02 juillet 2009

Y'A PAS DE PETIT PROFIT

On ne sait pas combien l'accueil forcé de l'Euro2008 par Genève pourrait rapporter : les estimations varient du simple au double. Rütter+Partner évoque une fourchette de 44 à 80 millions de francs de dépenses directes et indirectes des participants et des spectateurs (logement, nourriture, shopping) à Genève, entre 90 et 170 millions à Zurich -ce qui ne signifie pas grand chose en termes de retombées économiques ou de rentrées fiscales. D'autant qu'il faudra, pour évaluer ce qu'éventuellement l'Euro2008 aura rapporté, déduire de son "produit événementiel brut" ce qu'il aura coûté : au moins vingt millions de dépenses directement liées à l'événement, si tout se passe bien. Plus le coût de la mise en conformité du stade, le paiement des dettes de la fondation du stade, et les impondérables...
En tous cas, les hôteliers font grises mines : à Genève, les nuitées pendant le mois de l'Euro, juin 2008, ont été de 4 % plus basses qu'en juin 2007, et seuls les hôtels deux étoiles ont eu plus de nuitées que l'an dernier (et encore, pas beaucoup : 1 %)-
De petits malins comptaient bien s'en mettre plein les poches pendant l'Euro, en sous-louant leur appartement le temps des compétitions, et en le sous-louant jusqu'à trois, quatre ou cinq fois le loyer normal (un trois-pièces à 900 balles par mois sous-loué 150 balles par nuit, un autre loué 1300 francs par mois, et sous-loué 4000 francs par mois, une chambre à Chancy pour 200 euros -exemples cités par "20 minutes").
D'autres petits malins entendaient également profiter de l'Euro : les responsables de la société qui perçoit les droits d'auteurs en Suisse, la Suisa, qui a rappelé qu'elle pouvait exiger de toute personne faisant voir sur sa télé ou sur n'importe quel écran des matches de l'Euro hors de sa sphère privée, au sens restrictif du terme (un ensemble de gens que l'on connaît tous et qui se connaissent sous), la somme de 25 francs 95 par diffusion. Quant aux bistroquets, ils aueraient dû payer une redevance supplémentaire dès que la diagonale de l'écran sur lequel ils diffusaient les matches dépassait trois mètres. Quelques fans de foot ont annoncé qu'ils avaient l'intention de diffuser gratuitement sur internet les matches de l'Euro, au motif, particulièrement naïf, que "la fête du foot appartient à tous et pas seulement à ceux qui peuvent se la payer". Mais l'UEFA, qui a vendu pour des centaines de millions, ou des milliards, les droits de diffusion des matches, veillait : elle n'avait pas la moindre intention de laisser filer le moindre centime et a annoncé qu'elle ne tolérerait aucune action du genre diffusion gratuite des matches. Le problème, c'est que, selon la Commission arbitrale fédérale pour la gestion des droits d'auteurs, l'UEFA n'a pas le droit de demander une redevance aux organisateurs des rediffusions de matches, et que seules les sociétés détentrices d'une concession de la Confédération, comme la Suisa, peuvent le faire, alors que des organisateurs avaient déjà, avant l'Euro, été rançonnés par l'UEFA (celui des retransmissions de l'Euro au jardin du Rivage, à Nyon, a ainsi payé 6000 francs pour la retransmission des rencontres), et à des tarifs largement supérieurs à ceux demandés par la Suisa (l'organisateur nyonnais a payé 6000 francs pour ce que la Suisa tarife à 2500 francs maximum). A Compesières, où 400 personnes devaient se réunir pour suivre les matches et griller quelques cervelas, les organisateurs ont failli être taxés de 2400 balles par l'UEFA, et être forcée de ne faire glouglouter que la bière officielle de l'Euro.
