout ce Quennec demande). "Agacé", les "politiques" ? C'est le moment... nous, on avait plutôt souvenance que la plupart d'entre eux  avaient pour le Servette FC le Stade de la Praille des yeux bien plus énamourés qu'agacés...
On nous supplie de « sauver Servette », mais sauver Servette de quoi, ou de qui ?
On se marre doucement, en apprenant que l'exploitant du Stade de Genève (et président du Servette FC) Hugh Quennec plaide désormais pour un stade de 18'000 places au lieu des 30'000 qui ont été balancées, avec les millions qui vont avec, dans le trou de la Praille. On se souvient surtout qu'on avait fait aboutir une initiative pour un stade de 15'000 places, mais que cette initiative n'avait pu être soumise au peuple parce que les partisans du stade de 30'000 places avaient fait traîner suffisamment longtemps l'examen de l'initiative pour que la construction du gros machin ait commencé, et que l'initiative pour un plus petit machin devienne caduque... Cela dit, comme on ne refait pas les stadolâtres, Quennec va quand même demander des sous aux collectivités publiques, parce que supprimer 12'000 des 30'000 places du stade pour en faire des bureaux et des espaces commerciaux, plus un stade de 18'000 places, ben oui, ça coûte du pognon. En plus, il faut payer la finition du stade, le déménagement du FC Servette au Grand Saconnex et l'installation à la Praille d'une pelouse synthétique. Donc il est à la recherche de 30'000 millions, Quennec. Alors à tout hasard, on avertit : la décision de principe de lancer un référendum contre toute dépense publique de plus d'un million pour le trou de la Praille (ou le FC Servette, entreprise privée et non association sportive) tient toujours... on dit ça comme ça, hein, histoire que les choses soient claires...
Quennec se plaint et récrimine. Il se plaint d'avoir hérité, à l'insu de son plein gré, d'un accord passé par son prédécesseur avec la Fondation du stade, accord qu'il n'a pas dénoncé et qui laisse la gestion de l'enceinte au club en lui en laissant aussi les bénéfices. Mais quand bénéfice il n'y a pas (et ne peut y avoir) et qu'il n'y a (et ne peut qu'y avoir) qu'un trou, c'est le trou dont hérite le club. Et selon Quennec, ce trou lui coûte deux millions par an. A cause de l'accord passé en son temps par Madjid Pishyar. C'est le jeu, au Servette et à la Praille : chaque président dénonce l'héritage du président précédent. Qui avait déjà dénoncé l'héritage de son prédécesseur. Le Servette de Quennec est dans la mouise ? C'est la faute à Pishyar. Qui s'est planté par la faute de Vinas. Qui s'est gaufré à cause de Roger. Qui a plongé à cause de Lüscher. Qui a vendu à Roger à l'insu de son plein gré. La routine quoi, le mélange de la faute à pas de chance et de la présidence d'avant.  Donc, comme tous ses prédécesseurs, Quennec se plaint, et récrimine, c'est-à-dire réclame du pognon. A l'Etat. A  qui d'autre oserait-il en réclamer, d'ailleurs, après avoir refusé des offres de reprise ? De toute façon, c'est aussi une habitude, dans ce dossier : quand le fric manque, on le pompe dans les caisses publiques. Ou on essaie, comme il fut tenté auprès de la Ville (nous y mîmes bon ordre par un référendum victorieux). Là, on essaie auprès du canton, de l'association des communes genevoises, de la Ville de Lancy (bientôt le Qatar ?). Et on s'y prend si mal que le président du Conseil d'Etat, vexé, résume la demande comme celle d'"un locataire qui ne paie pas son loyer et qui réclame le remboursement de travaux qu'il n'a pas effectués". Et en plus, il ne le fait pas poliment : qu'il le fasse "dans les formes" et on verra, temporise François Longchamp. Mais on s'en fout, des formes, Votre Seigneurie, c'est le fond qui interpelle, pas les "formes"...
Aujourd'hui, Quennec réclame six (ou sept, on ne sait pas trop) millions à l'Etat, au prétexte du remboursement de frais d'entretien dont il est incapable de prouver qu'il les a réellement assurés. Le président de la Fondation du Stade, Laurent Moutinot, a adressé au Conseil d'Etat un rapport qui signale que le loyer du stade, d'ailleurs impayé, ne se monte qu'à 150'000 francs par an, que l'entretien n'étant pas effectué, et n'ayant donc rien coûté, n'a pas a être remboursé, et que les coûts du stade ne sont qu'un prétexte pour camoufler le déficit structurel du club  (dont le "staff" coûterait à lui seul trois millions par an).
Désigné par le Conseil d'Etat pour siéger au Conseil de fondation du Stade de Genève, et devenu président de ladite fondation, Laurent Moutinot n'a rien d'un footophobe ni d'un mysostade. Il avait accepté l'apostolat de présider au destinées du trou de la Praille (trou financier et populaire -le stade est généralement à 90 % vide les jours de match) pour essayer d'en sauver ce qui peut l'être, et voulait, comme le recommandaient les députés Sami Kanaan et Ivan Slatkine en 2004 déjà, clarifier ce qui, dans ce pensum, devait relever de la responsabilité du secteur public (à notre sens : rien...) et ce devait revenir au secteur privé (à notre sens : tout... eh oui, il nous arrive d'être partisans d'une privatisation...). Argument (du moins à l'époque) : "l'Etat ne peut se désintéresser du stade, vu l'argent public qu'il y a investi". Or c'est précisément parce qu'il y a déjà balancé plus d'une centaine de millions de francs qu'il convient, à notre sens, de s'en désengager le plus rapidement et le plus totalement possible, sauf à se résigner à, pendant encore quarante ans, en boucher le trou financier sous le seul prétexte qu'on a déjà passé douze ans (le stade a été inauguré en 2003) à y gaspiller des fonds publics. Or le stade n'est pas rentable. Il ne le sera jamais. Et le contrat de gestion du Stade par le FC Servette n'est pas tenable : le club n'a pas les moyens de financer l'entretien, voire la rénovation partielle du machin... Il ne les avait pas avant Quennec, il ne les a pas sous Quennec, il ne les aura pas après Quennec.
Alors, aujourd'hui, on nous supplie de "sauver Servette", mais sauver Servette de quoi, ou de qui ? Le sauver du stade ? Mais ceux qui nous supplient de sauver Servette du Stade ne sont-ils pas les mêmes que ceux qui ont tout fait pour que l'étron de la Praille soit chié à la taille qu'il a (et au coût qu'il a), quand nous proposions de le réduire (et d'en réduire les coûts) de moitié ? On peut certes reprendre l'appel lancé par l'ancien capitaine du Servette (du vrai Servette, celui des Charmilles, pas celui de la Praille...) Gilbert Guyot "aux autres entreprises genevoises" (privées) "de se mobiliser et d'investir"... en n'omettant pas les derniers mots de l'appel au soutien : "... pour autant que M. Quennec ouvre les comptes". Oh voui, qu'il les ouvre, histoire qu'on rigole.
Faut dire que sur ce terrain (de stade de foot), notre mauvais fond remonte très, très vite à la surface. Même en période électorale. Et qu'on préfère de loin voir et entendre Cantona nous raconter "les rebelles du foot" sur Arte que Quennec nous réclamer le fric du stade dans la "julie"...

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