Cinq jours après avoir été réélu à la tête de la
Coupole mondiale du foot professionnel, la FIFA, Sepp Blatter
a annoncé sa démission d'une présidence qu'il
occupait depuis 17 ans. Sous son règne, la FIFA était devenue
une puissance financière (10 milliards de dollars de profits)
et politique (l'attribution à un Etat de l'organisation d'une
Coupe du monde de foot est, pour cet Etat, un enjeu
politique). Et un panier de crabes, dont quelques uns ont fini
ces jours dans le panier de la justice américaine (la justice
suisse enquêtant aussi sur le panier et ses moeurs), laquelle
commençait dangereusement à se rapprocher de Blatter. D'où,
sans doute, sa démission, au-delà du prétexte du manque
d'unanimité à l'élire. A part ça, à Genève, le drame qui
couvait a éclot : le FC Servette a été relégué
administrativement en Première ligue de foot faute d'avoir pu
fournir les garanties financières nécessaires pour rester en
«challenge league». Si on ne hurle pas de désespoir après ce
double coup du sort injuste, on risque le peleton d'exécution
pour haute trahison ? Et si on voit en Blatter et Quennec (le
président du FC Servette, donc) des symboles de la réalité du
foot professionnel, on est des antisportifs primaires ? Eh
bien soit, on assume : on est des antisportifs primaires.
Secondaires, tertiaires et quaternaires, même. Vu ce que le
sport est devenu, en tout cas..
Le football ? la "première religion du monde". Et on
est athées...
Dans une tribune publiée par "Le Temps" d'hier, le
"consultant" congolais J.J. Arthur Malu-Malu écrit du football
que "c'est sans doute la première religion du monde". Et que
"qui contrôle le football mondial "contrôle" donc les milliard
d'adeptes de cette religion". Et les profits financiers (et
politiques) retirés de l'exploitation de cette foi religieuse, à
qui, en athées que nous sommes à son égard aussi, on
s'autorisera à appliquer pleinement la vieille image marxienne
de la religion comme "opium du peuple", comme "soupir de la
créature opprimée"... Cette religion mondiale est pourtant assez
récente, et son mondialisme n'est finalement que le produit du
colonialisme.
Le foot, en effet, n'est pas né avec la FIFA -il s'en faut d'au moins un millénaire, et n'a pas eu besoin de coupes du monde pour essaimer un peu partout. Les Mayas et les Aztèques jouaient au "tlachtli" (et sacrifiaient les perdants aux dieux), les Chinois jouaient sous les Han à un truc intermédiaire entre le foot et le basket, les Romains au "harpastum", intermédiaire entre le foot et le rugby, les Français et les Anglais du Moyen-âge à la "soule", dans des parties souvent sanglantes, les Florentins de la Renaissance au "calcio", qui tenait à la fois du foot, de la boxe et du rugby, et que le fascisme ressuscita. Mais la ballopied telle qu'on la connaît et la célèbre aujourd'hui est une invention de la bourgeoisie anglaise, de ses "public schools" et de patrons soucieux d'organiser et d'encadrer le temps "libre" des ouvriers -tant qu'ils tapent dans un ballon, ils ne font pas de syndicalisme... Le brasseur John Henry Davies créée le Manchester United, le patron de chantier naval Arnold F. Mills créée Thames Ironworks, les chefs d'entreprises embauchent les meilleurs joueurs dans des emplois de complaisance et financent, non loin de leurs usines, des stades, où le jeu, dont la Football Association définit progressivement les règles, peut devenir spectacle populaire. Il ne reste plus ensuite qu'à exporter le jeu et ses règles dans l'empire colonial britannique et en Amérique du sud, et à faire en sorte qu'il supplante comme sport de masse les sports "indigènes" des pays d'Europe continentale. En 1904, enfin, est créée la FIFA, Fédération internationale de football association... Devenue un siècle plus tard la gigantesque pompe à fric secouée depuis quelques jours par un scandale planétaire.
Cette mutation d'une association sportive d'amateurs en mafia où le sport le plus pratiqué semble ne pas être le football mais l'achat de votes et les pots de vin, Sepp Blatter, son président désormais démissionnaire, en a été l'un des artisans. On ne pleurera donc pas sur son sort de dirigeant, peut-être pas lui-même corrompu, mais volontairement sourd et aveugle à la corruption généralisée dans la coupole mondiale du sport-pognon, qu'il dirigeait en autocrate . Et on ne pleurera pas non plus sur l'image que le scandale actuel donne du foot professionnel : elle est sans doute, encore, trop éloignée de la réalité pour lui être fidèle -il n'y a ainsi guère de raisons de croire que la coupole continentale européenne, l'UEFA, soit plus "clean" que la coupole mondiale, la FIFA, et que Michel Platini (à ses heures, voyageur de commerce pour le Mondial du Qatar) soit l'Ange Blanc des combats de catch contre le Bourreau de Béthune. Mais peu (ou pas grand chose) importe : que ce soit la justice américaine qui sonne la charge est peut-être une aubaine pour ceux qui, parce que c'est la justice américaine, s'empresseront d'emboucher les trompettes d'une théorie du complot afin d'innocenter par avance la FIFA en général, ses corrompus en particulier et Sepp Blatter personnellement, mais elle a au moins, arrière-pensées ou pas, une efficacité qu'on souhaiterait à bien d'autres "justices" dans les cas de corruption...
Il y a un peu plus de deux mois, les chambres fédérales suisses (c'est-à-dire leurs majorités de droite, PLR, PDC et UDC) se sont prononcées, contre l'avis de la gauche, pour le maintien des privilèges fiscaux accordés par la Suisse à la FIFA avec cet argument, aujourd'hui assez égayant, que la présence en Suisse de grandes associations sportives internationales, en tout particulièrement de la FIFA donnaient de notre pays une image et une réputation internationales d'une telle positivité que prétendre leur faire payer des impôts relèverait de la plus noire ingratitude.
La sagacité des parlementaires de droite nous éblouira toujours.
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