Quant à l'UBS, qui a mis sur pieds les UBS-Arena (scènes de retransmission des matches sur écrans géants, agrémentées de quelques productions musicales), elle avait passé des contrats d'exclusivité avec les communes où les ABS Arena sont implantées -pas question pour des associations ou des clubs d'essayer de mettre sur pied leurs propres retransmissions sur écrans géants, c'est verboten, la taille maximale des écrans autorisés sur le domaine public, hors UBS Arena, est de 3 mètres de diagonale. On rigole pas avec les contrats d'exclusivité.
Autre monopole : celui attribué à Eurosport, numéro un de la distribution des articles de sport en Suisse, qui avait décroché l'exclusivité de la vente dans les quatre stades hôtes des produits officiels liés à l'Euro.
Petit malins aussi, les limonadiers et brasseurs : l'Office fédéral de la santé publique demandait que les villes hôtes offrent gratuitement de l'eau potable à leurs visiteurs pendant l'Euro, pour éviter qu'ils ne soient conduits à se désaltérer à la bière. Ben non, elles n'ont pas pu : les sponsors s'y sont opposés. Tout au plus, à Genève, a--t-on vendu à prix réduit du jus de pomme genevois.
Petits malins encore, les encaveurs de la Cave de Genève : ils ont lancé pour l'Euro 2008 trois pinards de "qualité gastronomique" à onze balles la totoille : un chardonnay baptisé "coup d'envoi", un pinot rosé baptisé "mise en touche" et un assemblage de rouges baptisé "prolongations". Pour "pénalty", "hors jeu" et "coup franc", rien n'est prévu -sinon la consommation des trois bouteilles précitées. La secrétaire générale de la Fédération genevoise pour la prévention de l'alcoolisme, la députée socialiste Laurence Fehlmann-Rielle, a trouvé qu'"associer le sport et le vin n'est pas très malin". S'agissant du foot, c'est surtout pas très pertinent : c'est à la bière que carburent les supporters, et plutôt à la coke que s'explosent les joueurs.
Petits malins enfin, les tenanciers des Auberges de Jeunesse : dans les villes-hôtes, la nuit dans une AJ a coûté généralement jusqu'à 20 % de plus que d'habitude...
Dans un ramdam comme l'Euro2008, tout est un marché, même (ou surtout ?) la sécurité : la société "Python Sécurité" a ainsi reçu mandat d'assurer la sécurité sur le site du stade pendant les trois matches de l'Euro joués à Genève. Elle espérait en retirer une augmentation de 40 % de son chiffre d'affaire entre 2007 et 2008, mais avoue avoir eu de la peine à recruter des "stadiers bénévoles" (il lui en manquait encore 200 fin mars).
Toujours à propos du petit commerce : le Crédit Suisse a commencé le 16 avril à distribuer 200'000 ballons de foot dans ses 183 succursales. Mais selon la télé alémanique DRS, les ballons ont été fabriqués au Pakistan, par une entreprise non contrôlée, employant non seulement des hommes et des femmes, mais aussi des enfants, payés princièrement l'équivalent de 39 centimes par ballon (soit la moitié du tarif normal). Et alors ? pour ces basanés qui vivent de rien et se contentent de peu, 39 centimes, c'est le début de la fortune, non ? La valeur totale des ballons distribués par le Crédit Suisse, ça ne se monte qu'à 78'0000 francs. A peine un jour de boulot pour la patron de la banque... Et une année de subsistance pour tout un village pakistanais.
Feldschlosschen est contente : "nous avons même dépassé nos ambitieux objectifs", a déclaré le patron du groupe, Thomas Amstutz, commentant le bilan de la vente de bibine pendant l'eurofoot : la consommation a grimpé de 20 % par rapport à la même période de l'année dernière, ce qui correspond à cinq millions de litres supplémentaires, dont 200'000 lites pour le seul 21 juin, jour du match bâlois Russie-Pays Bas (c'est que ça boit, le Russe et le Batave)
Enfin, y'en a un à qui l'Euro2008 a rapporté 30 millions avant même qu'il ne débute, c'est l'un des sponsors de la compet', la marque horlogère Hublot, qui a écoulé avant même sa mise sur le marché les 2008 exemplaires de la "montre officielle" de l'Euro, à 15'000 balles pièce. C'est beau, le sport populaire.

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