Tenir, tenir...
Une demie-finale de tirée, en reste une demain, et dimanche, on en
aura donc enfin, et c'est pas trop tôt, fini avec l'Eurofoot. Mais
pas avec le sport professionnel, ses jeux du cirque, ses
préparations médicamenteuses, les masses de pognon qui s'y
investissent et la décérébration collective qui l'accompagne. On
en aura fini avec l'Eurofoot, mais Juillet, c'est le mois du Tour
de France. Et du pot belge. Bah, au moins, à la télé, les
retransmissions de la « grande boucle » nous font voir de beaux
paysages, et c'est toujours ça que celles des matches de foot dans
les cuvettes des stades ne peuvent nous proposer...
Eurofoot : vous préférez une finale Espagne-Allemagne à Gernika ou
Espagne-Italie sur l'Ebre ?
e ne sont que des matches de foot, 20 grands garçons courant après
une baballe avec pour ambition ultime de l'expédier dans une cage
gardée par un autre grand garçon. Un jeu, rien qu'un jeu, mais
devenu par la grâce des media un spectacle mondial, et par la
graisse de l'économie du sport professionel un marché
considérable. Mais quel est l'enjeu du spectacle, et que vend-on
sur ce marché encombré de corruption, de spéculation et de dopage,
? A prendre au pied de la lettre et au pied du mot le langage
guerrier des innombrables commentateurs de la baballe, il doit
être considérable, cet enjeu : ce ne sont que défenses enfoncées,
batailles et combats (le football n'est donc plus un jeu ?),
proclamation qu'il « faut bien un vainqueur» (ah bon ? et
pourquoi diable ?)... Il est loin, le temps du précepte «
L'essentiel, c'est de participer »... l'essentiel, aujourd'hui,
dans le sport comme dans le plus pur libéralisme, c'est de gagner,
et peu importe la manière. Que le plus fort, ou le plus malin, ou
le plus riche, gagne, et malheur aux vaincus.
Mais qu'est-ce que cela aurait changé à la situation de la Grèce,
si elle avait battu l'Allemagne ? Qu'est-ce que cela changera à la
situation de l'Espagne et qu'est-ce que cela aurait changé à celle
du Portugal d'aller entendre les hymnes nationaux des finalistes
(et chanter le sien) à Kiev dimanche ? Qu'est-ce que le résultat
du match de demain changera à la situation des Italiens ? Est-ce
que l'obsession de « discipline budgétaire » d'Angela Merkel se
sera dissipée si l'Allemagne n'est pas championne du monde (ou si
elle l'est) ? Evidemment que non. Evidemment que rien n'aura été
changé à rien. Et que les habitants de l'Ukraine n'auront rien
gagné à ce que leurs potentats co-organisent la fête à neuneu (le
contexte ukrainien est calamiteux ? Et alors ? Tout le monde s'en
fout, du contexte ukrainien...). Et même les plus abrutis des
supporters de foot le savent bien, une fois sortis de leurs
transes : leur exubérance de chaînon manquant entre préhominiens
et hominiens tient de tout, sauf de la raison.
Il n'empêche : la mobilisation tripale et tribale, autour des
marches de foot, de tout ce qui peut se ramasser de religiosité
bas de gamme et de xénophobie ordinaire pose questions -à
commencer par celle-ci : qu'est-ce qui peut bien provoquer la
transformation d’individus ordinairement intelligents en primates
éructants, au bord du suicide quand « leur » équipe perd et
au-delà de l'épectase quand elle gagne ? Cela doit bien se situer
quelque part, du côté du cerveau reptilien ou de la réminiscence
infantile, cette insulte à Darwin, cette déchirure dans le
continuum de l'évolution de l'espèce censée nous avoir mené au
glorieux statut d'homo sapiens sapiens, d'humain qui sait qu'il
sait... mais alors pourquoi ne sommes-nous pas tous frappés de
cette régression ? Pourquoi quelques-uns d'entre nous en sommes
préservés alors que tant d'autres, et quelques uns, et même
quelques unes que nous ne soupçonnions pas vulnérables à cette
régression, la subissent au point de perdre avant, pendant et
après match tout langage articulé (les klaxons en tiendront lieu),
ou, pire, de n'en garder que ce qui est nécessaire pour proférer
des énormités que seule la vacuité de leur prétexte sauve de
l'odieux, sans les sauver du ridicule ?
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