28 mars 2009

EUROSOUK

L'organisme faîtier du secteur touristique suisse, Suisse Tourisme, espèrait pour 2008 une croissance du chiffre d'affaire du secteur, et du nombre de nuitées, supérieures à celle enregistrée entre 2006 et 2007... grâce à l'Eurofoot, qui devait, selon Suisse Tourisme, générer 500'000 nuitées supplémentaires (ce qui ne fait toutefois que 1,5 % du total). Mais comme prudence est mère de sûreté, Suisse Tourisme voulait encore inciter les fans de foot à prolonger leur séjour en Suisse après les matches. C'est raté : la durée moyenne du séjour des visiteurs de l'Eurofoot a été en Suisse de 3,4 nuits (3,6 en Autriche), et ils n'ont dépensé sur sol helvétique que 1621 francs en moyenne (2189 francs en Autriche) Suisse Tourisme espèrait une croissance du nombre de nuitées supérieure en 2008, grâce à l'Euro, à celle observée en 2007. Quant aux hôteliers, ils font grise mine : des quatre villes hôtes de l'Eurofoot en Suisse, seule Bâle a vu le nombre des nuitées hotelières augmenter (de 3,6 % en comparant juin 2008 à juin 2007), mais uniquement grâce à l'augmentation de celles dans les puciers une étoile. A Genève, le recul des nuitées a atteint 4 %, à Zurich 4,8 %, à Berne 12,7 %.

Les commerçants de Nyon et de Genève ont fait suer le burnous de leurs employés en nocturne et le dimanche, pendant l'Eurofoot, les Nyonnais aux environs de l'écran géant du bord du lac, les Genevois un peu partout (aux abords du stade, aux abords des "fans zones", sur le parcours des troupeaux de supporters...). Du 7 au 28 juin à Genève, les magasins situés entre Cornavin et la vieille ville pouvaient rester ouverts en semaine jusqu'à 20 heures, les samedis 21 et 28 juin jusqu'à 18 heures, les samedis 7 et 14 juin jusqu'à 19 heures et le dimanche 15 juin de 11 à 17 heures. Les travailleuses et travailleurs pouvaient bosser jusqu'à 14 heures par jour, six jours de suite. Retour à la semaine de 84 heures. L'Eurofoot, c'est Germinal. Les syndicats ne sont pas contents : ils étaient opposés à ces prolongations, mais c'est la Confédération qui les a autorisées, le canton allant un peu moins loin que ce qui était autorisé (la Confédération autorisait les ouvertures jusqu'à minuit). Compensation salariale : un salaire doublé pour le travail dominical.
Les travailleurs des transports publics ont eux aussi été appelés à bosser plus -et eux non plus ne sont pas très heureux de cette pression supplémentaire. L'Euro2008 avait averti la direction des CFF (et celles des transports publics urbains) en requérant un "engagement maximal" de la part de l'ensemble du personnel des transports publics suisses pendant trois semaines. Les CFF ont fait circuler 2500 trains spéciaux (et les compagnies annexes, BLS et de Suisse orientale, 1300 autres) pendant ces trois semaines de juin, et offert deux millions de places supplémentaires (dont un million pour les voyageurs liés à l'Euro2008), sur les lignes desservant les quatre villes hôte et douze villes accueillant des "arènes" à écran géant. Le trafic régional autour des quatre villes hôtes a fonctionné les jours de matches, 24 heures sur 24. Au passage, les CFF avaient annoncé qu'ils ne prendraient pas de réservations les jours de matches, ce qui perturbait totalement la planification des courses d'école se déroulant dans toute la Suisse à cette période de l'année.
Cette mobilisation des CFF, qui va, concrètement, l'assumer ? Le personnel a dû renoncer à des jours de congé et effectuer des tours de service plus longs. Les contrôleurs se sont vu raboter des jours de congé, sans consultation des syndicats, on a pas de temps à perdre à un "dialogue social" archaïque quand sonne l'heure du foot.

Si les vendeuses et vendeurs, et contrôleurs des transports publics ont été appelés à bosser un peu plus, les maraîchers et puciers de Plainpalais, eux, ont été mis au régime : l'installation du parc à blaireaux de la "fans zone" à Plainpalais a bouffé une partie de l'espace du marché -d'où une solide rogne naissant entre le comité de l'association des marchés et le Conseiller administratif Maudet, qui promettait aux marchands que la "fan zone" n'aurait pas "d'incidence notable" sur les marchés, mais c'est plus d'un mois de perturbations et de réduction de l'espace qu'ils occupent habituellement que les marchands ont eu à subir, dans la meilleure période de l'année pour eux. Et comme ils n'avaient pas pu obtenir les précisions qu'ils demandaient sur ce qui les attendait, ils nourrissaient quelques doutes sur la crédibilité des assurances données en décembre dernier par les zautorités municipales et cantonales, leur promettant que la foire à blaireaux de Plainpalais n'entraînera pratiquement aucune nuisance pour eux. Finalement, un accord a été signé le 18 avril entre la Ville et les marchands de Plainpalais (puciers, maraîchers). La "Fan zone" a été entourée de palissades (c'était bien un parc à blaireaux).

L'installation de la Fan Zone à Plainpalais a eu quelques autres effets collatéraux : le glacier de la plaine a dû plier bagage pour libérer l'espace réservé aux éventuelles évacuations de la Fan Zone. L'indemnisation que lui a proposé la Ville ne couvre évidemment pas les pertes occasionnées, mais tant pis : faut faire de la place au corral.

Une bonne nouvelle, tout de même On a trouvé une utilité sociale à l'Euro 2008 : la décroissance. La perte de productivité du travail entraînée par les discussions, les nuits blanches, les beuveries et autres joyeusetés liées à l'Euro pourrait correspondre à 0,4 % du Produit intérieur brut de la Suisse (et de l'Autriche), soit, pour la Suisse, à environ 1,8 milliard de francs, c'est-à-dire deux ou trois fois plus que ce que les hypothèses les plus optimistes promettent de création de valeur ajoutée brute à l'économie suisse.Selon une étude d'une université allemande, les "bavardages" autour du Mondial de foot de 2006 ont fait perdre un quart d'heure de travail par jour et par travailleur à l'économie allemande. La réduction du temps de travail par le bavardage sur le foot, fallait y penser.

Et puis une autre bonne nouvelle, faut rester positifs : le trafic automobile privé a été limité autour du stade de la Praille. Bon, c'est pas par conviction écologiste, c'est parce que l'UEFA l'a exigé (et que quand l'UEFA exige, villes et cantons s'inclinent).

Travail des enfants, salaires de misères, absence de contrats ou contrats précaires : c'est le contexte de la fabrication des ballons de foot dans la région de Sialkot, au Pakistan, où 75 % des ballons vendus dans le monde sont fabriqués. Du coup, le réseau genevois du commerce équitable (Magasins du monde, Capi Indigo, le Balafon, Heartical, la Calebasse, Ayni) a proposé des ballons certifiés "équitables" et écolos. La matière première du ballon sera payée plus cher que le prix fixé par le "marché", les salaires seront supérieurs de 50 % aux salaires "normaux", le produit fini sera acheté 20 % plus cher que le prix "du marché".

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