19 décembre 2013

A propos des grand'messes sportives

Panem, circenses et pecunia

Des stades surdimentionnés construits en des temps records et à des coûts maximaux, des aéroports qui ne seront utiles que le temps des jeux du cirque, les droits des travailleurs et des habitants écrasés sous les pelleteuses et noyés dans le béton, la répression policière, le matraquage propagandiste : c'est la réalité de l'organisation des grand'messes « sportives » qui vont se dérouler ces prochains mois, des Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi au Mondial de foot brésilien. Il paraît que la France entière était, ou devrait être (en tout cas a-t-elle été sommée de l'être) après que son équipe de foot ait gagné son ticket pour le festival mondial de balle au pied qui se tiendra au Brésil. Il paraît qu'il devrait en être de même pour la Suisse. Il paraît surtout qu'il serait inconvenant de s'interroger, comme le fait un ouvrage qui vient de sortir*, et comme le fera un débat qui se tiendra autour de cet ouvrage**, sur ce qui « se cache derrière l'organisation des grands événements sportifs», qui y gagne, et qui en fait les frais... Donc, forcément, antisportifs primaires comme on est, puisqu'il ne faut pas s'interroger, on s'interroge...

* « La Coupe est pleine », CETIM, Genève, 2013 (on peut le commander au CETIM www.cetim.ch


Soudain, l'été dernier...

Soudain, l'été dernier, dans toutes les villes du Brésil, des centaines de milliers de personnes (au total, dans toutes les manifs, des millions de personnes) descendaient dans la rue pour clamer leur indignation face à la comparaison des moyens gigantesques consacrés par les pouvoirs publics à l'organisation et aux infrastructures de la Coupe du Monde de foot, avec les moyens dérisoires dont disposent les services publics les plus essentiels, et la situation calamiteuse des écoles, du logement et des structures sanitaires du pays. A Sotchi, où vont se dérouler dans deux mois les Jeux Olympiques d'hover, il est vrai qu'on n'a pas eu connaissance de manifestations comparables -le régime de Poutine ayant il est vrai une conception plus... disons plus restreinte des libertés politiques que le régime du Parti des Tracvailleurs brésilien...
Mais au Brésil comme en Russie, pour le Mondial de foot comme pour les JO d'hiver, on vide les caisses publiques pour complaire aux coupoles du sport-business, le FIFA et le CIO, deux associations dont les décisions, les statuts et les intérêts prennent subitement force de lois et de constitutions nationales.

Au nom du « sport », au  Brésil comme en Russie, comme en Chine hier, le rouleau compresseur passe sur les sites des compétitions sportives, et les quartiers populaires des villes-hôtes : destructions d'immeubles, voire de quartiers entiers, expulsions d'habitants, expropriations arbitraires, opérations foncières spéculatives arasent l'habitat pour les jeux du cirque. Quant aux infrastructures, elles sont édifiées par des travailleurs sous payés, soumis à des cadences infernales. Le tout sur fond de corruption galopante. Et finalement, ce sont des zones de non-droit qui sont constituées pendant toute la période des compétitions, où les lois du pays ne s'appliquent pas, mais où règnent les volontés de la FIFA, du CIO et des sponsors. Quant à ce qui se passe une fois les compétitions terminées : les villes se retrouvent avec des équipements totalement surdimensionnés et des dettes colossales.
A Genève d'ailleurs, et toutes proportions gardées, on ne fait guère mieux : combien de dizaines de millions de francs les collectivités publiques genevoises, qui crient famine et à qui la droite veut imposer des régimes minceurs et des réductions de prestations, ont-elles balancés dans le trou financier du Stade de la Praille ? Et combien de dizaines de millions de francs les partisans du resserrement des budgets publics attendent de ces mêmes budgets (y compris de celui de la Ville de Genève, qu'ils attaquent à la hache) pour financer une nouvelle patinoire ?

Les gouvernements des pays-hôtes sont totalement complices de cette situation ravageuse. Mais pas seulement eux : nos gouvernements aussi, d'autant, s'agissant de la Suisse, que les faîtières du sport professionnel, à commencer par le Comité International Olympique, coulent des jours fiscalement et politiquement heureux sur les rivages de nos lacs. Et puis, en deça des gouvernants, il y a les gouvernés : l'entreprise de production de profits délirants à partir des grandes manifestations sportives se double d'une opération,  plus réussie encore, de crétinisation de masse -il ne sera besoin, pour le vérifier, que de contempler la régression collective des foules lors du Mondial de foot : du darwinisme à l'envers, le retour au chaînon manquant...

Quant à la vieille antienne du « sport école de fraternité et de respect », de grâce, qu'on cesse de nous la réchauffer à chaques jeux du stade... à la fin du match qualifiant leur pays pour le Mondial, joueurs et supporters croates ont entonné des chants oustachis c'est-à-dire, pour être clair : des chants fascistes.... « Les Dieux du Stade » de Leni Riefenstahl, il est vrai, est un film nazi...

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